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1. Origines, genèse et objectifs de Narra

1.2 Origines et objectifs de Narra

L’objectif de Narra : via les arts visuels, mettre au jour le rythme du texte 2. Une approche visuelle du texte littéraire : sa morphologie 2.1 Au commencement, l’approche visuelle du texte littéraire…

2.2 … qui montre le rôle déterminant des paragraphes Le paragraphe, forme si active, pourtant éludée Le paragraphe, une unité textuelle bien différente du chapitre

Les paragraphes, la morphologie du texte 3. Une démarche rationnelle : mesure, couleur et temps

3.1 La mesure du texte littéraire, l’acte fondateur Arpenter, mesurer : pourquoi

Arpenter, mesurer comment : le logiciel Narra 2.0 3.2 La longueur des paragraphes : une durée, une couleur

La longueur des paragraphes, une durée La longueur des paragraphes, une couleur

Puis le nombre revient à la Vue.

1. En référence au titre de l’ouvrage d’Olivier Rey, Quand le monde s’est fait nombre, Stock, coll. « Essais Documents », 2016.

Narra : un art visuel cognitif, au rythme de la longueur des paragraphes des textes littéraires

Narra propose une autre « lecture » du texte littéraire, appréhendé en tant que forme dynamique, par une approche visuelle, puis temporelle.

Nous porterons une attention sur ce qui, en général, est négligé, sur la forme du texte que modèlent ses paragraphes, une forme qui montre, pour peu qu’il lui soit prêté quelque attention, son mouvement particulier, son rythme. C’est cette réalité du texte littéraire, sa morphologie, qui constitue la base du processus de création de Narra, conçu en deux temps : d’abord, une image numérique par la mesure de ses séquences visuelles, notamment ses paragraphes, qui donne une suite de nombres finie nommée Matrice ; puis, à partir de cette dernière, des images « visuelles », les œuvres de Narra, multiples pour un texte. Ces dernières permettent de découvrir la façon dont ses séquences (les paragraphes) durent et s’enchaînent, c’est-à-dire son « tissu », son « enchaînement » – origine étymologique de « texte ».

« J’essaie de révéler la matière et non de donner forme à la matière », dit Giuseppe Penone2.

Il importe de préciser, car cela peut surprendre pour une thèse de recherche- création en arts visuels, que le présent chapitre accorde une grande place au langage écrit, notamment aux textes littéraires. Ceci s’explique, car ils sont les cocréateurs des œuvres de Narra en cela que les textes ne sont pas un objet de création mais un sujet agissant déterminant. C’est d’ailleurs à ce titre que les œuvres de Narra peuvent apporter de la connaissance sur les textes.

1. Origines, genèse et objectifs de Narra

À l’origine est la chose que le mot met à distance. À l’origine de cette thèse est le texte – ou le mot – que je mets à distance en le regardant, puis en le mesurant. Le texte devient une chose. J’applique au texte – ou au mot – ce qu’il applique à la chose qu’il désigne et signifie, à savoir une distance, afin de l’appréhender autrement.

2. https://www.franceculture.fr/emissions/par-les-temps-qui-courent/giuseppe-penone, consulté le 15 octobre 2019.

Narra : un art visuel cognitif, au rythme de la longueur des paragraphes des textes littéraires

1.1 Pourquoi les arts visuels, pourquoi la littérature

L’objet de cette recherche-création en arts visuels est le langage écrit, plus précisément le texte littéraire. Aussi allons-nous débuter par le langage.

La rupture originaire, l’impérialisme de l’écriture

La séparation est à l’origine du langage. Entre le mot et la chose, une distance. Selon Julia Kristeva, « toute énonciation exige une identification, c’est-à-dire une séparation du sujet et de l’image » (1974, p. 41). C’est grâce à cette séparation originelle que les mots, détachés des choses, peuvent se lier à d’autres et que l’on peut faire ce que l’on veut des choses, fictivement certes, mais en puissance.

Enfant, les mots m’ont paru étranges, sans fondement. La séparation entre le mot et la chose était vécue. L’infans – formé du préfixe négatif in- et du participe présent de fari « parler » – est celui « qui ne parle pas ». J’ai été une enfant – infans – pendant cinq années : peut-être parce que le langage est une convention qu’il fallait accepter et apprendre, peut-être parce que le langage me parut très tôt coercitif, car il m’était demandé de ne pas exprimer des sentiments, des sensations qu’il fallait taire. Pourtant, « c’est dans le langage que l’homme se constitue comme sujet » (Benveniste, 1966, p. 259). Alors, « parce que l’écriture permet de "dire" sans faire de bruit, parce qu’elle a à voir avec "se taire"... » (André-Salvini et al., 2000, p. 20), elle est devenue une alliée.

L’écrivain·e est celui ou celle qui fait battre l’écriture au rythme du sens, emportée par une énergie, par une « volonté de puissance » (Friedrich Nietzsche) au point que le texte devient le sens lorsque la lecture n’est plus consciente.

Cependant, le langage écrit dicte un sens, de par l’histoire, de par la linéarité continue du texte. Un écrit est une ligne dont il faut suivre le fil. Bien qu’il existe plusieurs niveaux de lecture, bien que l’écriture numérique donne au lecteur ou à la lectrice la possibilité de construire « librement » son parcours de lecture, le sens est descendant, de l’auteur·e au lecteur ou à la lectrice.

« Le texte n’est jamais un "dialogue" […] On rêve alors d’un écrit qui serait l’équivalent de la conversation. Modèle fantasmé d’échanges entre de "purs esprits", délié de toute réalité matérielle, de tout dispositif technique, de toute norme sémiotique ou habitus social » (Jeanneret & Souchier, 2005, p. 7‑8). Roland Barthes est plus radical. Il parle de « l’impérialisme de chaque langage » (1991, p. 212) et ajoute dans sa leçon inaugurale au Collège de France :

Parler, et à plus forte raison discourir, ce n’est pas communiquer, comme on le répète trop souvent, c’est assujettir. (1977/1978, p. 13)

Narra : un art visuel cognitif, au rythme de la longueur des paragraphes des textes littéraires

La langue, comme performance de tout langage, n’est ni réactionnaire ni progressiste ; elle est tout simplement : fasciste ; car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire. […] Dès qu’elle est proférée, fût-ce dans l’intimité la plus profonde du sujet, la langue entre au service d’un pouvoir. (Ibid., p. 14)

Si l’on appelle liberté, non seulement la puissance de se soustraire au pouvoir, mais aussi et surtout celle de ne soumettre personne, il ne peut donc y avoir de liberté que hors du langage. (Ibid., p. 15)

Il existe cependant selon lui une tricherie. Ce serait la littérature, au sens d’une « pratique d’écriture ». Toutefois, même cette pratique d’écriture n’est pas épargnée. Laurent Nunez fait une démonstration magistrale de ce que la littérature est l’exercice d’un pouvoir de séduction à visée purement narcissique, en s’appuyant sur les propos de Louis-René des Forêts :

Nous autres lecteurs […] nous voulons bien qu’on nous mente, à condition qu’on nous mente bien. Mais nous venons de perdre combien ? deux, trois heures de lecture pour satisfaire un bavard ! On vient d’abuser de nous. Il n’y avait pas de prostituée, de « putain » dans la réalité, car sans le savoir c’est le lecteur qui s’est prostitué, en donnant du plaisir au bavard : plaisir d’avoir un lecteur. […] « Et un écrivain écrit-il pour une autre raison que celle qu’il a envie d’écrire ? » [Louis-René des Forêts, Le Bavard, Gallimard, 1946, p. 28] Tout écrivain est un bavard : ce qu’il a écrit n’a pas de sens, parce que ce n’est qu’un simulacre destiné à séduire le lecteur. Par Le Bavard, des Forêts sème ainsi le doute dans tous les romans : et si l’écrivain se moquait de nous ? Et s’il se jouait de nous, de notre envie d’apprendre, ridicule et orgueilleuse, de notre désir de roman ? Si l’écriture, comme son nom l’indique, ne produisait que des écrits vains ? Oh ! Nous aurions pu lui rire au nez, mais maintenant, il est trop tard : la leçon est passée par la pratique. Nous lui avons bien servi ; il nous délaisse. « Allons, Messieurs [et Mesdames], puisque je dis que je ne retiens plus personne » [Louis-René des Forêts, 1946, p. 160]. (Nunez, 2006, p. 173‑174)

Je ne serai pas celle qui donne du plaisir au bavard. Je regarde son texte. Je demeure hors du sens, hors de la narration, pour ne pas être prise dans ses rets. Ce que je cherche, c’est mettre au jour le mécanisme de séduction de l’écrivain·e et qui n’est autre, selon la présente thèse, qu’un rythme, une façon particulière de fluer. C’est cela que montre la morphologie du texte formée de lignes entrecoupées par des blancs alinéaires, comme une partition écrite de longues et de brèves selon la longueur des paragraphes. C’est voir comment le texte se déploie dans le temps et entraîne le lecteur ou la lectrice au fil de ses développements plus ou moins longs.

L’œuvre visuelle est liberté

Parce que tendu vers cette utilité communicante, le langage est rarement libre. L’écriture la plus juste serait celle qui suggère plus qu’elle n’impose un sens. Celle

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qui se situe dans le non-dit, dans l’ouvert. Le Dormeur du val d’Arthur Rimbaud est de ce point de vue une réussite absolue. Parce rien n’y est décrit. Tout n’est que suggestion. Ce poème opère comme un tableau, par touches de couleur, par images, le sang y est une tache rouge, le val est un vert verdoyant, il y a la lumière, il y a le personnage et le paysage. La scène est peinte en quelques mots, laissant au lecteur ou à la lectrice toute latitude de voir ce qu’il ou elle projette, davantage en suggérant qu’en ne lui imposant un sens. La force de ce poème est de ne pas dire.

Si Arthur Rimbaud peint avec les mots, il a pu opérer ainsi parce que ce poème se compose d’une seule scène, parce qu’il est inscrit dans le moment, à l’instant, et non dans la durée, le déroulement.

Quant à l’œuvre visuelle, elle n’impose pas, à moins d’être imposante. Et encore ! Par œuvre visuelle, nous entendons une œuvre qui s’inscrit dans l’immédiateté, en excluant donc les œuvres cinématographiques, numériques et hypermédiatiques qui se déploient dans le temps, en somme hors de cet art qui a en commun avec l’art littéraire la narration. L’œuvre visuelle offre un parcours qui laisse au regardeur le choix de son

cheminement. À ce titre, il m’est arrivé une expérience singulière. Lors d’une exposition de peintures de Nicolas de Staël, je me suis arrêtée devant une de ses œuvres : La Route. La Route est un petit tableau qui focalise le regard. Mais au bout de la route, soit l’on revient au réel, devant le tableau, soit l’on poursuit. J’ai poursuivi, au-delà de l’horizon, très loin. Je ressentais la brise, l’air hivernal, j’étais partie, comme absorbée par le tableau. Je vivais cet

espace de liberté dans lequel rien n’est tangible, compréhensible ; libre.

Mais il y a un revers à cet espace ouvert qu’offre l’œuvre d’art : celle-ci est sensible à son environnement au point de disparaître ou d’être sublimée. En 2014, j’ai vu des œuvres d’artistes reconnus exposées dans les vitrines des Galeries Lafayette donnant sur le trottoir à Paris. J’ai été affligée de constater que les œuvres devenaient des objets sans fonctionnalités. Elles étaient anéanties. Quatre ans plus tard, en 2018, le groupe Galeries Lafayette a remédié à cet environnement délétère pour les œuvres en ouvrant une fondation dédiée à la création contemporaine.

Les arts visuels sont pour moi un espace de liberté ; ils sont les seuls à m’emporter. Pour certain·e·s écrivain·e·s, l’espace de liberté, d’imagination et de plaisir est l’écriture selon trois enquêtes menées, pour la première, en 1919 (Sebbag, 2004) et la deuxième en 1985 auprès de 400 écrivain·e·s dans le monde (Fogel &

Figure 1 — Nicolas de Staël, La Route, 1954, huile sur toile, 60 x 80 cm

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Rondeau, 1988), dont la question était « Pourquoi écrivez-vous ? ». Pour la troisième, menée en 2019 auprès 50 écrivain·e·s de langue française (2019, p. 41‑85), la question était « Pourquoi écrivez-vous dans une époque où l’image est reine ? » (voir le tableau récapitulatif et la conclusion en ANNEXE I).

Pour une large part des autres écrivain·e·s interrogés·e·s, l’écriture est un espace où le « je » s’affirme, parfois autoritaire, voire narcissique, qui rappelle la citation de Louis-René des Forêts (voir supra) ou une coupure de presse datée du 19 juin 1979 au titre évocateur : « La violence à l’origine du langage ». L’auteur, Jean-Marie Domenach, y présentait le livre réédité Le Discours de la guerre d’André Glucksmann en ces termes : « La réflexion que Glucksmann conduit en marge de Hegel donne à penser que la violence est à l’origine du langage et lui reste liée ». Le langage apparaît comme un substitut à la guerre, mais il est aussi une forme de violence.

Une seule auteure, Karine Miermont, met en avant le rôle majeur de la composition : « Ce n’est pas le sujet qui est important mais la façon dont il est représenté, le comment on l’écrit […] comment tout ça se compose, comment ça sonne à l’oreille, comment c’est agencé, monté, comment ça tient » (2019, p. 71). C’est cela qui retiendra notre attention, la façon de composer, de rythmer, ce montage, cet arrangement.

1.2 Origines et objectifs de Narra

Deux sources ont nourri Narra. La première remonte à mon mémoire de maîtrise en arts plastiques L’Art naturel au défi du temps3 et la seconde remonte à la revue d’artiste semestrielle Artchronic, à la croisée des arts plastiques et de l’écriture (Tardif, 2002-2005). La première portait en germe la temporalité, le flux, le changement malgré une apparente fixité de certains éléments de la nature, la seconde interrogeait déjà la visualité du texte littéraire. Le point commun à la maîtrise, à la revue et à Narra est la formation. Un texte est une forme qui se créée au fur et à mesure de son déploiement. Et le texte final est le résultat de cette transformation continue.

3. Mémoire de maîtrise mixte (pratique et théorique), sous la direction de Jacques Morizot, soutenu en janvier 2002 à l’université Paris 8. L’une des trois œuvres phares était composée d’un ensemble réalisé à partir de souches d’arbres dépouillées de leur écorce et tronçonnées pour certaines d’entre elles de manière à voir les anneaux et les dessiner, les uns à la suite des autres, pour en réaliser un parcours, le parcours de vie de l’arbre, de sa formation. La seconde œuvre principale se composait d’une série de photos prises à intervalles réguliers de la croissance d’une fougère, à partir de son cœur. Enfin, après l’apogée de la vie, à l’inverse, la troisième, se composait de lichens dont, avec l’action du temps, les couleurs ont passé en s’uniformisant vers un marron-gris, mis en regard avec leur photographie comme témoin de ce qu’ils furent.

Narra : un art visuel cognitif, au rythme de la longueur des paragraphes des textes littéraires

La base de travail de Narra est le texte au sens étymologique du terme « texte », emprunté au latin textus, supin du verbe texere, « tissu, trame ; enchaînement d’un récit » (Ernout, Meillet & André, 1979, p. 690), enchaînement qui ne se réduit pas à celui du récit mais s’étend aussi à celui du temps, inéluctablement. Dans le Gaffiot, textus est également traduit par « assemblage, suite d’un texte ». Nous travaillons le texte même, la façon dont ses séquences s’enchaînent, plus ou moins rapidement selon leur longueur ou leur durée. Là est sa matière, une matière temporelle dès lors qu’il y a une succession de longueurs et de durées variables qui le constitue et le caractérise.

L’idée de départ, venue dans, par et pour le visuel

Autant dire les choses telles qu’elles se sont passées, non telles qu’elles auraient dû être. Je n’avais pas d’objectif précis quand j’ai commencé Narra. J’ajouterai, fort heureusement, car avoir un objectif c’est savoir où l’on va et se donner les moyens d’y parvenir certes, mais c’est aussi passer à côté de certains chemins de traverse qui ouvrent à d’autres perspectives.

L’origine de ce projet vient de l’idée selon laquelle la forme ne surgit pas du néant. Si l’on observe le texte, l’on remarque que ce sont les paragraphes qui le « sculpte ». Puis, je suis partie d’une spéculation : comme toute forme, celle du texte, plus précisément sa morphologie, résulte d’un processus dynamique et engendre un rythme, ce qu’exposent les œuvres visuelles de Narra réalisées à partir de la longueur des paragraphes.

La forme d’un texte a partie liée avec l‘organisation du discours. Ce qui nous intéresse dans le texte littéraire est moins sa forme donnée dans la page ou à l’écran, que sa forme dynamique.

La pensée d’une forme active rompt avec des siècles d’opposition forme/fond, corps/esprit, empiriste/rationaliste, manuel/intellectuel, pratique/théorie, au profit du second. J’irai même plus loin : la pensée d’une forme active renverse l’idée bien enracinée d’une forme passive et d’un fond seul digne d’intérêt scientifique.

Il suffit de voir combien le paragraphe est négligé malgré la multitude des études linguistiques et littéraires, grammaticales, sémantiques, stylistiques, structurelles, syntaxiques, etc. Cette quasi-absence perdure. Dans un article « De la syntaxe à l’image textuelle. Ponctuation et niveaux d’analyse linguistique », Franck Neveu explique cette nature visuelle de l’écrit :

Cette iconicité échappe encore largement […] à l’analyse linguistique. On persiste d’ailleurs, particulièrement en sémiotique littéraire, à l’exclure du texte en la présentant, par les notions de paratexte ou de marquages paralinguistiques, comme se développant en bordure de l’essentiel, au lieu de mettre en place des techniques d’analyse susceptibles de faire apparaître qu’elle est le texte lui-même, diversement spatialisé. (2014)

Narra : un art visuel cognitif, au rythme de la longueur des paragraphes des textes littéraires

Ce qui a pu contribuer à considérer cette iconicité comme extérieure au texte vient peut-être du fait qu’elle est souvent déterminée par la mise en page et résulte de l’intervention d’autres personnes que l’auteur·e·s. Or, les parties, les chapitres et les paragraphes qui participent de cette iconicité sont largement déterminés par que l’auteur·e. C’est la raison pour laquelle Narra s’intéresse à la forme visuelle du texte sans tenir compte de la mise en page ni de la typographie, etc. Narra s’intéresse donc à la morphologie du texte littéraire, aux séquences visuelles (les paragraphes et, dans une moindre mesure, les chapitres et les parties) qui seront ensuite mesurées. Et cette idée de retenir cette forme visuelle du texte, est venue dans une visualité mentale.

Étrange phénomène que celui de mépriser la forme visuelle, alors que les idées semblent se former dans le visuel. Certes, il ne s’agit pas du même visuel. Toutefois, l’un comme l’autre relève d’un processus visuel. Ne dit-on pas d’une idée qu’elle apparaît ? Ne dit-on pas perce-voir et aussi « je vois ce que vous voulez dire » signifiant : je saisis ce que vous ne dites pas, car je parviens à le former visuellement. En outre, « le mot idée lui-même vient du grec idea et signifiait dans cette langue d’abord "forme visible, forme distinctive" » (Diller, 1991, p. 223)4. Ainsi, bien que les mots « idée » et « voir » soient liés, la plupart des études littéraires se concentrent sur les idées du texte et ne voient guère leur forme visuelle.

Ce lien étymologique entre l’idée et le visuel n’est probablement pas fortuit. Sur