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Deux principaux outils ont été mis au point durant cette thèse pour quantifier la pro-duction de magnétite et d’hydrogène : le magnétisme et le prélèvement de gaz. Ces outils classiques et facilement accessibles ont été associés de manière originale à des expé-riences hydrothermales dans des capsules en or. Ces expéexpé-riences sont simples à mettre en place, peu coûteuses et permettent une grande flexibilité sur le type et la quantité de matériau utilisé. De plus, la mise sous pression de ces expériences est assurée par une déformation de la capsule en or et non par le pompage d’un gaz dans le milieu réactif comme c’est le cas dans les autoclaves à prélèvement. Les expériences avec des capsules en or permettent également de sonder facilement des rapports eau / roche faibles proches de ceux rencontrés lors des réactions métamorphiques alors que l’utilisation d’autoclaves à prélèvement nécessite l’utilisation de quantités importantes d’eau (et donc des rapports eau / roche élevés) pour que le prélèvement de fluides ne perturbe pas l’expérience. Les expériences avec capsules n’imposent donc pas la présence d’une phase gazeuse qui n’est que rarement présente dans la nature car la saturation en gaz n’est souvent pas atteinte. La méthode magnétique permet un suivi « in-situ » tout en étant très précise. De plus, elle permet d’avoir indirectement accès à certaines conditions expérimentales via la mesure de paramètres liés à la microtexture et donc aux conditions de formation de la magnétite.

La méthode de prélèvement de gaz permet de sonder la composition de petits vo-lumes et est complémentaire de la méthode magnétique. Cette méthode se démarque des modes de prélèvement mis au point par d’autres auteurs (Jacquemet et al., 2005 ; Pan et al., 2006) par sa facilité de mise en place et d’utilisation permises par le perçage des capsules en or dans une seringue à gros volume. Ce type d’approche se démarque de la tendance actuelle faisant appel à des équipements de plus en plus sophistiqués. Il donne malgré tout des informations très précises sur des processus complexes. Ces avantages poussent à étendre la portée de ces méthodes en les développant pour étu-dier, d’une part, d’autres gaz (changement du protocole pour la chromatographie) et, d’autres part, d’autres minéraux associés à un signal magnétique (nécessité de tester et calibrer le signal magnétique de ces minéraux). Dans l’état actuel, ces méthodes pour-raient également être utilisées pour étudier d’autres réactions produisant un mélange de gaz H2/CH4/CO2 et/ou de la magnétite. Par exemple, dans l’industrie, on pourrait ima-giner coupler à des analyses chimiques une analyse magnétique pour estimer la quantité de fer oxydé dans les déchets et, donc, leur potentiel de production d’hydrogène. La pro-duction de magnétite par les organismes biologiques, type bactéries magnétotactiques, pourrait également être étudiée avec nos outils. De plus, les réactions de déstabilisation de la magnétite (déserpentinisation, altération superficielle produisant de l’hématite, py-ritisation ...) doivent induire une diminution du signal magnétique qui pourrait être suivie

riences, des mesures de la composition du liquide pourraient également être réalisées.

Ces méthodes présentent également des inconvénients qui limitent leurs applica-tions. Le principal inconvénient de la méthode magnétique est sa spécificité. En ef-fet, elle ne peut être appliquée que dans des réactions où des minéraux magnétiques réagissent ou sont produits. L’implication de plusieurs minéraux magnétiques dans la réaction peut également compliquer le signal magnétique et le rendre difficilement in-terprétable. De plus, pour déterminer l’avancée d’une réaction, cette méthode nécessite une bonne connaissance de la répartition du fer qui est parfois difficile à contraindre du fait de la complexité chimique des phases impliquées et de leur évolution dans le temps. Le prélèvement de gaz sur les capsules en or est lui limité par son caractère destructif. Il nécessite en effet de percer la capsule ce qui met un terme à l’expérience. Cet arrêt de l’expérience exclut également les mesures de composition du fluide pendant la réaction (réalisable dans des autoclaves à prélèvement par exemple). De plus, ce protocole n’est pas in-situ puisque le prélèvement est réalisé aux conditions ambiantes et donc dans des conditions de partage liquide / solide différentes.

6.4 Cinétique de serpentinisation : vers une

extrapola-tion au milieu naturel ?

L’un des buts de nos travaux était de caractériser la cinétique de la serpentinisation. Nous l’avons fait sur des poudres d’olivine et nous avons observé des processus minéra-logiques identiques dans des échantillons naturels. Ceci suggère que les processus dont la cinétique a été étudiée sont les mêmes que ceux qui opèrent dans la nature. Cependant, plusieurs paramètres n’ont pas été testés.

Tout d’abord, la complexité chimique de la roche et du fluide pourraient influencer la cinétique. Les mesures récentes de la cinétique avec des compositions plus réalistes (eau de mer et péridotite ; Seyfried et al., 2007 ; Marcaillou et al., 2011) donnent des vitesses du même ordre de grandeur que ceux trouvés ici et suggèrent donc que cette complexité joue un rôle secondaire sur la cinétique.

Les péridotites suivent également un chemin réactionnel avec une évolution des condi-tions de pression et température au cours du temps qui n’est pas reproduite dans nos expériences. La cinétique n’est alors pas forcément une somme des cinétiques mesu-rées dans des conditions fixes. En effet, lorsque les conditions changent, les produits peuvent être déstabilisés et des processus minéralogiques plus complexes peuvent avoir lieu. Ce type d’évolution est pour l’instant difficile à reproduire en laboratoire du fait de la diversité de l’évolution des conditions ayant lieu en milieu naturel et de leur relative méconnaissance.

Le dernier aspect qui n’est pas pris en compte dans notre étude est l’impact du trans-port des réactifs (eau) et des espèces en solution produites sur la cinétique. En effet, notre étude s’inscrit dans la continuité des études sur la cinétique de la serpentinisation en uti-lisant des poudres qui permettent d’obtenir une forte réactivité et de tester de nombreux

paramètres. Pour étudier l’impact du transport sur la cinétique, il faudrait considérer des roches ou des agrégats de grains. Or, comme nous l’avons vu, la cinétique diminue gran-dement avec la taille des grains (de l’ordre de deux ans pour faire réagir complètement des grains de 60 µm de diamètre), ce qui laisse supposer des temps de réactions très longs pour les roches. Plusieurs études numériques ont donc cherché à modéliser ce transport et notamment l’impact de la fracturation (Røyne et al., 2008 ; Rudge et al., 2010). Malgré tout, il n’existe, pour l’instant, pas de données sur les vitesses de transport qui pourraient permettre à ce type de modélisation d’être plus réaliste quantitativement.

Pour acquérir ce type de données, des expériences additionnelles, non décrites dans les chapitres précédents, ont été réalisées. Pour pouvoir sonder l’impact du transport sur des durées raisonnables, des agrégats de grains de petite taille (typiquement moins de 10

µm) ayant une cinétique de dissolution relativement rapide (de l’ordre du mois) ont été

utilisés. Des roches ayant ces caractéristiques n’existant pas à notre connaissance, des frittés d’olivine ont été produits et placés dans des capsules pour faire un suivi magné-tique de la cinémagné-tique. Même si les résultats ne sont ici que préliminaires, ces expériences montrent qu’il existe un impact non négligeable du transport sur la cinétique. En effet, des frittés de grains de 1 à 5 µm n’ont réagi que sur une épaisseur de 50 µm après 10 mois de réaction (Fig.6.2) alors que la poudre de grains de 1 à 5 µm a complètement réagi en 2 mois environ (Fig.3.5). Ce type d’expérience permet de sonder l’impact du transport de l’eau sur la cinétique et de quantifier sa diffusivité en fonction de la surface des joints de grains (dépendant de la taille des grains) et de leur épaisseur (qui peut être déterminée par microscopie électronique à transmission par exemple). De plus, les frittés sont ici confinés par de l’eau et le changement de volume associé à la réaction peut être accommodé par un déplacement de leur surface libre. Ce type de dispositif ne permet donc pas d’étudier de manière réaliste les mécanismes associés au ∆V positif comme le comblement de la porosité par les phases produites et la fracturation.

La modélisation efficace de l’impact du transport de l’eau et des espèces en solution sur la cinétique de serpentinisation nécessite donc la mise au point d’autres protocoles expérimentaux. Une fois ces expériences réalisées, il sera possible de coupler de l’eau diffusion aux joint de grains et fracturation pour estimer le rôle du transport sur la réac-tion. Étant donné la durée de la réaction, ce type de couplage sera probablement assuré par une modélisation numérique (comme cela est le cas dans un modèle du type de celui de Rudge et al. (2010)). Enfin, une fois l’impact du transport connu, un modèle global de cinétique de serpentinisation pourra être obtenu à l’échelle d’un agrégat de grains (centimètre à mètre).

Le passage à l’échelle de la centaine de mètre, pertinente pour les études géophy-siques, implique la prise en compte d’autres phénomènes comme la circulation hydro-thermale et la tectonique. De plus, ce changement d’échelle fait face à des problèmes d’ordre numérique comme la prise en compte de processus d’échelle millimétrique voire micrométrique dans des modèles ayant des mailles numériques espacées de plusieurs di-zaines de mètres.

Ainsi, il reste de nombreuses étapes à parcourir pour arriver à une modélisation sa-tisfaisante de la cinétique de la serpentinisation qui se fera par l’utilisation conjointe de mesures expérimentales et de modélisations numériques.

a)

b)

Densité de p roduit (%) 0 100 1 mm

Figure 6.2Expérience de serpentinisation sur un fritté d’olivine de grains de 1 à 5 µm. a : Image en électrons retrodiffusés d’une coupe à travers le fritté après 10 mois de réaction à 300 ˚C. L’olivine (gris clair) est entourée par de la serpentine (gris foncé) et de la magnétite (blanc). b) Analyse d’image de l’image en a) montrant la densité en produit. L’épaisseur de la zone de réaction est d’environ 50 µm.

Annexe

A

Magnétisme des roches

Cette partie vise à donner au lecteur les bases nécessaires à la compréhension des concepts sur le magnétisme employés dans cette thèse. Sa rédaction est basée sur des notes de cours de J-P Valet (IPGP) et le livre de Putnis (1992).

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