1 0 0
0 a 0
0 0 1 +a2
où :
P =
1 −1 −1
0 1 1
0 0 1
11.6 Orthogonalité, noyau et rang
Pour ce paragraphe, ϕest une forme bilinéaire symétrique sur un espace vectoriel E etq la forme quadratique associée.
Définition 11.11 On dit que deux vecteurs x, y de E sont orthogonaux relativement à ϕ si ϕ(x, y) = 0.
Exemple 11.6 Sur R2 ou R3 le produit scalaire usuel :
(x, y)7→x·y=x1y1+x2y2 ou (x, y)7→x·y=x1y1 +x2y2+x3y3
définit une forme bilinéaire symétrique et la définition de l’orthogonalité correspond bien à celle étudiée au Lycée.
Définition 11.12 Si X est une partie non vide E, l’orthogonal de X relativement à ϕ est le sous-ensemble de E formé des vecteurs orthogonaux à tous les vecteurs de X.
L’orthogonal d’une partie non vide X deE est notée X⊥ et on a : X⊥ ={y∈E | ∀x∈X, ϕ(x, y) = 0}. Exemple 11.7 Pour X ={0}, on a X⊥ =E.
Les propriétés suivantes se déduisent immédiatement de la définition.
Théorème 11.15 Soient X, Y deux parties non vide de E.
1. X⊥ est un sous-espace vectoriel de E.
2. X ⊂¡ X⊥¢⊥
.
3. Si X ⊂Y, alors Y⊥ ⊂X⊥.
Comme, pour toute partie non videXdeE, X⊥est un sous-espace vectoriel deE,l’inclusion X ⊂¡
X⊥¢⊥
sera stricte pourX non sous-espace vectoriel.
Pour le produit scalaire usuel sur E = R2, on a E⊥ = {0}. En effet si y ∈ E⊥, il est en particulier orthogonal à lui même, donc y·y=y12+y22 = 0 ety1 =y2 = 0,soit y= 0.
Mais de manière général un vecteur peut être orthogonal à lui même sans être nécessairement nul.
Considérons par exemple la forme bilinéaire symétrique ϕdéfinie sur R2 par : ϕ(x, y) =x1y1−x2y2
Un vecteur x est orthogonal à lui même si, et seulement si, x21 −x22 = 0, ce qui équivaut à x2 =±x1.
Définition 11.13 On dit qu’un vecteur xdeE est isotrope relativement àϕs’il est orthogonal à lui même.
Définition 11.14 L’ensemble des vecteurs isotropes deE,relativement àϕ,est le cône isotrope de ϕ.
Le cône isotrope de ϕest donc le sous-ensemble de E :
Cϕ ={x∈E |q(x) = ϕ(x, x) = 0}.
On dit aussi que Cϕ est le cône isotrope de la forme quadratique q et on le note alorsCq ou q−1{0}.
Définition 11.15 Le noyau de ϕ est l’orthogonal de E.
En notant ker (ϕ)le noyau de ϕ, on a :
ker (ϕ) = E⊥ ={y∈E | ∀x∈E, ϕ(x, y) = 0}
et ce noyau est un sous-espace vectoriel de E.
On dit aussi que ker (ϕ) est le noyau de la forme quadratique q et on le note alorsker (q). Lemme 11.1 Le noyau de ϕ est contenu dans son cône isotrope, soit :
ker (ϕ)⊂Cϕ.
Démonstration. Si x ∈ ker (ϕ), il est orthogonal à tout vecteur de E et en particulier à lui même, ce qui signifie qu’il est dans le cône isotrope de ϕ.
Exercice 11.24 Déterminer le noyau et le cône isotrope de la forme bilinéaire symétrique ϕ définie sur R3 par :
ϕ(x, y) =x1y1+x2y2−x3y3
Solution 11.24 Dire que y est dans le noyau de ϕ signifie que ϕ(x, y) = 0 pour tout vecteur x de R3, ce qui équivaut à ϕ(ei, y) = 0 pour chacun des vecteurs de base canonique e1, e2, e3. Le noyau de ϕ est donc l’ensemble des solutions du système linéaire :
ϕ(e1, y) = y1 = 0 ϕ(e2, y) = y2 = 0 ϕ(e3, y) = −y3 = 0 soit :
ker (ϕ) ={0}.
Le cône isotrope de ϕ est formé des vecteurs x tels que x21 +x22 −x23 = 0, et on reconnaît là l’équation d’un cône de R3 (figure 11.1).
Exercice 11.25 Déterminer le noyau et le cône isotrope de la forme bilinéaire symétrique ϕ définie sur R3 par :
ϕ(x, y) =x1y1−x3y3
Fig. 11.1 – Cône : x21+x22−x23 = 0
Solution 11.25 Dire que y est dans le noyau de ϕ signifie que ϕ(x, y) = 0 pour tout vecteur x de R3, ce qui équivaut à ϕ(ei, y) = 0 pour chacun des vecteurs de base canonique e1, e2, e3. Le noyau de ϕ est donc l’ensemble des solutions du système linéaire :
ϕ(e1, y) = y1 = 0 ϕ(e2, y) = 0 = 0 ϕ(e3, y) = −y3 = 0 soit :
ker (ϕ) =
y=
0 y2 0
|y2 ∈R
c’est donc la droite vectorielle dirigée par e2.
Le cône isotrope de ϕest formé des vecteurs x tels que x21−x23 = 0, soit :
Cϕ =
x=
x1 x2 x1
|(x1, x2)∈R2
∪
x=
x1 x2
−x1
|(x1, x2)∈R2
et il contient bien le noyau. Ce cône isotrope est la réunion de deux plans.
Exercice 11.26 Soient F, G deux sous-espaces vectoriels de E. Montrer que : (F +G)⊥=F⊥∩G⊥ et (F ∩G)⊥ ⊃F⊥+G⊥
Solution 11.26 Si x ∈ (F +G)⊥, on a alors ϕ(x, y+z) = 0 pour tous vecteurs y ∈ F et z ∈G et en particulier :
½ ∀y∈F, ϕ(x, y) = ϕ(x, y+ 0) = 0
∀z∈G, ϕ(x, z) = ϕ(x,0 +z) = 0 ce qui nous dit que x∈F⊥∩G⊥.
Réciproquement si x∈F⊥∩G⊥, on a alors ϕ(x, y) =ϕ(x, z) = 0 pour tous vecteurs y∈F et z ∈G et conséquenceϕ(x, y+z) = 0 pour ces vecteursy, z, ce qui nous dit que x∈(F +G)⊥. Si x=u+v ∈F⊥+G⊥ avec u∈F⊥ et v ∈G⊥, on a alors pour tout y∈F ∩G :
ϕ(x, y) =ϕ(u, y) +ϕ(v, y) = 0 et x∈(F ∩G)⊥.
L’égalité (F ∩G)⊥ = F⊥ +G⊥ n’est pas assurée en général. Par exemple pour F, G supplé-mentaires dans E, on a F ∩G = {0} et (F ∩G)⊥ = {0}⊥ = E n’est en général pas égal à F⊥+G⊥.
Dans le cas où E est de dimension finie, en désignant par A la matrice de ϕdans une base B et ul’endomorphisme de E ayantA pour matrice dans cette base, le noyau de ϕest égal au noyau de u.
Théorème 11.16 Soient E un espace vectoriel de dimension n, B= (ei)1≤i≤n une base de E, A la matrice de la forme bilinéaire ϕ dans la base B et u l’endomorphisme de E de matrice A dans la base B. On a alors :
ker (ϕ) = ker (u).
Démonstration. Un vecteur x est dans le noyau de ϕ si, et seulement si, il est orthogonal à tout vecteur de E, ce qui équivaut à dire du fait de la linéarité à droite de ϕ que x est orthogonal à chacun des vecteurs de la base B,soit :
x∈ker (ϕ)⇔(∀i∈ {1,2,· · ·, n}, ϕ(x, ei) = 0)
ce qui revient à dire les coordonnéesx1, x2,· · · , xndexdans la baseBsont solutions du système linéaire de n équations à n inconnues :
ϕ Ã n
X
j=1
xjej, ei
!
= Xn
j=1
xjϕ(ej, ei) = Xn
j=1
ϕ(ei, ej)xj = 0 (1≤i≤n)
Ce système s’écrit AX = 0 oùA= ((ϕ(ei, ej)))1≤i,j≤n oùA est la matrice de ϕdans B etX le vecteur colonne formé des composantes dexdans cette base. Ce système est encore équivalent à u(x) = 0,oùul’endomorphisme deEde matriceAdansB,ce qui revient à dire quex∈ker (u). On retiendra qu’en dimension finie, le noyau deϕse calcule en résolvant le systèmeAX = 0, en utilisant les notations du théorème précédent.
Ce résultat peut aussi se montrer comme suit. Dire que x ∈ ker (ϕ) équivaut à dire que ϕ(y, x) = 0 pour tout y ∈ E, soit à tY AX = 0 pour tout Y ∈ Kn et prenant Y =AX, on a
t(AX)AX = 0. Mais pour Z ∈ Kn, on a tZZ = Pn
i=1
zi2 et tZZ = 0 équivaut à Z = 0. Donc AX = 0 pourx∈ker (ϕ).La réciproque est évidente.
Définition 11.16 On dit que la forme bilinéaire symétrique ϕ (ou de manière équivalente la forme quadratique q) est non dégénérée si son noyau est réduit à {0}.
Du théorème précédent, on déduit qu’en dimension finie, une forme bilinéaire symétrique est non dégénérée si, et seulement si, sa matrice dans une quelconque base de E est inversible, ce qui équivaut à dire que son déterminant est non nul.
Comme pour les applications linéaires, on peut définir le rang d’une forme quadratique à partir de la dimension de son noyau.
Définition 11.17 Si E est de dimension finie égale à n, le rang de ϕ (ou de q) est l’entier : rg (q) = n−dim (ker (q)).
Du théorème précédent, on déduit qu’en dimension finie le rang d’une forme quadratique est égal à celui de sa matrice dans une quelconque base.
Exercice 11.27 On note B= (ei)1≤i≤n la base canonique de Rn et on désigne par q la forme quadratique définie dans cette base par :
q(x) = Xn
i=1
x2i + X
1≤i<j≤n
xixj.
1. Déterminer la matrice de q dans la base B.
2. Déterminer le noyau et le rang de q.
3. On suppose que n= 2.
(a) Effectuer la décomposition en carrés de Gauss de q.
(b) En déduire une base q-orthogonale de R2. (c) Écrire la matrice de q dans cette base.
4. On suppose que n= 3.
(a) Effectuer la décomposition en carrés de Gauss de q.
(b) En déduire une base q-orthogonale de R2. (c) Écrire la matrice de q dans cette base.
5. On suppose que n≥4 et on note f1 =e1.
(a) Déterminer l’orthogonal relativement à q de e1. On notera H cet orthogonal.
(b) Pour tout j compris entre 2 et n, on note fj =e1+· · ·+ej−1−jej. Montrer que (fj)2≤j≤n est une base de H.
(c) Calculer Afj pour tout j compris entre 2 et n.
(d) Montrer que B0 = (fj)1≤j≤n est une base q-orthogonale de Rn. (e) Écrire la matrice de q dans la base B0.
(f) En déduire une décomposition deq comme combinaison linéaire de carrés de formes linéaires indépendantes.
Solution 11.27
1. A= ajoutant toutes ces équations on obtient Pn
j=1 (b) En résolvant le système
(
x1+1
2x2 =a
x2 =b pour (a, b) = (1,0) et (a, b) = (0,1), on obtient la base q-orthogonale : f1 =
µ 1
(a) x ∈ {e1}⊥ ⇔ ϕ(x, e1) = 0 ⇔ txAe1 = 0 ⇔ (x1,· · · , xn)
(b) Les coordonnées de fj dans B sont données par :
x1 =· · ·=xj−1 = 1, xj =−j, xj+1 =· · ·=xn= 0 et :
2x1+x2+· · ·+xn= 2 + (j −2)−j = 0.
Les vecteurs fj sont bien dans H et ils sont libres, donc forment une base.
(c) Afj = 1
avec X0 =P−1X où :
P =
1 1 1 · · · 1
0 −2 1 ...
... 0 −3 . .. ...
... ... ... 1
0 0 0 0 −n
est la matrice de passage de B à B0. Pour n = 5, on a :
P−1 =
1 12 12 12 12 0 −12 −16 −16 −16 0 0 −13 −121 −121 0 0 0 −14 −201 0 0 0 0 −15
et pour n ≥4, la ligne 1 de P−1 est :
¡ 1 12 12 · · · 12 ¢ et la ligne j ≥2 est :
µ
0,· · · ,0,−1
j,− 1
j(j + 1),· · · ,− 1 j(j + 1)
¶ . On a donc :
`1(x) =x1 +1
2x2+· · ·+ 1 2xn
`j(x) = 1
jxj + 1
j(j + 1)xj+1+· · ·+ 1 j(j+ 1)xn
`n(x) = 1 nxn ou encore :
q(x) = 1 2
Xn−1
j=1
1
j(j+ 1)((j+ 1)xj +xj+1+· · ·+xn)2 +n+ 1 2n x2n.
En dimension finie la réduction de Gauss d’une forme quadratique nous permet d’obtenir son rang et son noyau.
Pour la suite de ce paragraphe, q désigne une forme quadratique non nulle sur un espace vectoriel E de dimension n et q = Pp
j=1
λj`2j la réduction de Gauss de cette forme quadratique où pest un entier compris entre 1 etn, λ1,· · · , λp sont des scalaires non nuls et `1,· · · , `p des formes linéaires indépendantes.
On a vu que la forme polaire de q est définie par : ϕ(x, y) =
Xp
j=1
λj`j(x)`j(y).
Théorème 11.17 Avec les notations qui précèdent, on a : rg (q) = p
et :
ker (q) = {x∈E |`1(x) =`2(x) = · · ·=`p(x) = 0}
Démonstration. À la réduction de Gaussq = Pp
j=1
λj`2j est associée une base (fi)1≤i≤n deE dans laquelle la matrice de q est diagonale de la forme :
D=
λ1 0 · · · 0 0 λ2 . .. ...
... ... ... 0 0 · · · 0 λn
où les p premiers λi sont non nuls et les suivants nuls (théorème 11.14). Il en résulte que rg (q) = rg (D) =p etker (q)est de dimension n−p.
Comme les formes linéaires`1, `2,· · · , `p sont linéairement indépendantes, l’espace vectoriel : F ={x∈E |`1(x) =· · ·=`p(x) = 0}
est de dimension n−p. De plus pour tout x∈F et y∈E, on a : ϕ(x, y) =
Xp
j=1
λj`j(x)`j(y) = 0 ce qui signifie que F est contenu dans le noyau de q.
Ces espaces étant de même dimension, on a l’égalité F = ker (q).
Le résultat précédent nous permet de simplifier la recherche d’une baseq-orthogonale(fi)1≤i≤n de E en se passant de compléter le système libre (`i)1≤i≤n en une base du dual de E.
Dans le cas oùp=n, la forme qest non dégénérée et une telle base q-orthogonale se calcule en résolvant les n systèmes linéaires :
`i(fj) =
½ 1 sii=j
0 sii6=j (1≤i, j ≤n)
ce qui revient à inverser la matrice Q= ((αij))1≤i,j≤n,où les αij sont définis par :
`i(x) = αi1x1 +· · ·+αinxn
(les `i étant exprimés dans une base canonique donnée de E).
Dans le cas où 1≤p≤n−1,on détermine tout d’abord une base (fp+1,· · ·, fn) du noyau de q en résolvant le système linéaire de p équations à n inconnues :
`i(x) = 0 (1≤i≤p)
Ces vecteurs sont deux à deux orthogonaux puisque orthogonaux à tout vecteur de E.
Il suffit ensuite de résoudre les p systèmes linéaires :
`i(fj) = δij =
½ 1 sii=j
0 sii6=j (1≤i, j ≤p)
ce qui fournit une famille q-orthogonale (f1,· · · , fp) formée de vecteurs non nuls. Pour j fixé entre1etp,le système linéaire`i(fj) =δij oùivarie de1àpa des solutions puisque la matrice de ce système est de rang pet deux solutions de ce système diffèrent d’un élément du noyau de q.
La famille (fi)1≤i≤n est alors une base q-orthogonale de E (exercice : vérifier qu’on a bien une base).
Dans la pratique, on résout d’abord le système :
`1(x) = b1
...
`p(x) = bp
où b = (b1,· · · , bp) est un élément quelconque de Kp. La valeur b = 0 nous donne une base du noyau de q, puis les valeurs successives b = (1,0,· · · ,0), b = (0,1,0,· · · ,0), · · · , b = (0,· · · ,0,1) nous permettent de déterminer des vecteursf1,· · · , fp.
Exercice 11.28 Soit q la forme quadratique définie sur R3 par : q(x) =x2+ (1 +a)y2+¡
1 +a+a2¢
z2+ 2xy−2ayz 1. Donner la matrice A de q dans la base canonique de R3.
2. Calculer le déterminant de A.
3. Pour quelles valeurs de A la forme q est-elle non dégénérée ? 4. Réduire q et donner son rang en fonction de a.
5. Déterminer une base orthogonale pour q.
6. En déduire une matrice inversible P telle que D= tP AP soit diagonale.
Solution
1. La matrice de q dans la base canonique deR3 est :
A=
1 1 0 1 1 +a −a 0 −a 1 +a+a2
.
2. On a :
det (A) = a¡
1 +a2¢ 3. La forme q est dégénérée si, et seulement si, a= 0.
4. On a :
q(x) = (x+y)2+a(y−z)2+¡
1 +a2¢ z2 Pour a= 0, q est de rang 2.
Pour a6= 0, q est de rang 3.
5. Dans tous les cas, il s’agit de résoudre le système :
x+y =α y−z =β z =γ
Ce système a pour solution :
x=α−β−γ y=β+γ z =γ ce qui donne pour base q-orthogonale :
f1 =
1 0 0
, f2 =
−1 1 0
, f3 =
−1 1 1
6. La matrice de q dans la base(f1, f2, f3) est :
D= tP AP =
1 0 0
0 a 0
0 0 1 +a2
où :
P =
1 −1 −1
0 1 1
0 0 1