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Partie 1 : État des connaissances

V. Dépolluer les sols : notion de bioremédiation

2. Optimisation de la phytoremédiation

Plusieurs pistes sont à explorer pour améliorer la phytoremédiation et surtout la phytoextraction (Lasat, 2002).

- L’utilisation d’agents solubilisants ou chélatants : Déjà expérimentée de nombreuses fois, l’addition de produits chélatants (EDTA par exemple) dans le sol pour augmenter la disponibilité des métaux permet d’induire une plus forte accumulation de ces polluants dans les plantes (Leštan et al., 2008). Mais la forte mobilisation des métaux provoquée par l’amendement entraîne des risques de lixiviation vers les eaux souterraines et peut provoquer des signes de phytotoxicité chez les plantes cultivées ou inhiber le développement microbien

(Grěman et al., 2001 ; Neugschwandtner et al., 2008). De plus, l’EDTA est un composé peu

dégradable qui peut poser des risques environnementaux, le développement d’agents chélatants biodégradables aussi efficace que l’EDTA est donc nécessaire (Leštan et al., 2008).

- La transgénèse : Un autre axe de recherche exploré pour améliorer les performances des plantes en phytoremédiation, est celui de la génétique. Il a en effet été proposé de modifier génétiquement des plantes à forte biomasse pour accroître leur tolérance aux métaux (Krämer et Chardonnens, 2001), grâce à des gènes impliqués dans les mécanismes de l’hyperaccumulation, ou alors de modifier des plantes hyperaccumulatrices pour accroître leur biomasse. Les mécanismes de tolérance aux métaux sont beaucoup étudiés et de mieux en mieux compris, ainsi la surexpression de gènes codant pour des enzymes impliquées dans ces mécanismes (synthèse de glutathions et de phytochélatines par exemple) semble être l’approche génétique la plus prometteuse (Yang et al., 2005 ; LeDuc et Terry, 2005). Néanmoins, la création d’organismes génétiquement modifiés pose des problèmes éthiques et de nombreuses précautions devront être prises dans le cas où l’usage in situ de plantes transgéniques serait accepté par l’opinion publique.

- L’inoculation de microorganismes sélectionnés : Enfin, une troisième approche permettant d’améliorer le rendement des plantes en phytoextraction est leur association avec des microorganismes sélectionnés (bactéries ou mycorhizes) qui peuvent influencer la mobilité des métaux et le prélèvement par le système racinaire (Lasat, 2002). En effet, l’influence des bactéries sur la spéciation des métaux du sol ainsi que les capacités d’exploration et de transport des champignons mycorhiziens sont des phénomènes rhizosphériques qui modifient le prélèvement par la plante et qui méritent d’être exploités de manière plus approfondie dans le cadre de la phytoremédiation.

L’idée d’utiliser des champignons MA pour améliorer la phytoremédiation a été proposée depuis plusieurs années (Leyval et al., 1997 ; Khan et al., 2000 ; Göhre et Paszkowski, 2006), étant donné le caractère ubiquitaire de ces champignons, leur rôle central dans les interactions sol-microorganismes-plantes et leur effet protecteur pour la plante (voir paragraphe IV.3.b.). Pourtant, le nombre d’études portant sur l’emploi des champignons MA en phytoremédiation est faible car, dans ce domaine, l’attention s’est plus fréquemment focalisée sur les plantes hyperaccumulatrices dont les espèces (Brassicaceae et Caryophyllaceae) forment rarement des mycorhizes. Or, la « mycorhizoremédiation », l’utilisation des mycorhizes en phytoremédiation comme agents biofertilisant, biostimulant et bioprotecteurs, mérite une plus grand attention (Khan, 2006). Un bon développement de la biomasse végétale étant un pré-requis indispensable en phytoremédiation, les champignons MA représentent un outil prometteur car ils sont connus pour améliorer la nutrition des plantes et leur croissance en conditions de stress biotique et abiotique (Leyval, 2005). De plus, le mycélium fongique est

capable de transporter différents polluants jusqu’aux racines et de les immobiliser dans la rhizosphère (Joner et Leyval, 1997), ce qui est intéressant en phytostabilisation. L’augmentation du volume de sol exploré par les racines mycorhizées comparé aux racines non mycorhizées permettrait ainsi de « nettoyer » un plus grand volume de sol contaminé, même si cela concerne seulement les horizons de surface, colonisés par les plantes. Toutefois, une quantification de la contribution des champignons mycorhiziens au transfert des polluants, en particulier des métaux, à la plante est nécessaire pour effectuer des bilans sur les quantités d’éléments extraites, mais peu d’études ont abordé cet aspect. Les souches de champignons MA indigènes isolés de sites pollués et ainsi adaptés au stress semblent avoir le meilleur potentiel pour améliorer la phytoremédiation (Gaur et Adholeya, 2004). Mais il faut encore tester une large variété d’isolats fongiques et les comparer entre eux pour sélectionner les champignons les plus efficaces. Wang et al. (2005) ont par ailleurs montré que l’inoculation de Elsholtzia splendens par un consortium de champignons MA isolé d’une ancienne mine de cuivre améliore la phytoextraction de Cu, Zn, Pb et Cd.

De plus, la coinoculation de plantes avec des champignons MA et des rhizobactéries nodulantes (PGPR) donne de bons résultats pour améliorer la croissance des plantes sur des sols pollués (Khan, 2005). Ainsi, l’association Glomus macrocarpum – Bradyrhizobium permet d’augmenter la biomasse du soja en présence de plomb (Andrade et al., 2004), de même, l’interaction Glomus mosseae – Brevibacillus brevis améliore la tolérance du trèfle au cadmium (Vivas et al., 2005).

Enfin, l’utilisation de plantes à très forte biomasse telles que des arbres permettrait d’améliorer l’efficacité de la phytoremédiation. Des études sur le peuplier, pré-inoculés avec des champignons MA, ont ainsi donné des résultats prometteurs pour la phytostabilisation du cuivre (Todeschini et al., 2007) ou pour la phytoextraction du zinc (Lingua et al., 2008), même si une optimisation, avec la sélection de cultivars de peupliers appropriés et de l’inoculum mycorhizien adéquate, est nécessaire.

Objectifs de l’étude

Les champignons mycorhiziens à arbuscules (MA) colonisent la majorité des plantes herbacées et, en tant que lien direct entre la matrice du sol et les racines, ils tiennent un rôle prépondérant dans le transfert des éléments aux plantes. Ces champignons symbiotiques sont des acteurs majeurs de la rhizosphère, ils modifient le prélèvement par la plante des éléments essentiels mais aussi non-essentiels tels que les éléments traces métalliques (ETM). Parmi ces éléments, le cadmium (Cd) est particulièrement toxique et mobile, son transfert aux plantes doit donc être étroitement surveillé. La croissance de plantes sur des sols contaminés en Cd, la mesure du Cd prélevé par les plantes et l’influence des champignons MA sur ce prélèvement ont déjà fait l’objet de nombreuses études. Néanmoins, même si des effets bioprotecteurs et biofertilisant des champignons MA ont été régulièrement rapportés, l’intensité de ces effets mycorhiziens est variable selon les conditions et les propriétés du milieu contaminé, la plante hôte et l’inoculum mycorhizien étudiés. De plus, la quantification du Cd transféré à la plante mycorhizée par rapport à une plante non mycorhizée et l’évaluation de la contribution des champignons MA à la quantité de Cd extraite du sol par les plantes sont nécessaires et les mécanismes impliqués dans ce transfert ont encore besoin d’être éclaircis.

Les objectifs de ces travaux de thèse ont été, dans un premier temps, de quantifier la contribution d’un champignon MA (Glomus intraradices) isolé d’un sol contaminé au transfert de Cd à la légumineuse modèle Medicago truncatula dans des cultures en pot. Il s’agissait d’évaluer la variabilité de l’influence de ce champignon sur le transfert sol-plante de Cd dans différentes conditions édaphiques, notamment en prenant en compte la biodisponibilité de Cd. Les résultats publiés dans la littérature montrent des différences dans l’effet sur la croissance des plantes et sur l’absorption des métaux par la plante en fonction des champignons utilisés, et il a été suggéré que les champignons isolés de sols pollués et/ou tolérants aux métaux seraient plus efficaces. Dans une deuxième expérience, nous avons ainsi comparé cette souche de G. intraradices à d’autres isolats de champignons MA provenant ou non de sols contaminés en métaux.

Dans la suite de ce travail, l’objectif a été d’affiner un peu plus le rôle du champignon MA en déterminant la capacité de prélèvement de Cd du mycélium fongique. Pour cela, deux types de dispositifs à compartiment ont alors été développés et employés, avec l’utilisation de

sorption de Cd et de mesurer la capacité de sorption de Cd par des plantes mycorhizées et non mycorhizées, en séparant les hyphes fongiques des racines. Le deuxième type de dispositif a été utilisé pour déterminer l’accessibilité de différents pools de Cd au mycélium extraracinaire.

L’ensemble des expériences réalisées visaient à déterminer les effets que peuvent avoir les champignons MA sur le transfert et l’accumulation de Cd dans les différents compartiments du système sol-plante-champignon et à quels niveaux ces champignons agissent, comme schématisé dans la figure 11. Le champignon peut potentiellement transporter lui-même le Cd à partir de la solution de sol, influencer le prélèvement racinaire, la translocation vers les parties aériennes et/ou modifier la liaison du Cd sur la matrice solide du sol.

Figure 11 : Schéma illustrant l’influence possible (flèches rouges) d’un champignon mycorhizien à arbuscule (MA) sur le transfert (flèches noires) et le bilan de cadmium (Cd) dans un système sol-plante-champignon.

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