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Chapitre I : Les aminoacyl-ARNt synthétases et le complexe MARS chez T. gondii

IV. Discussion

3. Organisation du complexe

a) Organisation tridimensionnelle et sous-complexes

De manière similaire à ce qui a permis de préciser progressivement l’organisation

tridimensionnelle du complexe MARS chez les Eucaryotes supérieurs, nous avons tenté de

préciser l’organisation du complexe TgMARS en utilisant la ME à transmission. Nos travaux

ont dans un premier temps été contrariés par l’hétérogénéité intrinsèque du complexe

lorsqu’il était purifié via Tg-p43 ou MRS. Finalement, une plus grande homogénéité obtenue

par l’immunopurification d’YRS a permis d’observer un TgMARS suffisamment stable.

Chez les Mammifères, après quelques tentatives ramenant des images contradictoires en

formes d’haltères ou au contraire de particules amorphes, Norcum avait publié en 1989 les

images d’un assemblage reproduit dans diverses conditions en forme de U, de Y ou de

coupe, parfois disposé en anneau (227). Sa dissociation à l’aide de détergents chaotropiques

(228), puis l’utilisation d’agents de réticulation réversibles combinés à une méthode

d’électrophorèse bidimensionnelle (229), avaient conduit à la description de modèles à deux

puis trois sous-complexes, compatibles avec la structure en U. Le traitement informatique

des images de microscopie électronique confirma ensuite le modèle en U et à trois domaines

(230), puis révéla une structure triangulaire asymétrique positionnée autour d’un sillon

central profond (231), de multiples « fenêtres » et une p43 en position centrale (232) (Figure

12, A et B). Nos observations montrent un TgMARS fondamentalement éloigné de ces

descriptions, en raison de sa relative simplicité et de l’absence de sous-domaines clairement

objectivables. L’analyse informatique d’une sous-fraction des images suggère une

disposition selon une structure centrale annulaire entourée de domaines flexibles, mais ces

observations n’ont pas permis de définir une structure tridimensionnelle aussi précisément

que pour les MARS des Eucaryotes supérieurs. Cependant, la ME ne semble pas être une

méthode absolue de détermination de l’organisation du complexe, puisque de récentes

études par l’ARN interférence des AIMP combinée à des purifications d’affinité en tandem

des assemblages obtenus in cellulo, ont montré de manière robuste une organisation du

MARS en deux sous-complexes portés par des dimères de p18 et p43, reliés par interaction

avec un dimère de p38 (233) (Figure 12 C et D).

Il ressort au minimum des données obtenues par notre travail (faible nombre de sous-unités,

présence d’une seule AIMP, interactions directes prouvées entre Tg-p43 et trois de ses

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partenaires) que le complexe de T. gondii n’est pas organisé en sous-domaines mais autour

de Tg-p43 qui joue un rôle d’ancrage. Ces données sont également trop limitées pour tenter

de faire coïncider une hypothétique stœchiométrie avec le modèle fourni par le traitement

des images de ME. Le positionnement interne de certains composants pourrait être précisé

par immunomicroscopie électronique, cette technique ayant par la passé permis de localiser

l’aaRS bifonctionnelle EPRS à la jonction entre la base et un des bras de la structure du

complexe MARS mammifère (234).

Figure 12.Différents modèles bi- et tridimensionnels proposés pour représenter le complexe MARS des Eucaryotes supérieurs

A : modèle tridimensionnel montrant un arrangement possible des protéines selon (229) ; B : reconstruction tridimensionnelle du complexe selon (235), [A et B d’après (236)]; C : modèle bidimensionnel à 2 sous-domaines déterminés selon les sites d’ancrage à p38 (QRS, RRS et p43 liés à l’extrémité N-terminale de p38, les autres composants liés à l’extrémité C-terminale) ne reflétant pas forcément les positions relatives dans la structure tridimensionnelle, d’après (237); D : carte des connexions au sein du complexe, déduites par knock-down des AIMP, d’après (233).

C: Reprinted from Biochemical and Biophysical Research Communications, 303Han JM, Kim JY, Kim S.Molecular network and functional implications of macromolecular tRNA synthetase complex. 985-993, Copyright (2003), with permission from Elsevier.

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b) Taille, homogénéité

L’observation microscopique de structures flexibles et spatialement bien séparées fournit

cependant des informations intéressantes : cette hétérogénéité explique le poids

moléculaire apparent du complexe anormalement élevé (rayon hydrodynamique plus élevé

qu’attendu pour une structure globulaire compacte). En effet, le poids moléculaire du

TgMARS théorique évoqué ci-dessus (constitué de 8 sous-unités) serait d’environ 600 kDa,

ce qui contraste avec le poids moléculaire globulaire observé par SEC (aux alentours de 1

MDa).

La nature non globulaire mais partiellement relâchée du TgMARS est cohérente avec des

observations très récentes. En effet, l’analyse du MARS des Eucaryotes supérieurs par SEC

conduit à attribuer une masse moléculaire apparente de l’ordre de 1,5 MDa, ce qui est

confirmé par des mesures spectroscopiques (par MALS, multi-angle laser light scattering).

Un volume approximatif de 1,8 Å

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lui est par ailleurs attribué, ce qui en fait le plus gros

assemblage supramoléculaire impliqué dans la traduction (taille supérieure aux sous-unités

ribosomales) (225). Cependant, l’utilisation de techniques de diffusion des rayons X (SAXS,

small angle X-ray scattering) permettant d’obtenir des informations sur la structure du

complexe en solution, combinée à des techniques hydrodynamiques (diffusion dynamique

de lumière, vitesse et équilibre de sédimentation renseignant sur la taille, la distribution en

solution et la masse du complexe) plaide pour un complexe significativement plus allongé

que sphérique (225). Ces résultats, qui viennent contredire les modèles tridimensionnels

précédemment établis, remettent quelque peu en cause la fidélité de ces derniers, et

soulèvent l’hypothèse d’une altération possible du complexe lors de la préparation des

échantillons. Comme nos données microscopiques et chromatographiques présentent

apparemment la même discordance, nous pouvons faire l’hypothèse, de manière analogue,

que la flexibilité de certaines sous-unités ou domaines moléculaires périphériques de notre

complexe favorise l’accès des ARNt ou d’autres partenaires (facteurs d’élongations EF1,

notamment) aux aaRS du complexe. Par ailleurs, Koehler et al. ont également très

récemment mis en évidence que la liaison des ARNt aux aaRS liées à Arc1p induisait un

compactage radical du complexe fongique (238) ; la caractérisation de TgMARS en présence

des ARNt correspondants pourrait ainsi nous fournir de plus amples informations sur

l’organisation du complexe.

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4. Interactions protéines-protéines : rôles des domaines conservés