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Lors d’une nitruration, différents processus peuvent entraîner l’apparition de contraintes résiduelles : des précipitations et/ou transformations de phases induites par la diffusion de l’azote (contraintes d’ordre II) et pouvant également engendrer un gradient de microstructure (contrainte d’ordre I). Les précipitations de nitrures, et la rétrodiffusion du carbone peut s’accompagner d’une variation de volume qui engendre des déformations. Les contraintes résiduelles sont donc le résultat d’incompatibilités de déformations volumiques en fonction de la profondeur sous la surface, sans toutefois préciser si elles restent localisées au voisinage des précipités ou affectent le reste de la matrice sur de longues distances [Fallot 15]. La variation de volume ayant lieu lors de la précipitation est due à [Mittemeijer 85] : – des masses volumiques différentes entre les précipités et la matrice ;

42 – des coefficients de dilatation thermique différents (6.10-6 et 12.10-6 K−1 en moyenne pour les précipités et la matrice ferritique respectivement) ;

– des paramètres de maille différents (expansion de la maille cristalline) conduisant à des désaccords cristallins à l’interface précipités/matrice.

La diffusion de l’azote engendre un gradient de microstructure qui implique un gradient de déformations volumiques selon la profondeur. La surface de la pièce aura tendance à se dilater suite à la précipitation engendrée par la diffusion de l’azote tandis que le cœur non traité s’y oppose. Ces déformations étant incompatibles, des déformations supplémentaires d’accommodation vont être créées entre les différentes profondeurs, ce qui, par un équilibrage, conduit à un état plan de contraintes résiduelles de compression en surface [Fallot 15].

Kreft et al. [Kreft 95] ont montré que le refroidissement appliqué à l’issue du traitement influence peu la formation de contrainte. Les déformations volumiques au sein de la couche de diffusion se développent au cours du traitement. Barrallier [Barrallier 14] a ainsi pu suivre l’évolution des contraintes à partir de l’évolution de la température (Figure 1.26). Au cours du temps, il observe une diminution de la contrainte résiduelle maximale de compression ainsi que de la contrainte surfacique. Selon ses travaux, la diminution de la fraction volumique des précipités de nitrures semi-cohérents en fonction du temps de traitement entraîne la diminution des contraintes résiduelles.

Figure 1.26 : Schéma de l’évolution des profils de contraintes résiduelles en fonction du temps de nitruration d’un acier faiblement allié t1<t2<t3 [Barrallier 14, Fallot 15].

3.3 – Tribologie

De nombreuses études ont tenté de quantifier l’impact de la nitruration des aciers inoxydables martensitiques sur les propriétés tribologiques. Le comportement peut être étudié à travers l’analyse de l’usure en milieu sec ou humide. Ce dernier peut notamment s’effectuer dans un environnement chloruré, et permettre d’établir les corrélations pouvant exister entre résistance à l’usure et résistance à la corrosion. La tribologie ne se limite pas uniquement à la notion d’aire de contact, car de nombreux facteurs jouent un rôle sur le frottement. Cela concerne plus généralement les propriétés mécaniques, physiques et chimiques des matériaux, les caractéristiques géométriques, ou les paramètres « extérieurs » tels que les contraintes imposées, la température, et les éléments de lubrification.

43 La mesure de l’évolution en fonction du temps de l’usure de la surface (mesure du coefficient de frottement) peut également renseigner sur la présence d’une éventuelle superposition des couches, chacune possédant des caractéristiques particulières.

Sun [Sun 16] dans son étude sur le comportement d’un acier à durcissement structural (17-4 PH), analyse le comportement dans un test d’usure linéaire et circulaire et dans un milieu corrosif ou non corrosif. Il montre que la formation d’une couche nitrurée peut dans certaines conditions (traitements à 400°C et 420°C, 15h, N2:60 H2:40) améliorer significativement la tenue à l’endommagement (Figure 1.27a). Néanmoins en milieu chloruré, le même traitement ne semble pas modifier la tenue au frottement (Figure 1.27b). D’après Sun et al. [Sun 94], la diminution de la ténacité serait accentuée par l’accumulation des contraintes internes et le développement de micro-fissures/micro-vides dans la couche.

(a) (b)

Figure 1.27 : Profil de la surface du matériau au niveau de l’empreinte d’usure dans (a) un milieu sec pour un frottement linéaire (1D) et circulaire (2D) et (b) en milieu NaCl 3,5%

Il est également possible d’étudier les caractéristiques tribologiques par la mesure de perte de masse (Figure 1.28). L’étude de Toro et al. [Toro 03] permet de mettre en évidence par cette technique et, à partir d’une caractérisation de la structure, identifie l’influence des précipités de CrN cubique (localisés dans les grains et les interfaces de lattes) et Cr2N hexagonal (localisés préférentiellement dans les joints de lattes) pouvant se former à l’issue de traitement de nitruration à des températures supérieures à 400°C. Dans le cas d’un acier X3Cr13 (AISI 410S) (nitruré par voie gazeuse à 1000°C), nous observons une diminution de la perte de masse (Figure 1.28a) pour des traitements de revenu à plus hautes températures. L’apparition de la phase ε-Fe2,3N ne semble pas influencer les propriétés de surface. Il apparaît que la tenue au frottement des échantillons nitrurés n’est pas impactée par le traitement de revenu (Figure 1.28b). En revanche, une sensible amélioration est observée dans le cas des échantillons non nitrurés, attribuée à la précipitation de carbures de chrome.

44 (a) (b)

Figure 1.28 : (a) Pertes de masse des aciers AISI 420 non nitruré et AISI 410 nitruré, mesurées à l’issue d’un test d’érosion provoqué par des particules de quartz dans une solution d’eau de mer artificielle en fonction de la température de revenu et (b) évolution dans le cas des traitements de 96h [Toro 03].

Cette étude permet également de vérifier que la tenue à la corrosion/érosion est meilleure pour un acier nitruré de type X3Cr13 (AISI 410S) que X30Cr12 (AISI 420). La différence est attribuée à la large déplétion de Cr autour des précipités M23C6 se formant dans le cas du X30Cr12. Néanmoins à l’issue d’une nitruration à 600°C, les comportements sont similaires. Robino et al. [Robino 83] étudient également la résistance mécanique de ces alliages par un test de frottement. Dans le cas d’aciers nitrurés, ils observent une augmentation du coefficient de frottement après 1000 cycles (en moyenne de 0,3 à 0,7), ainsi qu’une diminution de l’empreinte d’usure pour quatre nuances martensitiques différentes. Ces derniers sont AISI 4140, AISI 6150, Nitralloy 135M (AMS 6470) et US Steel T1 type A (ASTM A514). Cela conduit à développer un « facteur d’amélioration » correspondant à la profondeur moyenne maximum d’usure pour le cas non nitruré, divisée par la profondeur moyenne maximum d’usure pour le cas des aciers nitrurés. Lors de cette étude, il est montré que l’acier 135M, possédant le plus d’éléments d’alliage (dont 1% d’aluminium) possède le facteur le plus élevé. Il présente donc l’amélioration la plus notable de la tenue au frottement.