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5 – Influence des paramètres procédés et structuraux sur les propriétés des

aciers nitrurés

A partir des différentes théories de nitruration précédemment vues ([Kölbel 66, Bartier 96]), il est possible d’extraire plusieurs étapes successives se déroulant lors d’une nitruration par plasma. Chacune d’entre elles peut être influencée par un ou plusieurs paramètres sélectionnés au préalable qu’ils soient inhérents à la nuance choisie (chimie, structure, …) ou au procédé. L’état de l’art nous montre finalement qu’un nombre assez réduit de ces paramètres et leur impact, ont pu être étudiés (Tableau 1-2). De même des études sur leurs effets couplés sont encore plus réduites, alors que la possibilité de combinaison est infinie. Dans cette partie nous montrerons les éventuels impacts de plusieurs paramètres sélectionnés individuellement sur les propriétés et la structure d’aciers martensitiques inoxydables. L’objectif est alors d’optimiser le procédé afin de trouver un compromis entre la microstructure et les propriétés mécaniques et électrochimiques. Cette étude nous permettra par la suite de sélectionner les paramètres les plus pertinents pour définir les gammes de nitruration (cf. Chapitre III).

Comme nous l’avons vu précédemment (cf. §2.2.1), trois étapes se succèdent dans le procédé de nitruration. La première étape repose sur la dissociation en atome d’azote, préalable à la chimisorption. Plusieurs paramètres interviennent alors sur la « qualité » du plasma nécessaire (courant, tension, …). Lors d’une deuxième étape, l’adsorption des atomes d’azote à la surface des matériaux s’effectue, et d’autres paramètres liés au procédé interviennent (composition du gaz, pression, voltage, pulse, …). Enfin dans une dernière étape la diffusion de l’azote vers le cœur du matériau est pilotée par le temps, la température et la microstructure, et également indirectement par les paramètres précédemment sélectionnés.

Des études globales ne montrent pas l’intégralité de l’évolution des paramètres au cours d’une nitruration, dans cette partie nous ne discuterons de l’influence que de quelques paramètres procédés qui semblent fortement impacter la microstructure ou les propriétés des pièces traitées.

5.1 – Influence de la température et du temps

L’intégralité des études portant sur les procédés de nitruration, montre un impact de la température de traitement sur l’évolution de l’épaisseur de la couche nitrurée. Les observations de Ferreira et al. [Ferreira 15] illustrent cette augmentation de l’épaisseur avec la température (Figure 1.33). Les travaux de Bernardelli et al. [Bernardelli 10] effectués sur un acier 15-5 PH indiquent que la dureté maximale à cœur est favorisée par des traitements de longue durée (supérieure à 6h) et à faibles températures (inférieure à 490°C) alors que des traitements à des températures supérieures favorisent un processus de vieillissement. Ceci correspond à l’évolution de la structure de la matrice d’une structure 3R (système trigonal-pyramidal) à une microstructure cubique faces centrées. D’après cette étude, l’augmentation de l’épaisseur de la couche superficielle est favorisée par des traitements à de plus longues durées et à des températures plus élevées. La dureté maximale en surface (1779 HV) a été obtenue lors du traitement de plus longue durée à la température la plus élevée (6h ; 500°C).

52 Figure 1.33 : Observations sur coupes transverses d’un acier AISI 416 nitruré durant 4h, à une pression de 3 Torr et dans une atmosphère de N2:70, H2:20, Ar:10 à des températures de (a) 300°C (b) 350°C (c) 400°C (d) 450°C (e) 500°C [Ferreira 15].

Les travaux de Stinville [Stinville 10] montrent qu’il existe une relation directe entre les évolutions de l’épaisseur de la couche nitrurée et de la concentration d’azote en surface avec le temps de traitement. Dans ces travaux, des durées de traitement allant de 5 minutes à 33 heures (T=450°C) sont appliquées. Il montre que ces deux caractéristiques sont linéairement liées à la racine carrée du temps de traitement (Figure 1.34). La concentration en azote en surface augmente de façon linéaire avec la racine carrée du temps jusqu’à 3 heures de traitement. Pour des temps plus longs, une légère diminution de la concentration d’azote est constatée. L’évolution de l’épaisseur de la couche nitrurée est quant à elle, proportionnelle avec la racine du temps de traitement (Figure 1.31b).

(a) (b)

Figure 1.34 : (a) Epaisseur de la couche nitrurée et (b) concentration d’azote en surface pour des échantillons de 316L nitrurés, en fonction de la durée du traitement (T=450°C) [Stinville 10].

53 Les résultats des essais de polarisation cyclique indiquent que l’augmentation du temps et de la température de nitruration induisent un décalage du potentiel de corrosion Ecorr vers des valeurs plus négatives. La corrosion tend à passer d’une corrosion par piqûres à une corrosion généralisée (pente anodique de courbe I(E) plus élevée). Ce phénomène peut être associé à la précipitation de CrN, sous forme lamellaire aux joints de grains et globulaire au sein des grains [Sennour 02] et donc à un appauvrissement en Cr en solution solide.

Une étude des profils de composition par des pointés en Analyse Dispersive en Energie (EDS) [Bernardelli 10] montre également la répartition en élément chimique dans une piqûre. Si des piqûres sont observables à partir des températures de traitement à 390°C, une corrosion généralisée est observée pour des températures supérieures à 440°C. Des piqûres plus larges et moins profondes (Figure 1.35) sont observables en coupe transverse, ainsi qu’un enrichissement en chrome autour de la piqûre. Bernardelli explique ce phénomène par la présence simultanée de nombreuses phases nitrurées. Il se formerait alors en surface, pour les traitements à basses températures, une couche multiphasée (α’N + γN) hétérogène en azote (Figure 1.35a et b) et plus noble que le substrat. A hautes températures, lors de traitements à 440 et 490°C (Figure 1.35c et d), les piqûres ne se développent pas en profondeur, la couche nitrurée devient moins noble. Ce phénomène serait associé à l’appauvrissement en chrome autour des précipités de CrN.

Figure 1.35 : Profil de piqûres observé pour un acier 15-5 PH à l’issue d’un test de polarisation cyclique en milieu NaCl à 0.5 mol/L pour (a) non nitruré (b) nitruré à 390°C, 2h (c) 390°C, 6h (d) 490°C, 6h [Bernadelli 10].