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1.2 MÉMOIRE PERMANENTE ET MÉMOIRE SÉMANTIQUE

1.2.4 Organisation des représentations en mémoire sémantique

L’étude de la mémoire sémantique s’effectue principalement autour du langage et de son usage. De nombreuses modélisations du fonctionnement de la mémoire sémantique ont été proposées et les données neuro-anatomiques sont de plus en plus utilisées pour

explorant l’organisation des représentations sémantiques lexicales en mémoire, ainsi que leur impact sur le fonctionnement mnésique seront présentés dans ce chapitre. Dans la conception modulaire ou multi-systèmes de la mémoire, la littérature distingue habituellement deux grandes classes de modèles : les modèles en réseaux et les modèles componentiels. Nous avons choisi de présenter quatre modèles d’organisation appartenant à ces deux grandes classes. Ces modèles utilisent une approche a-modale, c’est-à-dire dans laquelle la modalité d’entrée n’est pas déterminante pour le traitement du stimulus, et l’information est codée de manière abstraite et relativement permanente dans la mémoire sémantique. Ils serviront de références et de bases de discussion dans le cadre de l’exploitation des données fournies par notre démarche expérimentale.

Les activités cognitives et les mécanismes liés aux apprentissages ont été particulièrement étudiés dans le domaine de la psychologie expérimentale à partir de l’aptitude humaine à catégoriser (Bruner et al., 1956). Cette faculté facilite le rappel et influence nos performances dans des tâches cognitives en quantité et en temps nécessaire de récupération (Reed et Verhasselt, 2011). Si la catégorisation permet d’organiser hiérarchiquement les informations, les liens établis entre les concepts stockés en mémoire constituent aussi un autre moyen de structurer les connaissances. C’est à partir de ces deux principes d’organisation et des tâches de vérification sémantique que les modèles de la mémoire sémantique qui seront décrits dans notre prochaine section ont été construits.

1.2.4.1 Définitions

§ Représentations et représentations sémantiques

Le savoir lié à nos connaissances, pour pouvoir être stocké, doit être représenté en mémoire. Deux niveaux de représentation peuvent être distingués : une représentation physique de l’objet issue de sa perception directe, et une représentation mentale fondée sur l’expérience répétée du sujet, en dehors de la perception (Rossi, 2005). Pour autant, la notion de représentation diffère selon la façon dont le système cognitif est envisagé. Dans le cadre de notre mémoire de recherche, cette notion est référée au cognitivisme et plus particulièrement à la conception d’Endel Tulving. Cet auteur considère que les connaissances sont stockées en mémoire sous la forme de représentations mentales appelées concepts (Tulving, 1983).

Les représentations sémantiques correspondent à la signification des mots stockés en mémoire, ou plus précisément des différentes unités sémantiques appelées concepts. Selon Gaillard et al. (2001, p.12), « une représentation sémantique est donc un faisceau de traits

sémantiques se rapportant à un même item. Ces traits peuvent être de différentes natures : structurale, descriptive, fonctionnelle, associative, catégorielle ».

§ Mémoire sémantique et mémoire lexicale

À la faveur des travaux de Morton (1970) sur le traitement lexical et des arguments expérimentaux fournis par Brown et Mc Neill (1966) sur l’étude de l’aphasie nominale, il est désormais établi qu’un mot et son sens sont stockés dans deux systèmes mnésiques différents et indépendants : la mémoire lexicale et la mémoire sémantique. Ces deux systèmes sont maintenant regroupés sous le terme de mémoire verbale (Figure 2).

Mémoire verbale

Mémoire sémantique Mémoire lexicale

(signification des mots, nécessaire à la compréhension) (morphologie des mots, nécessaire à la prononciation)

Figure 2 – Mémoire verbale

1.2.4.2 La catégorisation : une organisation hiérarchique

Face à la complexité de notre environnement, notre capacité à catégoriser des objets en les intégrant dans des classes nous permet d’interagir avec eux en activant des connaissances basées sur des apprentissages antérieurs. La catégorisation a été étudiée à la fin des années 1950 via l’identification et le classement de concepts comme les variations de formes géométriques, en laboratoire. À partir des années 1970, Eleanor Rosch (1973) a commencé à s’intéresser aux caractéristiques des catégories naturelles dites du monde réel (pour une revue de la littérature sur la catégorisation, voir Murphy, 2003). Les effets de l’organisation hiérarchique des catégories sur le rappel des informations sémantiques ont été étudiés et confirmés par Bower et al. (1969). Pour rappel, jusqu’aux travaux de Rosch, les catégories sont issues de la tradition aristotélicienne de la philosophie grecque à l’époque classique (IVe

siècle av. J.C.). En effet, Aristote, élève de Platon, fut l’un des premiers philosophes à entreprendre dans ses différents travaux une classification des êtres vivants à travers des regroupements basés sur le partage de propriétés communes et de relations d’inclusions (Pellegrin, 1982). Ce type de classification se nomme taxinomie, taxonomie ou cladistique. Dans la logique aristotélicienne, les catégories sont des entités logiques délimitées qui représentent des regroupements ; elles sont définies par des conditions nécessaires et suffisantes appelées CNS. Pour qu’un membre appartienne à la catégorie, il doit posséder les propriétés de la catégorie (ce sont les conditions nécessaires) ; de plus, il lui suffit de posséder ces propriétés pour appartenir à la catégorie (ce sont les conditions suffisantes). Tous les membres d’une catégorie partagent alors le même statut.

1.2.4.3 Les réseaux : une organisation sémantique

En présentant à des sujets non pathologiques des mots associés les uns aux autres dans une tâche de rappel, Bower et al. (1975) ont démontré que l’organisation sémantique des informations facilitait et améliorait la récupération des mots en mémoire tant au niveau de leur signification que des connaissances qui leur sont attachées. En revanche, d’après ces auteurs, l’organisation hiérarchique favorise davantage cette récupération et apparaît plus efficace.

Le concept de réseaux sémantiques (Quillian, 1968) repose sur l’hypothèse selon laquelle la mémoire sémantique est organisée en un système d’unités interconnectées. Un réseau sémantique est conçu comme un système de propagation de l’activation entre ces unités. Les informations inactives et en sommeil sont stockées puis rendues disponibles et activées selon les besoins. Les unités étant interconnectées, l’activation d’une unité va se propager aux unités auxquelles elle est associée. Ces unités sont des unités verbales ayant une signification mais pour Rossi (2005), cette notion demeure à ce jour encore mal définie. Selon cet auteur, elle pourrait correspondre au concept développé par Saussure dans sa théorie du signe linguistique. Dans cette perspective, le concept est rapporté comme l’ensemble des signifiés (ou contenus du signe) associés à un lexème (ou mot), même si pour Yong-Ho Choi « le