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atteints de pathologies psychiatriques aujourd’hui..142 B) Limites du dispositif

B) Petite histoire des « Familles Gouvernantes »…

1. Aux origines, l'exemple de la Marne

Le dispositif « Familles Gouvernantes » est né en France, en 1993, à l‟initiative de l‟UDAF de la Marne, avec le soutien des juges des tutelles et d‟un ensemble de partenaires

médico-sociaux. S. Brenner (28), à l‟origine du projet, explique comment cette idée émergea : « Nous en avions assez d’avoir un pourcentage important de gens qui se suicidaient, de gens

qui vivaient dehors, faisant l’aller et retour entre les services d’urgences psychiatriques, les hôtels minables et la rue. Nous avons en tutelle une population cumulant isolement intensif, social et familial, maladie mentale et alcoolisme qui engendrent des troubles du comportement énormes incompatibles avec la vie en société. Il y a dix ans, l’idée est donc venue d’embaucher une gouvernante habitant le même immeuble pour gérer et accompagner cinq personnes en tutelle réparties en deux appartements et ceci dans tous les actes de leur vie quotidienne. Cette expérience innovante ne pouvait pas voir le jour, sans le partenariat actif des organismes logeurs, du secteur médico-hospitalier, qu’il a fallu convaincre avec patience et ténacité... ». C‟est donc à partir du constat d‟une situation, ô combien familière,

que l‟idée germa, avec un but : mettre fin à une spirale de précarité chez ces personnes, ne pouvant vivre seules de façon autonome, et ne relevant plus d‟une hospitalisation ou d‟un mode d‟hébergement institutionnel. S. Brenner innova ainsi en regroupant ces exclus de la vie sous un même toit, en associant sous la conduite d‟une tutelle leurs ressources qui leur permettaient d‟embaucher une voisine chargée de les accompagner au quotidien et c‟est ainsi que fut créé le premier dispositif « Familles Gouvernantes » en France (22). Ce ne fut pas chose facile, après la création du premier appartement dans l‟indifférence, B. Chauvot et F. Bertholon (28) expliquent qu‟« il a fallu, face à chaque autorité locale, prouver d’une part

que la solution s’avérait adaptée au cas des exclus, et d’autre part qu’il n’existait pas de solution alternative dans la réalité », les réponses institutionnelles classiques étant soit

inadaptées, soit inexistantes. Par la suite, c‟est aux péripéties de la vie de tous les jours qu‟il a fallu faire face, notamment à l‟occasion d‟ « un petit scandale local » (28) de conflit de voisinage, qui a bien failli mener le dispositif à sa fermeture.

Cette initiative fut relayée par l‟OPAC, comme organisme logeur. Au sein du quartier Université de Reims, 2000 logements avaient été réalisés en 1970 et réhabilités en 1993. Parmi ceux-ci, initialement deux logements de type F3-F4, et aujourd‟hui trente-six, sont gérés par l‟OPAC. Dans ce secteur, la rotation des locataires et la disponibilité des logements permettent d‟accueillir plus facilement les adultes sous tutelle et, dans le même immeuble ou à proximité, la famille gouvernante. Le quartier dans lequel s‟est déroulée l‟expérimentation est classé Zone Franche Urbaine depuis 1997. L‟expérience des « Familles Gouvernantes » constitue pour l‟OPAC de Reims un gage de sécurité dans le logement des personnes en situation de difficultés psycho-sociales. En effet, elle est souvent sollicitée par les équipes psychiatriques pour reloger des patients en "milieu ouvert", sans réelle garantie de suivi

médical et social, lorsqu‟ils ne sont pas pris en charge dans ce dispositif. Devant l‟accompagnement social et sanitaire des personnes, l‟entretien des logements par les occupants et la gouvernante, et l‟absence de problèmes d‟impayés ou de voisinage, les « Familles Gouvernantes » laissent espérer une insertion réussie de ces personnes au sein de la cité (29). La proximité de la gouvernante semble être un facteur primordial dans leur maintien en milieu ordinaire. En assurant un cadre stable et rassurant, entre autorité et affection, elle s‟impose comme une véritable personne ressource pour ces usagers : elle veille à leur entretien et à leur bien-être quotidien, et les accompagne dans l‟organisation de leur vie de tous les jours, tout en les encourageant dans diverses activités.

Aujourd‟hui à Reims, Épernay et Chalons en Champagne, 170 personnes sous tutelles, présentant des détresses psychosociales ou des structures psychotiques, sont prises en charge par 35 gouvernantes, ce qui témoigne de la réussite de ce programme. La qualité du partenariat entre l‟OPAC et l‟UDAF en est une condition nécessaire. Contrairement au dispositif de Metz, les investigateurs du projet du département de la Marne n‟appartiennent pas au domaine sanitaire, mais relèvent de l‟associatif, par le biais de l‟UDAF. En effet, il s‟inscrit directement dans les valeurs fondamentales défendues par celle-ci : « la solidarité et

la défense des intérêts des plus fragiles, leur maintien dans le tissu social, la restauration de leur citoyenneté et le respect des valeurs familiales », ainsi que « la gestion de tout service d’intérêt familial dont les pouvoirs publics estimeront devoir leur confier la charge » (30). De

part son expérience et son influence sur la scène politique, une telle filiation représente un atout dans la mise en œuvre et la poursuite de ce projet. Enfin, il s‟intègre également dans les préoccupations européennes actuelles concernant la prise en charge des personnes fragilisées (30). Néanmoins, l‟équipe soignante est bien présente, deux secteurs de psychiatrie sont concernés, ainsi que deux psychiatres libéraux. On retrouve le partenariat sanitaire/social énoncé préalablement, dont les prises en charge s‟avèrent complémentaires sur le terrain. Ainsi, selon B. Chauvot et F. Bertholon (28) dans un article sur l‟expérience « Familles Gouvernantes » :

 « le service social ne peut pas réinsérer, sans aide de la psychiatrie » (28)

 « le service de psychiatrie, de son côté, après avoir stabilisé des sujets

psychotiques, ne dispose pas d’un cadre contenant nécessaire pour assurer un lieu de vie adapté à sa clientèle » (28)

En mai 1997, un bilan positif a été réalisé par les autorités préfectorales de la Marne, le Juge des tutelles, l‟organisme logeur et social, et surtout les deux secteurs de psychiatrie concernés. Ce consensus est évocateur. L‟autorité préfectorale « concluait à la validation et

au développement de cette expérience avec nécessité de recruter le plus grand nombre de gouvernantes et de les former d’une façon spécifique, en particulier sur le plan psychologique » (28). Le constat reprenait les points suivants :

 Pour les résidents : stabilisation des troubles, meilleure hygiène de vie, bonne prise en charge médicale, insertion dans l‟environnement

 Pour les gouvernantes : création d‟emplois, bon investissement dans le projet  Pour l‟environnement : peu de problème de voisinage, intégration des personnes

dans un tissu social normal

 Une économie sociale globale selon l‟UDAF de la Marne (31) : 6000 Francs (monnaie de l‟époque) de coût au lieu de 8000 à 30000 Francs et plus en institution, et une économie APL vu l‟habitat collectif

Les « Familles gouvernantes », solution récente et mixte, en répondant aux problématiques de logement et d‟exclusion, ont, par la suite, séduit de nombreux autres départements. Qu‟en a-t-il été pour la Moselle ?

2. Construction du projet en Moselle : un partenariat