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Optimisation du procédé de fabrication et transfert des films

Partie III : Fabrication et caractérisation

D) Optimisation du procédé de fabrication et transfert des films

La morphologie des films fabriqués dépend des paramètres suivants : la vitesse de transfert, la concentration en MWCNT, le volume transféré, le volume d’eau distillée et le rapport d’aspect du contenant. Afin de faciliter l’étude du phénomène, la quantité de dispersion transférée est gardée constante (1 ml) ainsi que le volume d’eau utilisée (50 ml). De plus, les films sont réalisés dans 2 béchers de rapport d’aspect différents afin de faire varier la surface accessible (14,5 cm² pour le premier bécher et 25,5 cm² pour le second). On observe alors deux tendances : à faible concentration (<0,1wt%) et volume transféré constant, les films fabriqués dans le bécher avec la surface accessible large présentent une structure dendritique (Figure 10) alors que dans le bécher avec la surface accessible réduite le film adopte une structure quasi continue (figure 9). Si l’on transfert une solution à concentration plus importante (~0,5 wt %) on observe l’apparition de fragments plus larges (quelques mm²) présentant une opacité plus importante. Cependant la rigidité de ces fragments altère la structure du film formé : celui-ci est composé de morceaux de fragments dont les bords sont visibles et se superposent (Figure 8).

Figure 10 : Deux films dendritiques présentant différentes structurations. Les deux films ont été obtenus en

transférant 1ml de solution à la surface de 50mL d’eau distillée. La surface accessible est de 25,5 cm². La concentration de la solution pour les deux films est inférieure à 0,005 wt %.

La croissance macroscopique du film s’effectue donc par coagulation de fragments microscopiques qui se forment spontanément lors du transfert de la dispersion à la surface de l’eau distillée.

Lorsque la quantité de solution transférée dépasse un volume critique, fonction de la surface accessible et approximativement égal à 1mL dans le cas du couple eau distillée/acétone, on observe la formation de films fragmentaires superposés (Figure 11.a et 11.b) suivie du développement progressif d’une phase trouble (turbide) d’opacité variable localisée directement sous la surface (Figure 11.c et 11.d). Lors du développement de la phase trouble, on observe l’apparition de déformations sur la surface (Figure 11.b) associées à la diffusion de la phase trouble. Les films fabriqués de cette façon présentent une structure fortement désordonnée lorsqu’ils sont transférés sur un substrat avec une couverture discontinue de la surface et l’apparition d’empilements locaux.

La formation de la phase trouble peut être attribuée à l’accumulation d’une partie de l’acétone sur une distance de quelques cm sous la surface étant donné le faible débit lors du transfert de la solution d’acétone/MWCNT combiné à la diffusion d’impuretés depuis la couche de MWCNT. La phase trouble diffuse dans le volume grâce au gradient de température induit par la large plage d’absorption optique des objets présents dans la phase trouble. L’introduction d’un gradient de température supplémentaire dans la solution permet d’accélérer la diffusion de la phase trouble dans l’eau distillée. La présence d’une phase trouble est habituellement associée à la présence d’émulsion ou de particules colloïdales. L’observation au microscope optique de gouttes de la phase trouble déposées sur lame de verre montre la présence de structure sphérique semblable à des microgouttes dispersées dans l’eau distillée. Ces structures ne sont à l’origine pas présentes dans la dispersion d’acétone/MWCNT, dans l’eau distillée ou lorsque ces deux composants sont mélangés. Elles résultent donc de l’interaction entre l’acétone, l’eau distillée et les objets diffusés depuis la couche de MWCNT.

Figure 11 : Evolution structurelle d’un film obtenu avec 2mL de solution à concentration de NTC entre 0,05

et 0,1 wt%. (a) Directement après la fin du transfert de la solution, on observe la présence de domaines d’opacité différente au centre et sur la périphérie du bécher. (b) même solution 12 minutes après la fin du transfert, on observe l’apparition de ligne d’opacité supérieure à la moyenne serpentant à la surface accompagnée du développement de la phase trouble(c). (d) phase trouble après 1h.

Réduire la surface accessible au film de nanotubes à volume d’eau distillée et volume de solution de MWCNT/acétone constants permet de contrôler la morphologie du film. En passant d’une surface accessible de 25,5 cm² à 14,5 cm², on observe la formation d’un film continu. Cependant la rigidité des fragments de films épais ne permet pas de fabriquer un film continu homogène à l’aide de solution à une concentration supérieure à 0,1 wt %. Les films fabriqués présentent donc une très faible opacité et sont quasiment invisibles à l’œil nu en observation directe. La Figure 9 a donc été obtenue en tirant partie de la réflexion de la lumière à la surface du film. Le blanchissement de la surface provient d’un effet de moyenne induit par la distribution de taille et d’orientation des agglomérats de nanotubes à la surface du liquide.

Les films ainsi fabriqués peuvent être transférés facilement sur des lames de verre par contact mécanique horizontal avec la surface. Dans le cas de film continu d’opacité faible, il est nécessaire de faire attention à l’angle de retrait de la lame de verre afin de ne pas fragmenter le film lors du transfert. La figure 12 présente plusieurs morphologies de films transférés selon différentes conditions. Sur la figure 12.a on peut observer l’augmentation progressive de l’opacité du film en fonction de la concentration de la solution pour les échantillons de gauche et du centre. Dans l’échantillon de droite, la rigidité des fragments empêche la formation d’un film continu. On peut remarquer une augmentation progressive de l’inhomogénéité macroscopique du film lorsque la concentration augmente. La figure 12.b présente 3 films fabriqués à partir des mêmes paramètres initiaux. On observe des changements de morphologie entre les trois échantillons qui sont induits par de légères variations de positionnement de la seringue, du débit de transfert et de la distance entre la seringue et la surface du liquide.

La figure 12.c présente deux films dendritiques obtenus dans des conditions expérimentales équivalentes. En comparaison avec la figure 12.a et 12.b, on peut observer que la morphologie de ces films est beaucoup moins sensible aux conditions initiales que les films de MWCNT continus à cause de la surface de contact limitée.

Figure 12 : (a) A gauche et au milieu : films obtenus à partir de solutions à une concentration comprise

entre 0,01 et 0,05 wt%. A droite : film obtenu à partir d’une solution de concentration supérieure à 0,1 wt%. (b) 3 films continus réalisés à partir de mêmes conditions initiales et une concentration comprise entre 0,005 et 0,01 wt%. (c) films dendritiques obtenus dans les mêmes conditions expérimentales avec des solutions de concentration inférieure à 0,005 wt%

En conclusion, nous avons étudié plusieurs procédés de fabrication de film fin adapté depuis la littérature aux propriétés des nanotubes utilisés (nanotubes de carbone multi-parois oxydés). Les procédés de fabrication étudiés sont simples et ne nécessitent pas d’équipement spécifique pour une fabrication à l’échelle du laboratoire. La différence principale entre les films synthétisés à l’interface entre deux liquides et les films synthétisés à l’interface air-liquide vient du fait qu’il est nécessaire de tenir compte des interactions entre les divers liquides en présence et le substrat sur lequel le film doit être déposé dans le premier cas. L’immersion des échantillons dans la phase inférieure afin de procédé au transfert du film lors du passage du substrat à travers l’interface présente une alternative intéressante. Elle nécessite cependant la fabrication d’une nacelle ou d’un système permettant l’insertion et le retrait facile de l’échantillon de manière répétable. De plus, dans le cas de la synthèse entre deux liquides, le substrat étant alors immergé directement dans la dispersion de nanotubes, on peut avoir formation graduelle d’un film à la surface de l’échantillon selon le temps passé dans la dispersion et une altération des propriétés de surface du polymère par le solvant. En conséquence, les films de nanotubes fabriqués dans le but d’une intégration dans un composites sont transférés par contact horizontal depuis la phase gazeuse (atmosphère ambiante). Le film de PEEK est contacté à l’aide d’une bande adhésive collé sur sa face arrière et est approché de la surface du système à faible vitesse (de l’ordre du millimètre par seconde) en essayant de maintenir une orientation parallèle entre le film et la surface du liquide. On peut remarquer que la différence de tension de surface entre le substrat et les différents liquides en présence peut être exploitée en utilisant des substrats fonctionnalisés avec des groupes hydrophiles afin de contrôler la forme du film transféré.

Une fois les films transférés sur substrat, ceux-ci sont traités afin de supprimer le maximum de solvant et d’humidité de leur surface. Pour les échantillons transférés sur PEEK, le solvant est évaporé à température ambiante sous vide afin de minimiser son impact sur la surface du composite. Pour les

échantillons transférés sur lame de verre, les échantillons sont chauffés dans un four à 70 °C ou sur une plaque chauffante à la même température durant une heure. A noter que pour les films transférés sur PEEK, les échantillons sont soumis à une seconde phase de dégazage lors de la mise sous vide du four avant le recuit des échantillons. On peut aussi réaliser des films d’opacité plus élevée en empilant successivement plusieurs couches fines de NTC, ce qui permet d’obtenir des couches épaisses possédant un coefficient de transmission moyen inférieur à T~0,4 par cette méthode. Les interactions entre couches lors des transferts successifs peuvent cependant empêcher l’adsorption de certaines zones du film de nanotubes nouvellement déposé à la surface, l’opacité de la couche fabriquée n’est alors pas constante en fonction de la position.

Nous avons démontré ici un procédé de synthèse de couches fines de nanotubes simple à mettre en œuvre, potentiellement adaptable à plusieurs couples de solvant selon les propriétés des tubes que l’on souhaite utiliser et permettant d’obtenir des couches d’opacité variable. De plus, la phase aqueuse permet la diffusion d’une partie des impuretés dans le volume, ce qui peut contribuer, dans une certaine proportion, à une augmentation des surfaces de contact entre les tubes et avec le milieu extérieur. Ce phénomène peut être bénéfique pour la fabrication de matériaux composites où l’on cherche à améliorer la surface d’interaction entre les NTC et le milieu extérieur.

Seules les tendances générales sont présentées. Cependant, comme le montre la figure 12, il est possible de contrôler la continuité du film sur des surfaces de quelques cm², son opacité et la distribution de taille des agglomérats, ce qui est suffisant si l’on s’intéresse aux propriétés macroscopiques du film.

L’utilisation d’une seringue à débit contrôlée, devrait permettre d’obtenir une meilleure répétabilité du procédé et devrait permettre de mieux comprendre comment sont reliés les paramètres initiaux à la morphologie finale du film fabriqué. Il devrait aussi être possible de contrôler la variation d’épaisseur du film en contrôlant le débit et la concentration en temps réel.