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2. Première évolution chimique et génétique

2.5. Origine de la sélectivité

En considérant les résultats obtenus en catalyse, il est clair que la sélectivité provient de l’environnement chiral fourni par la protéine, car en l’absence de celle-ci, le 1- phényléthanol (9a) est produit en mélange racémique (quelque soit le complexe et malgré la chiralité de la biotine). L’inversion d’énantiosélectivité observée lors de la substitution du ligand arène souligne également l’importance du complexe organométallique dans les mécanismes qui régissent la sélectivité.

Pour les complexes de type amino-sulfonamide, le mécanisme est décrit sans coordination du substrat sur le métal (via un état de transition à six centres, concerté) avec assistance du ligand.[47, 49, 65] Avec le ligand TsDPEN, la sélectivité résulte de la configuration du métal et de l’interaction CH-π[65, 68]

entre le groupement aryle du substrat et les protons du ligand arène du complexe (figure II.2.7), qui permet la différenciation des faces prochirales du substrat (figure II.2.6).

Figure II. 2.6 : Nomenclature des faces prochirales d’une cétone.

La configuration du métal est imposée par le ligand. Dans le cas du (R, R)-TsDPEN le métal est (S), et dans le cas du (S, S) le métal est (R).

Figure II. 2.7 : Origine de la sélectivité pour le transfert hydrogénant avec des ligands de type amino-sulfonamide ou amino-alcool. Les groupements phényle du ligand TsDPEN ne sont pas représentés afin de simplifier le schéma.

2.5.1. Hypothèse sur les mécanismes énantiosélectifs

Dans le cas du ligand biotinylé Biot-p-LH (5), le chélate amino-sulfonamide est achiral et n’impose pas la configuration (R) ou (S) au métal. Lors de la synthèse du complexe [η6

-(arène)Ru(Biot-p-L)Cl] les deux configurations sont formées en mélange racémique. L’absence de signal en dichroïsme circulaire (CD) (entre 230 et 600 nm) et les résultats de catalyse obtenus en l’absence de protéine suggèrent qu’il s’agit d’un complexe en mélange racémique. En tenant compte du mécanisme décrit pour les complexes de type amino-sulfonamide ainsi que des résultats obtenus lors des tests catalytiques, une hypothèse vraisemblable sur l’origine de l’énantiosélectivité des métalloenzymes artificielles peut se présenter comme la combinaison de deux mécanismes énantiodiscriminants (figure II.2.8).

Figure II. 2.8 : Hypothèse sur l’origine de la sélectivité des métalloenzymes artificielles.

1 : Considérant la structure du complexe et de la protéine, il est possible que l’environnement stérique et électronique imposé par la protéine hôte privilégie une configuration donnée sur le métal (R Ru ou S Ru), une fois le complexe fixé dans la protéine.

C’est le complexe chlorure précurseur [η6

-(arène)Ru(Biot-p-L)Cl] qui est ajouté à la protéine, mais dès le premier cycle de catalyse, il y a formation du complexe [η6

- (arène)Ru(Biot-p-L)] à 16 électrons. Ce complexe intermédiaire, qui est indispensable à la régénération du complexe hydrure [η6

-(arène)Ru(Biot-p-L)H], permet de racémiser ou de privilégier une configuration précise du complexe hydrure dès lors qu’une contrainte stérique suffisante s’exerce. Selon ce principe, les complexes avec les ligands arènes p- cymène et benzène peuvent adopter une configuration opposée dans la protéine.

2 : Une fois la configuration du métal fixée, le substrat peut tout de même se présenter par la face Si ou Re afin de déterminer la configuration du produit formé. De ce point de vue, il est raisonnable de penser que la discrimination résulte d’une combinaison d’interactions complexe – substrat (interaction CH-π) et protéine – substrat qui favorisent l’approche de la cétone par une face plutôt que l’autre.

2.5.2. Détermination de la configuration du métal dans la protéine.

signal en dichroïsme circulaire (CD) correspondant à un enrichissement de la chiralité sur le métal. Dans ce but, on ajoute successivement du complexe racémique [η6

-(p- cymène)Ru(Biot-p-L)Cl] à une solution de protéine Sav P64G, en présence de formiate à 45°C de manière à former le complexe hydrure et permettre ainsi une réorganisation de la configuration. Ce couple complexe – protéine est choisi car il donne la meilleure sélectivité ce qui laisse penser que l’enrichissement dans une des configurations pourrait être plus important.

Figure II. 2.9 : Spectre CD : a) Protéine seule (mesuré de 235 à 600 nm). b) Ajouts successifs de complexe (nombre d’équivalents de complexe / sites actifs) (mesuré de 245 à 350 nm).

Le spectre CD de la protéine seule montre une bande d’absorption, due aux résidus tryptophanes, jusqu'à 300 nm (figure II.2.9 a)). La protéine possédant quatre sites capables de fixer la biotine, un équivalent de complexe biotinylé est ajouté successivement entre chaque mesure CD. Malheureusement, l’ajout de complexe ne conduit pas à l’apparition d’une nouvelle bande d’absorption permettant une interprétation fiable du spectre. Toutefois, on observe bien une augmentation faible du signal à 275 nm, sous la bande de la protéine (figure II.2.9 b)). Ce signal augmente jusqu'au quatrième équivalent de complexe (par rapport aux quatre sites actifs). Au-delà du quatrième équivalent le signal n’augmente plus, les sites de la protéine étant saturés, le complexe ajouté en excès (non fixé dans la protéine) est en mélange racémique et ne donne aucun signal CD. L’augmentation du signal à 275 nm (absorption maximum) en fonction du nombre d’équivalent de complexe

est présentée dans l’encart de la figure II.2.9 b)). Bien qu’une interprétation fiable soit difficile, cette expérience semble confirmer l’hypothèse faite sur une configuration du métal induite par la protéine.

La même expérience réalisée avec le complexe [η6

-(benzène)Ru(Biot-p-L)Cl] n’est pas aussi probante. Il y a bien une augmentation du signal sous la bande de la protéine, mais l’écart entre chaque signal est faible et continue de croître jusqu’au septième équivalent de complexe par rapport au quatre sites actifs (figure montrée dans l’annexe 1). Par conséquent il est difficile d’apporter trop de crédits à la première expérience réalisée avec le complexe [η6

-(p-cymène)Ru(Biot-p-L)Cl].

En définitive, on ne peut en aucun cas acquérir de certitudes quand aux mécanismes à l’origine de la sélectivité, concernant l’habilité de la protéine à favoriser une configuration sur le métal.

Le spectres UV – visible des complexes [η6-(benzène)Ru(Biot-p-L)Cl] et [η6

-(p- cymène)Ru(Biot-p-L)Cl] sont présentés dans l’annexe 1.