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Contenu du chapitre Trois

1- Origine et formation des nucléides cosmogéniques

L’atmosphère terrestre est perpétuellement et isotropiquement bombardée par des particules très énergétiques (protons et noyaux d’hélium essentiellement) constituant le rayonnement cosmique galactique primaire. Ce rayonnement serait dû à l’accélération par des ondes de choc de gaz ionisés interstellaires (pouvant résulter de l’explosion d’étoiles massives (supernovæ), par exemple). Les ondes électromagnétiques caractéristiques qu’il engendre sont observées aussi bien dans le disque et le halo de la Voie lactée que dans ceux d’autres galaxies. Alors que les particules les plus énergétiques du rayonnement cosmique primaire seraient donc d’origine galactique (hors Système solaire), la composante la moins énergétique est d’origine solaire. In fine, le rayonnement cosmique primaire atteignant le sommet de l’atmosphère se compose à 83% de protons, 13% de particules α et 3% d'électrons (Gosse & Phillips, 2001). Étant donné qu’il est constitué de particules chargées, l’intensité de son flux est inversement proportionnelle à l’intensité des champs magnétiques terrestre et solaire (force de Lorentz). Seules les particules cosmiques ayant une énergie suffisante pour passer la barrière de ces champs magnétiques pénètrent dans l’atmosphère. En conséquence, l'intensité du flux cosmique est plus faible à l’Équateur d'environ 40% par rapport aux pôles.

L’énergie de ces particules primaires est dissipée au cours de réactions nucléaires induites par leur interactions avec les atomes constituant l’atmosphère terrestre (Figure 3-1), laissant comme résidus des noyaux résiduels chargés désignés sous le terme de nucléides cosmogéniques atmosphériques, et provoquant la formation de nucléons secondaires suffisamment énergétiques pour induire de nouvelles réactions nucléaires. La majorité des réactions nucléaires se déroule dans la haute atmosphère (produisant notamment du 14C). Cependant, environ 0,1 % des particules secondaires engendrées (neutrons, protons et muons) dans les cascades atmosphériques atteint le sol avec suffisamment d’énergie pour entraîner à leur tour des réactions nucléaires dans les minéraux des roches de surface et former des nucléides cosmogéniques produits in situ (par exemple : 10Be, 26Al, 36Cl, 3He, 21Ne).

Figure 3-1 : Les particules cosmiques primaires de haute énergie résultant de l’explosion supernovæ interagissent avec des atomes de l'atmosphère, essentiellement l’azote et l’oxygène, ce

qui induit l'apparition d'un noyau résiduel plus léger appelé nucléide cosmogénique atmosphérique et l’éjection de particules cosmogéniques secondaires (majoritairement des neutrons). Ce type de réaction nucléaire est appelé spallation. Si ces particules ont une énergie

suffisante, elles provoquent à leur tour une réaction nucléaire avec production de nouveaux noyaux et nucléons. Ces réactions en chaîne finissent par atténuer le flux de particules cosmogéniques secondaires. Ainsi l'atmosphère est le lieu d’une atténuation significative de flux et de l’énergie des particules incidentes, ce qui implique qu'au niveau de la mer le flux cosmique

résiduel ne représente plus que quelques ppm du flux observé dans l'espace.

 Béryllium-10

L’élément béryllium possède trois isotopes : l’isotope stable 9Be et deux isotopes radioactifs qui sont des nucléides cosmogéniques, le 7Be (T1/2 = 53 jours) et le 10Be (T1/2 = 1,387 ± 0,012 Ma ; Chmeleff et al., 2010 ; Korchinek et al, 2009, 2010). Le béryllium-10 étant produit dans deux compartiments différents de l’environnement terrestre, on distingue l’espèce atmosphérique de l’espèce produite dans la croûte terrestre, dite espèce produite in-situ. L’espèce atmosphérique, après avoir résidé environ trois ans dans l’atmosphère (Baroni et al., 2011), est transférée à la surface de la planète où elle est précipitée et/ou adsorbée à la surface des

minéraux, voire stockée dans leurs anfractuosités. Dans le minéral quartz des roches, le 10Be est majoritairement produit par spallation (Figure 3-2A) sur les éléments les plus abondants dans l’atmosphère, l’azote-14 et l’oxygène-16 :

N 7 14 (n, 3pn) Be104 O 8 16 (n, 4p3n) Be104

Il est plus rarement produit par interactions muoniques (Figure 3-2B ; 3,6 % de la production au niveau de la mer et aux hautes latitudes –SLHL– ; Heisinger et al., 2002a).

Figure 3-2 : Modes de production des nucléides cosmogéniques. A) la réaction la plus fréquente est la spallation dans laquelle un noyau atomique est frappé par une particule incidente (proton, particule α, neutron,) de grande énergie (50 MeV à plusieurs GeV). Cette collision engendre une

décomposition du noyau cible percuté en un noyau de masse inférieure (le nucléide cosmogénique), et des particules secondaires (essentiellement des neutrons) moins énergétiques (figure irfu.cea.fr). B) capture de neutrons (fig. archaeometry.missouri.edu). C) capture de muons

(fig. particlebites.com).

 Aluminium-26

L’aluminium est présent en très grande quantité sur Terre et possède deux isotopes : l’isotope stable 27Al, et le radionucléide cosmogénique 26Al (T1/2 = 0,717 ± 0,017 Ma ; Samworth

et al., 1972 ; Granger, 2006). La relative abondance de cet élément dans l’ensemble des minéraux A

B

constitutifs de lithosphère implique la nécessité de bien contraindre la concentration de l’isotope stable dans le seul minéral quartz. En effet, le taux de production du nucléide cosmogénique 26Al est bien maîtrisé dans ce minéral et permet donc de pouvoir mesurer par spectrométrie de masse par accélérateur des rapports 26Al/27Al naturels justes, et d’aboutir à des déterminations de durées d’enfouissement correctes. En outre, si le minéral quartz constitutif de l’échantillon à analyser est riche en 27Al, le rapport 26Al/27Al naturel associé pourra être trop proche de la limite de détection pour en permettre la détermination. Il convient donc de purifier minéralogiquement et chimiquement au maximum les échantillons, et de ne pas sélectionner des quartz potentiellement riches en aluminium (variétés fumée, prase et rose) pour les applications in situ.

L’aluminium-26 est principalement issu de la spallation du silicium-28 :

Si(n, 2n1p) 14 28 1326Al Si(p, 1n2p) 14 28 1326Al

Il provient plus rarement de la capture de muons aux conditions SLHL, avec une contribution de 4,5 % environ (Heisinger et al., 2002b).

 Néon-21

Le néon, élément abondant dans l’atmosphère (18,2 ppm ; Nier, 1950 ; Eberhardt et al., 1965), possède trois isotopes stables : le 20Ne, le 21Ne et le 22Ne. Le 20Ne est de loin le plus abondant (90,5 %). Ces trois isotopes sont produits par spallation à des taux similaires dans les minéraux impactés (Niedermann, 2002). Généralement, parce qu’il est très bien retenu dans le quartz ou les sanidines, c’est le néon-21 qui est utilisé pour les applications à des fins géochronologiques. . Le néon d’origine atmosphérique et celui d’origine cosmogénique sont tous deux présents dans tous les échantillons exposés. Cependant d’autres composantes d’origines mantellique et/ou crustale piégées dans les inclusions viennent s’y surimposer. Par ailleurs, d’autres réactions nucléaires impliquant l’oxygène, le fluor ou le magnésium peuvent également conduire à la production de néon dans les minéraux. Afin de déconvoluer la part des diverses composantes, un diagramme liant les trois isotopes à travers leurs droites de mélanges est utilisé (Figure 3-3). Classiquement, les contaminations résultent de circulations de fluides.

La production muonique est assez faible, de l’ordre de 3,6 % (Balco & Schuster, 2009) aux conditions SLHL.

Figure 3-3 : Diagramme liant les trois isotopes du néon. La droite spallogénique donne les proportions du mélange entre l’atmosphère et le gaz enrichi en cosmogéniques. La pente de cette

droite donne le rapport 22Ne/21Ne, c’est-à-dire la production cosmogénique.

 Carbone-14

Le carbone possède deux isotopes stables, le 12C et le 13C, et le radionucléide cosmogénique 14C (T1/2 = 5730 ± 30 ans ; Lederer et al., 1978). Les applications les plus connues du 14C reposent sur l’incorporation de sa variété atmosphérique par les organismes. Néanmoins, des applications sur la variété in situ sont en développement depuis les travaux de Jull et al., (1992). Dans le minéral quartz, le 14C est lui aussi majoritairement produit par spallation (14% de production muonique SLHL) :

O(n, He3 )

8

16 146C