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CHAPITRE I : DECONTAMINATION DES EFFLUENTS RADIOACTIFS

4.3. Optimisation du traitement continu

Des améliorations permettant d’augmenter l’efficacité du traitement continu ont été étudiées. Suite à l’élaboration du modèle et à sa validation expérimentale, les observations et interprétations dégagées permettent de définir les conditions optimales de traitement. Il faut que la phase solide possède une surface d’échange importante avec la solution, suite à une vitesse de nucléation élevée ainsi qu’une vitesse de croissance faible.

Afin de limiter la quantité de solide générée par le procédé, il est donc intéressant de recycler le BaSO4 formé. En réacteur continu classique, dans les conditions opératoires simulant le traitement industriel de La Hague, la concentration en sulfate de baryum est de 4,49 g.L-1, d’où une surface d’échange modérée. Afin d’augmenter cette surface d’échange, la solution la plus pertinente est d’effectuer un recyclage du solide. Ainsi la concentration en solide est très élevée, entre 150 et 200 g.L-1, ce qui permet d’atteindre des bonnes efficacités de décontamination en strontium. Il est donc possible d’atteindre le même facteur de décontamination qu’en réacteur continu mais avec une quantité de BaSO4 produite plus faible, ce qui est très intéressant d’un point de vue industriel.

Dans cette optique, trois dispositifs ont été testés avec succès (Pacary, 2008). Ces dispositifs présentent des atouts de taille pour un traitement optimisé des effluents et ont d’ailleurs fait l’objet d’un brevet (Pacary et al., 2008).

4.3.1. Le recyclage de BaSO4

Le dispositif expérimental comprend un réacteur continu et un décanteur en série disposés de telle manière que la suspension issue de la surverse du réacteur soit acheminée par gravité vers le décanteur, comme illustré sur la Figure 20.

Figure 20 : Schéma du traitement continu avec recyclage

Le procédé possède deux avantages principaux. D’une part, l’augmentation de la quantité de particules solides dans le réacteur, du fait de l’injection de solide en provenance du décanteur, a pour conséquence une augmentation de la quantité d’éléments radioactifs captés : une amélioration de l’efficacité du procédé d’un facteur 4 est observée par rapport au procédé sans recyclage. Le procédé continu avec recyclage atteint ainsi la même efficacité que le réacteur semi-fermé qui est la meilleure configuration de traitement industriel. D’autre part, le recyclage du solide permet une diminution de la quantité de boues produites en réduisant la quantité de réactif utilisé.

Soutirage des boues Surnageant décontaminé Effluent Recyclage des boues Réactif Réacteur Décanteur

54

4.3.2. Le réacteur à lit fluidisé

Un procédé effectuant un recyclage total du solide a été testé par Cohin et al. (Cohin et al., 2007) : il s’agit du réacteur à lit fluidisé. Le procédé de coprécipitation du strontium avec le sulfate de baryum dans ce type de réacteur permet d’atteindre une efficacité intermédiaire entre procédé continu et semi-fermé pour une même quantité de BaSO4 produit par m3 d’effluent. Les avantages majeurs du lit fluidisé sont son faible encombrement, son fonctionnement parfaitement continu une fois le lit de solide constitué, et surtout la très bonne séparation solide/liquide qu’il assure. Le procédé est représenté sur la Figure 21 suivante.

Figure 21 : Schéma du réacteur à lit fluidisé

4.3.3. Le réacteur/décanteur

Une dernière configuration a été étudiée afin d’optimiser le traitement : il s’agit du réacteur/décanteur fonctionnant sur le principe du lit fluidisé. Ce dispositif est constitué de deux zones. La partie inférieure est un réacteur agité et chicané où l’effluent et la solution de nitrate de baryum sont introduits. La partie supérieure (décanteur) a pour fonction de réaliser une séparation solide/liquide. Un schéma du réacteur/décanteur est présenté sur la Figure 22. Un dispositif similaire a été utilisé avec succès par Pastor et al. (Pastor et al., 2008; Pastor et al., 2010) pour précipiter les phosphates sous forme de struvite. L’application visée est le traitement des eaux usées des stations d’épuration.

Le réacteur/décanteur est un dispositif compact permettant de traiter de manière efficace des débits d’effluents importants. Le réacteur/décanteur permet d’atteindre une efficacité supérieure à celle du procédé semi-fermé. Cependant, des études sont nécessaires pour optimiser son fonctionnement et également modéliser son comportement, ce qui est précisément l’objet de cette thèse.

Effluent

Réactif

Soutirage des boues Surverse

Décanteur

55

Figure 22 : Schéma du réacteur/décanteur

METHODES EXPERIMENTALES DE DETERMINATION DES CINETIQUES

5.

Il est indispensable d’étudier les cinétiques de nucléation et de croissance dans les conditions expérimentales du procédé industriel afin de rendre le modèle de coprécipitation le plus proche possible de la réalité. En effet, aucune étude n’a été réalisée en milieu salin NaNO3 0,5 mol/L. De plus, les études d’Aoun (Aoun, 1996) ont été réalisées en milieu extrêmement dilué entre 0,375.10-3 et 1,5.10-3 mol/L de BaSO4, tandis que dans les conditions du procédé, la concentration en BaSO4 est de l’ordre de 20.10-3mol/L.

L’étude des mécanismes de précipitation est complexe en raison de la rapidité et de la simultanéité des phénomènes. Plusieurs méthodes expérimentales de détermination des cinétiques de précipitation existent dans la littérature et peuvent être classées en deux catégories : les méthodes phénoménologiques et les méthodes simultanées. Une description de ces méthodes est effectuée afin de pouvoir choisir la plus adaptée à notre étude.

5.1. Méthodes phénoménologiques

Les méthodes phénoménologiques consistent à isoler les différents mécanismes afin de les étudier séparément. Elles imposent des conditions expérimentales strictes, mais l’exploitation des résultats est simplifiée et fiable.

5.1.1. Etude de la nucléation primaire seule

5.1.1.1. Détermination du temps d’induction

Une première approche simplifiée consiste à mesurer le temps d’induction. Rapide et facile à mettre en œuvre, cette méthode présente l’avantage de fournir des informations sur la cinétique de nucléation. Le temps d’induction représente le temps écoulé entre l’établissement de la sursaturation et l’apparition des premiers germes. En pratique, il est difficile à mesurer à cause de son caractère subjectif. C’est pourquoi expérimentalement, il correspond au temps écoulé entre le moment de mélange des réactifs et le moment où la solution se trouble (apparition des premiers cristaux observables).

Soutirage des boues Effluent

Réactif

Surnageant

Réacteur Décanteur

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D’un point de vue analytique, les temps d’induction peuvent être mesurés visuellement (à l’œil nu), par turbidimétrie ou encore par dispersion de la lumière. La mesure du temps d’induction dépend fortement de la sensibilité de l’appareil de mesure, mais également de la pureté de la solution, ce qui peut fausser les cinétiques de nucléation obtenues.

Le temps d’induction peut s’exprimer en fonction de la sursaturation par la relation suivante :





2

)

(ln

exp

S

B

A

t

ind ind (24)

Où Aind est une constante et B le paramètre cinétique de la nucléation primaire.

Le tracé du graphe ln(tind) en fonction de 1/(lnS)2 conduit généralement à une rupture de pente qui délimite les deux domaines de prépondérance des mécanismes de nucléation primaire homogène et primaire hétérogène.

Cette méthode qualitative ne permet pas de déterminer une loi cinétique avec précision. Elle ne sera donc pas utilisée pour notre étude.

5.1.1.2. Utilisation d’un tube de nucléation

La rapidité de la nucléation implique une forte sensibilité à l’état de mélange. Pour des essais expérimentaux, un des premiers problèmes à résoudre est donc de s’affranchir de cette influence du mélange. Pour des temps d’induction très courts, inférieurs à la seconde (ce qui est très souvent le cas en précipitation), le temps nécessaire à la mise en contact intime des réactifs par les méthodes classiques de mélange, est du même ordre de grandeur, voire plus long, que le temps d’induction. Il est donc indispensable d’utiliser d’autres techniques que les agitateurs traditionnels afin d’assurer une mise en contact des réactifs extrêmement rapide.

Pour cela, en 1969, Nielsen, pionnier dans l’étude des cinétiques de nucléation, propose une méthode de type « stopped-flow » (Nielsen, 1969). Le principe du montage développé par Nielsen pour la détermination des cinétiques de nucléation est présenté sur la Figure 23. Deux réservoirs, contenant les réactifs de précipitation, sont reliés à un système sur ressort, permettant d’injecter simultanément les réactifs dans un tube de nucléation, où ils sont mélangés très rapidement. La forte sursaturation ainsi créée dans le tube déclenche le processus de nucléation primaire. Le mélange est aussitôt dilué dans un grand volume agité de façon à faire chuter la sursaturation pour stopper la nucléation. Le temps de nucléation correspond donc au temps écoulé entre la mise en contact des réactifs et la dilution. Au sein du volume de dilution, les conditions doivent permettre la croissance des germes afin de rendre leur détection possible, tout en évitant les phénomènes de nucléation et d’agglomération. Pour cela, l’ajout d’un agent dispersant peut être recommandé. A la fin de l’expérience, le nombre de cristaux formés dans le tube de nucléation est obtenu à l’aide d’un granulomètre.

57 exp

t

V

N

r

tube N

(25)

Où N : nombre de germes formés ; Vtube : volume du tube de nucléation ; texp : temps de l’expérience.

Figure 23 : Principe du montage pour la détermination de la cinétique de nucléation

Cette méthode « stopped-flow » est encore largement plébiscitée dans la mesure où l’utilisation d’un tube de nucléation permet de s’affranchir des phénomènes de micromélange, et également de contrôler la sursaturation et la vitesse de nucléation. Pour étudier la nucléation de la précipitation oxalique, un montage inspiré de celui de Nielsen a été conçu et réalisé dans le cadre des travaux de thèse d’Andrieu (Andrieu, 1999). Ce montage a également été utilisé avec succès pour déterminer la cinétique de nucléation primaire au cours de la coprécipitation de solutions solides d’oxalates d’actinides (Parmentier, 2012).

Cette méthode est intéressante, mais elle couvre des gammes de sursaturation très élevées, ce qui n’est pas le cas en réacteur continu. En effet, en réacteur continu, la sursaturation au sein du réacteur est égale à la sursaturation de sortie, donc très faible. Afin d’être représentatif des conditions industrielles et du typé de procédé mis en œuvre, cette méthode ne pourra pas être appliquée dans notre cas. Une méthode simultanée sera donc privilégiée pour déterminer à la fois la cinétique de nucléation et de croissance cristalline du sulfate de baryum (cf. : partie 5.2).

5.1.2. Etude de la croissance cristalline seule

L’approche expérimentale de la croissance cristalline dépend de l’information recherchée. Les études fondamentales et l’observation des changements de forme des cristaux se font à partir d’un seul cristal, isolé et fixé dans une cellule de croissance. Cependant, pour l’acquisition de grandeurs moyennes qui interviennent dans le dimensionnement et la modélisation des réacteurs industriels, l’étude doit porter sur un échantillon de cristaux.