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Orvat-ol-vothgha à Paris : C'est un journal politique écrit en arabe, avec pour objectifs de toucher un public plus large parmi la population des pays musulmans et aussi,

par un choix délibéré de son fondateur Afghani dont les ambitions dépassent les problèmes iraniens, de s'intéresser aux difficultés d'un monde plus étendu qui est le monde musulman. Dans la doctrine panislamiste d'Afghani, l’Iran n’est qu’un Etat à l'intérieur du royaume de l'Islam. Ceci dit, il ne faut pas penser qu’Afghani va renoncer définitivement à l’Iran pour se consacrer à l'Islam. Au contraire, il voyage en Iran, adresse des lettres de critiques et de propositions au roi - il critique énergiquement le régime monarchique qu'il considère illégal. Il dénonce les Ulémas iraniens pour leur imprévoyance et leur négligence du monde extérieur.

« Les critiques brûlantes d'Afghani de la politique coloniale de la Grande-Bretagne vont irriter sérieusement le gouvernement de ce pays qui avait des intérêts politiques et économiques vitaux surtout dans deux pays : l’Égypte et l’Inde. C'est alors qu'on décide d'interdire l'entrée de Orvat-ol- vothgha dans ces deux pays. Après le dix- huitième numéro, la publication du journal sera

75 stoppée, mais les activités politiques d'Afghani continueront à l'étranger et en Iran. Ce journal dépendait financièrement et spirituellement des Frères musulmans et du Mouvement islamique d’Égypte. Créé suite à la chute de l’Empire Ottoman, les Frères musulmans s’étaient fixé pour objectif d’unir les pays formés après la chute des Ottomans, comme la Jordanie, la Syrie, l’Egypte, la Tunisie, etc. contre la Royaume-Uni. » 109

3- Ghânoun "La Loi", à Paris

Le journal Ghânoun est créé en 1890 par Melkem Khan,110 ambassadeur d’Iran à Londres, qui perdra son portefeuille et tous ses titres en raison de la publication de Ghânoun. Dès le premier numéro, le journal met en cause la structure anarchique de la justice sociale en Iran et l'absence quasi totale de la notion de "loi" dans la gestion de la société. Or dans la monarchie iranienne, il y a ni place, ni raison pour la loi. Désormais, prononcer le mot "loi" est un délit. Mais au niveau de la population, le succès est total, d'autant plus que le journal est écrit dans un langage éloquent, simple, accessible à tous et attrayant.

« Pour démontrer explicitement l'intérêt et la nécessité de la loi pour régler les rapports sociaux, Melkem Khan va publier les lettres de ses lecteurs, victimes soi-disant d'injustices. Ces lettres ne sont en effet que des lettres fictives préparées par lui-même, mais les problèmes posés sont des problèmes réels. Cette démarche, peu orthodoxe, va provoquer la colère chez le roi et ébranler sérieusement le régime. » 111

« Les critiques de Melkem-Khan accusaient ouvertement mais habilement le roi et son entourage pour leur impiété et leur manque de sens de responsabilité. »112

Le slogan et l’en-tête du journal Ghânoun est : Union-Justice–Progrès. Voici l’extrait de l’un de ses articles :

« Un grand nombre d’Iraniens ont quitté leur chère patrie pour différentes raisons et se sont installés à l'étranger. Parmi ces émigrés, il y a des sages qui, voyant le niveau de progrès dans ces pays d’accueil, l'ont comparé à celui de

109 - Film documentaire ‘ Histoire des Frères musulmans’, Arte mars 2013

110 - Melkem Khan (1833-1908) (Nazem-al-dowla) fils d’un Arménien d’ Ispahan , converti à l’Islam. Etudes

supérieures en droit à Paris. Dès son retour en Iran, il devient l’interprète spécial et l’ami du roi Nâsséréddine Shâh. Influencé par Auguste Comte et J.S. Mill, réformiste, franc-maçon.

Voir aussi ArmanjaniY.’Iran’INC.USA 1972 pp. 110-120

111

- Sadr Hâchemi M., Tarikhé Djarayed va Majallaté Iran ; (Histoire des journaux et des magazines

iraniens). Vol. IV p. 97

112 - Voir :Kiânvar ,op.cit.,pp. 78-84

Ghaffari-Farhangi. , Communications traditionnelles et mouvements révolutionnaires en Iran ; Thèse de doctorat de ParisVII Jussieu.1991.

76 l’Etat iranien actuel et se demandent depuis longtemps par quels moyens secourir les gens pauvres piégés en Iran. Après de longues réflexions et recherches, ils se sont accordés sur l'idée que rien ne serait plus efficace qu’un journal libre pour aider la population à évoluer. En Iran, les dons du Ciel sont abondants, mais l'absence de lois interdit d’en profiter. Personne n'est propriétaire parce qu'il n’y a pas de loi correspondante. Le gouvernement est désigné sans loi, le général d’armée révoqué sans loi, les gens sont emprisonnés sans loi. Le Trésor public est bradé sans loi, les gens sont éventrés sans loi… »113

Plus loin il ajoute :

« Les pensées isolés, perdues dans un coin, n’auront aucun résultat. Les pensées utiles tireront leur force de leur réunion et l’unification des pensées ne peut être réalisée que par un journal. Pour rassembler les opinions et ressusciter la dignité d’un peuple, le monde ne connaît pas de cri plus fort que la voix d’un journal libre … » 114

4 – Hable-ol-Matine, à Calcutta : Quarante ans de publications mouvementées et plus de quarante fois interrompues par le gouvernement indien, interdites en Iran, en Irak, en Turquie et en Afghanistan. L'histoire de Hable-ol-matine se confond avec l'histoire de la révolution de la Constitution iranienne.

« Le Hable-ol-Matine est un journal iranien, le plus important jamais paru à l'étranger, d'abord par son tirage à 35.000 exemplaires115 , puis par sa zone d'influence : la plupart des pays du Proche et du Moyen-Orient116, et par son audace et son impact. »117.

113

-

114 - Ahrâr A .op.cit. pp.8,9.

115 - Sadr Hâchemi op.cit. p.206 vol. II

116 - Idem

117 - Selon Kasravi « Le journal hebdomadaire, le plus grand et le plus distingué de cette époque »

77 L'objectif fixé par son fondateur Moayyed-ol-Eslâm, un homme d'affaires intellectuel iranien, est de faire de Hable-ol-Matine, un journal populaire à but non lucratif.

« Il protestait contre la politique économique du Shâh et avait la conviction que l'instauration d'un régime de droit en Iran pourrait limiter le pouvoir du Shâh sur l'économie malade du pays. C'est ainsi que le commerce pourra se développer en Iran. » 118

En réalité, avec son ami Melkem-Khan, il partage la même conviction que seule la presse est capable d'éveiller la population et de la mobiliser contre le régime despotique des Qâdjârs. Chaque semaine, cinq mille exemplaires de Hable-Ol-Matine sont distribués gratuitement aux Ulémas en Iran et en Irak. Beaucoup de leaders religieux progressistes et partisans de Hable-Ol-Matine recommandent publiquement à leurs disciples la lecture du journal. Habl-Ol-Matine va devenir un moyen redoutable de lutte antimonarchique pendant et après la Révolution constitutionnelle.

« Moayyed publiera Hable-ol-Matine en anglais, en ourdou et en bengali à côté des autres périodiques. »119

« L'une des raisons de l'essor de ce journal était due à la fortune de Hâj Zein al-Abedin Taqiev, un intellectuel iranien vivant dans le Caucase. Il avait fourni une somme faramineuse à Moayed al-Islam pour qu’il envoie le journal gratuitement aux Ulémas de Najaf et d’autres villes. Ainsi s'est formée une alliance entre ces derniers et le journal. De grands Ulémas de l’époque comme Cheikh Hassan Mamqâni et Fâzel Charbyâni ont fait l’éloge du journal. » 120 Les correspondances font l'objet d'une surveillance particulière de la part du? Service de la censure qui va d'ailleurs consacrer une unité spéciale à la Poste. Celle-ci doit remettre à la disposition de l'unité de la censure toutes publications en persan provenant de l’étranger, et ce dès leur réception. Après inspection et vérification pendant le laps de temps nécessaire - un jour pour les journaux, quatre jours pour les livres -, l'unité de la censure rend les publications à la Poste mais retourne immédiatement à l'expéditeur celles contenant des articles reconnus contraires à l'intérêt de l'’Etat. Les journaux en exil sèment ainsi le grain de la révolution à l’intérieur du pays, qui portera ultérieurement ses fruits pendant le règne de Mozaffaréddine Shâh avec l'émergence du mouvement constitutionnel,

118 - Ghâssemi Seyyed Farid.' Histoire de la presse en Iran' (Tarikhé Matbouaté Iran) Ed. Sânieh, Téhéran

2011, p.48

119 - Sadr- Hachemi.op.cit. p.200 vol.1

78 puis la ratification du régime constitutionnel par ce dernier. Ces journaux possèdent en général trois caractéristiques :

- Leurs articles abordent souvent des sujets sociaux, des commentaires politiques, l'actualité gouvernementale ainsi que des informations internes et étrangères.

- Les auteurs des articles sont tous des libéraux, désireux de renverser le régime despotique et d’établir un régime constitutionnel.

- Impressionnés par les systèmes sociaux et politiques des pays européens, surtout du Royaume-Uni, de la France, de la Belgique et de la Suisse, leurs éditorialistes montrent au travers de leurs articles qu’ils souhaitent l’établissement en Iran d’un régime gouvernemental calqué sur ces pays

.

2-1-1-2 Les Chab-Namehs, 121 ces journaux clandestins

Les journaux clandestins constituent la troisième force de poids dans la propagation des informations. Lue à la fois par les intellectuels, par les forces réactionnaires, y compris par les agents de l’Etat, cette presse émergente est la conséquence logique de l'absence ou de l'insuffisance d'une véritable presse de l'information. En effet, en raison des obstacles tendus à l'encontre des journaux provenant de l'étranger et de la censure des journaux nationaux, les moyens clandestins vont devenir l'ultime recours pour la circulation des informations et la divulgation des idées. Rapidement ces Chab-Namehs vont dépasser leur objectif initial pour devenir ainsi des moyens redoutables de la lutte entre les groupes.

« Beaucoup de journalistes, poètes et écrivains vont tenter cette expérience. Des "Anjomans" (associations) clandestins sont créés pour préparer des journaux, rédiger des articles spectaculaires, révélateurs ou incitateurs pour alimenter ces journaux. Certains dignitaires religieux ont coopéré à la rédaction des articles destinés aux Chab-Namehs. » 122

Etant donné leur clandestinité et l'anonymat de leurs auteurs, ces publications sont exposées aux aléas de toute radicalisation qui peut aller jusqu'à l'absurde : diffamations, insultes… Les journaux clandestins ne sont pas non plus à l'abri des risques d'amalgame et

121 - Chab-Nameh (lettre nocturne) par opposition à Rouz-Nameh qui signifie en iranien : le journal est

distribué pendant la nuit ou envoyé par la poste ou collé sur les murs.

79 de contrefaçon perpétrés par leurs adversaires. Ainsi, chaque journal essaie de préserver avec beaucoup de soin son propre style pour favoriser l'identification de son empreinte.

« Shâh-savan'' est le journal iranien clandestin le plus ancien fondé à Istanbul en 1881. » 123

Pour déjouer la censure, les copies du journal sont envoyées d'abord à Paris ou à Londres d'où elles sont réexpédiées ensuite par la poste vers l'Iran aux adresses des domiciles des gens. Le style du journal est de traiter les problèmes avec ironie et humour, ce qui est très apprécié par ses lecteurs.

« De nombreux journaux clandestins ont été créés dans les villes iraniennes, les plus célèbres d'entre eux sont ''Rouznameh - Gheybi'' et le journal anonyme de Malek ol-Mottakallamin »124, imprimé à Saint- Saint-Pétersbourg et expédié vers l'Iran.

« Le style du journal est de soulever par des "questions- réponses'' les problèmes sociaux et politiques du pays pour les rendre compréhensibles à tout le monde, une démarche simple mais très efficace. » 125

La délivrance de licence aux journaux, ses rédacteurs, le champ de leurs compétences, leur surveillance avant et après parution, la ligne rouge à ne pas franchir, l’arrestation de journalistes et de distributeurs de prospectus, les verdicts rendus sont ordonnés directement par le chah. Pendant cinquante ans jusqu'à la fin du XIXème siècle, l’Etat et les bureaucrates membres du gouvernement vont monopoliser la publication des journaux à l'intérieur du pays.

« Nasseréddine Shâh a été le pionnier d’un organe étatique de la presse qui existe toujours en Iran malgré des hauts et des bas. » 126.

2-2 Deuxième période - la période constitutionnelle

Mozaffaréddine Shâh127 est un homme faible et maladif. Il est considéré dans l’histoire de l’Iran comme un dirigeant manipulable et commode qui se repose sur son chancelier (équivalent du Premier Ministre) pour diriger le pays à sa place. Un roi

123 - Un journal antimonarchiste et anticléricaliste fondé par Talebof A.R. Et Chabéstari M.

124 -Membre de l'association clandestine d'Ispahan qui va jouer un rôle prépondérant dans l'histoire

contemporaine iranienne.

125 -Kiânvar M.A. op.cit. pp.90-91

126 - Ghassemi S . F op.cit. p.18

80 favorable au changement réformiste, mais d’une façon progressive et dans la continuité du régime en place. Aucune exception pour l’évolution ou la répression des idées, et pendant ses onze années de règne, la situation de la presse est directement liée au tempérament et à la façon de gouverner de son chancelier. Après le décès de Nassereddine Shâh et au début du règne de Mozaffareddine Shâh, l’Iran accélère sa marche vers une révolution politique. Une classe moyenne qui s’est dissociée de la monarchie se développe partout dans le pays. La vague intellectuelle qui s'est répandue dans le pays grâce aux journaux en exil a fait connaître à la population des concepts tels que la loi, la liberté, les réformes, l’égalité et la justice. Les intellectuels qui rentrent d’Europe organisent des débats pour critiquer la dictature et parler de la nécessité d’instaurer la Loi. La population se réunit dans les villes, voire les villages, pour écouter les gens lettrés qui leur lisent les journaux. Ensuite, ils se mettent à discuter des affaires du pays. Les intellectuels révisionnistes rejettent le passé et critiquent le présent. Cependant, ils mettent tous leurs espoirs dans l’avenir et se fixent pour objectif de légaliser le Shâh.

« Les associations et les partis politiques clandestins étaient bien convaincus que le régime au pouvoir était au bord de la faillite et les forces militaires étaient impuissantes. Tout un chacun s’attendait à une révolution. » 128

Dans cette révolution, les intellectuels sont en première ligne, expliquant des notions telles que la liberté et la loi au peuple dans la presse. Celui-ci est convaincu que le constitutionnalisme va leur apporter le bien-être et l'égalité. Avec une telle représentation du constitutionnalisme, les masses populaires – appuyées par les religieux – se joignent aux révolutionnaires en demandant la formation d’une assemblée. Les religieux apportent leur soutien à la révolution constitutionnelle par crainte de perdre leur part du pouvoir. Le clergé et les Ulémas sont en mesure de financer des journaux grâces aux khoms 129 qu’ils font payer au peuple. De plus, ils font partie de la couche lettrée de la société.

« En outre, les documents officiels du gouvernement indien ainsi que ceux du ministère britannique des Affaires étrangères ont révélé que, de 1850 à 1968,

128- Bijani Maryam ,Fékré Azadi Matbouât, (La pensée de la liberté de la presse) Ed. Markazé Tahghighâté

résâné , Téhéran ,2005 .p.22

129 - 'Khoms' ce système fiscal islamique est perçu sur les revenus d'un croyant.

Voir A. Khomeiny, Pour un gouvernement islamique, traduction, M. Kotobi et B. Simon Ed. Fayolle Paris 1979 p. 30 p. 139

81 quelque 600 Ulémas et religieux ont été rémunérés par les ambassades du Royaume-Uni à Téhéran et à Bagdad. »130

« Un rapport rédigé par le chargé d’affaires britannique en Iran à l’adresse du ministre britannique des Affaires étrangères mentionne qu'un chef religieux de Téhéran lui avait demandé une aide financière pour faire éclater des émeutes et fomenter une révolution. Un groupe de religieux de l’époque du mouvement de constitutionalisme a demandé à l’ambassade britannique à Téhéran de l’argent pour contribuer à la révolution constitutionaliste. » 131

« J’ai reçu un message d’un haut religieux de Téhéran disant que le peuple était prêt à faire tomber le régime et que c’était le meilleur moment pour que le gouvernement britannique les aide s’il le veut. » 132

« L’ambassade de la Grande Bretagne à Téhéran a envoyé de nombreux documents concernant la demande d’aide politique et financière anglaise. » 133 En raison de l’aide financière du Royaume-Uni aux religieux et de leurs liens d’amitié, leurs journaux reçoivent aussi une aide secrète du Royaume-Uni. L’affaissement des piliers du régime du Shâh sous la charge des problèmes financiers, des voyages coûteux en Europe et de l’endettement envers les pays étrangers, l’insécurité et l’agitation dans les villes en raison du marasme économique et de la hausse des prix à la consommation, l'absence de fonds dans les caisses de l'Etat et l’augmentation des impôts poussent le pays vers de nouveaux changements. Son premier chancelier Amine-o-Soltan applique une politique dure et répressive vis-à-vis de la presse et de la liberté d’expression. Il interdit l’entrée dans le pays de la presse iranienne éditée à l’étranger. La situation économique de l'Iran est mauvaise et le peuple mécontent. Face à la vague de mécontentement du peuple soutenu par les écrits protestataires et révoltés des journaux en exil, le Shâh est contraint de remplacer le chancelier par un réformiste intéressé à l’évolution de la presse et de la culture. Amine-o-Doleh, second chancelier du Shâh, crée des écoles et multiplie le nombre de journaux. La publication du premier journal indépendant et non gouvernemental édité en Iran a lieu sous son gouvernement. Sous son gouvernement également, les journaux publiés à l’étranger peuvent être importés plus librement que sous son prédécesseur. Cependant, les seuls à pouvoir être distribués légalement sont les journaux officiels ou semi-officiels. L’anarchie provenant de

130 - Rayyn Ismaël ,Hoghough bégiran enguélis dar Iran, (Les salariés de l'Angleterre en Iran) Ed.

Elmy,Téhéran 1994 p.103

131 - Idem p.377

132 - Idem p. 378

82 l’attribution de cette liberté d’expression suivie par la publication des tracts, des pamphlets et des journaux protestataires au langage sans concession vis-à-vis du pouvoir obligent le Shâh à rétablir l’ordre et à révoquer son chancelier - au bout d'une année de gouvernement - qu'il remplace par son prédécesseur. De retour aux rênes du pouvoir, Amine-o-Soltan interdit la publication de tout journal, qu’il soit indépendant ou pro-gouvernemental. De même qu'il interdit l’entrée en Iran de la presse iranienne publiée à l’étranger. Son successeur Eïnodoleh se montre encore plus répressif envers les journaux et les journalistes libéraux. De nombreux journalistes critiques sont emprisonnés ou chassés en exil. La rigueur envers la presse devient tellement excessive que même lire un journal à Téhéran est considéré par l’Etat comme un quasi délit. Son gouvernement marque une des périodes les plus sombres de la pré-constitution en Iran. La crise économique du pays, l’augmentation des prix des denrées de première nécessité, la fermeture du Bazar - l’artère de l’économie à Téhéran depuis toujours -, les diverses concessions aux pays étrangers,134 les nombreux voyages du Shâh en Europe 135 sont parmi d’autres, des facteurs déclencheurs d’un vaste mouvement populaire général dans presque tout le pays contre la politique du Shâh et de son chancelier. Le châtiment par flagellation en public de quelques grossistes de sucre dans le Bazar de Téhéran suscite les critiques des religieux. Les discours prononcés par les religieux devant le peuple font l’effet de bombes en l’absence des journaux. Les religieux se sont ouvertement joints au mouvement constitutionnel qui prend progressivement une autre tournure et s'achève par la demande d'abolition du régime despotique et d’établissement d’un régime constitutionnel parlementaire. Mozaffaredine Shâh, d’une nature pacifiste, cède à la volonté des intellectuels et des religieux libéraux et leur accorde une constitution et un parlement (23 juillet 1906). L’Iran devient ainsi le premier pays musulman à se doter d’une Constitution et d'un Parlement légiférant. La loi fondamentale écrite par l’Assemblée constitutionnelle "empruntée à la Loi constitutionnelle française et belge" 136 sera ratifiée par le Shâh cinq mois plus tard. Le Shâh, affaibli et malade, la signe

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