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5 Analyse risque-bénéfice dans la chaîne de fabrication des haricots verts appertisés

5.4 Optimisation du compromis risque-bénéfice

5.4.1

Choix des facteurs modifiables

L’optimisation du compromis risque/bénéfice va être facilitée par la relative indépendance des teneurs en vitamine C et en G. stearothermophilus, puisque la modification d’un facteur (dans les plages de valeurs étudiées dans le modèle) dans le but d’augmenter le bénéfice ne modifiera globalement pas ou peu le risque, et inversement.

Les facteurs modifiables susceptibles de constituer des leviers d’actions sont les facteurs variables, puisque dans la réalité les facteurs seulement incertains ne peuvent pas être modifiés (leur incertitude peut seulement être réduite). De plus, les facteurs modifiables ne peuvent pas être des paramètres chimiques ou microbiologiques caractérisant la vitamine C ou G. stearothermophilus, comme les résistances thermiques ou l’énergie d’activation. Les facteurs modifiables sont donc à rechercher parmi les durées, températures ou caractéristiques physiques et environnementales des procédés (volume de l’espace de tête et pH du produit), et certaines sources de contaminations bactériennes. La contamination bactérienne de haricots verts frais semble difficilement modifiable, mais il est éventuellement possible d’agir sur certaines sources de contamination croisée. Les différentes modifications doivent néanmoins être techniquement réalisables par l’industriel, et doivent permettre de garantir la bonne qualité du produit fabriqué (sécurité alimentaire, cuisson, saveur, etc.).

L’industriel a été interrogé sur la faisabilité de modifier certains paramètres. Les paramètres qui pourraient éventuellement être modifiés sont :

- La durée d'attente des légumes avant passage sur la chaîne (twait). Elle pourrait

éventuellement être réduite en travaillant en flux tendu plutôt qu'en stockant les légumes tout juste récoltés.

- La valeur stérilisatrice (F0). Elle pourrait être augmentée ou faiblement réduite (valeurs déjà

basses).

- La contamination de l’eau de blanchiment, qui pourrait être réduite par exemple par un renouvellement plus fréquent de l’eau.

- La contamination des éventuels débris, qui pourrait être réduite par augmentation des actions de nettoyage.

- Le pH du produit. L’abaissement du pH par ajout d’acides organiques ou l’utilisation de microorganismes de fermentation est parfois utilisé pour assurer la conservation.

Par contre, il semble plus difficile pour l’industriel d’envisager une modification des durées et températures de blanchiment (il est nécessaire que le haricot vert soit attendri par une cuisson légère pour être mis en boîte), des durées et températures de transfert, des durées et températures de l’entreposage, de la contamination du jus ou de la quantité d’air dans l’espace de tête (déjà optimisée).

5.4.2

Tests de scénarios et dépassements de seuils

De nouveaux scénarios ont été testés sur le modèle global risque-bénéfice, afin de rechercher des mesures possibles d’optimisation du compromis risque-bénéfice. A chaque fois 1,5 millions de boîtes de haricots verts appertisés (Nu = 1000, Nv = 1500) ont été simulées. Les scénarios

testés portent sur une variation de la valeur stérilisatrice, une absence de contamination de l’eau de blanchiment, la réduction des durées d'attente ou de blanchiment, la baisse du pH à la stérilisation et du produit fini, et sur des mesures combinant des modifications de plusieurs de ces facteurs en même temps (Tableau 5.1).

L’étude simultanée du risque et du bénéfice a été faite au moyen des probabilités de dépassement de seuils (Van der Voet et al., 2007). Pour chaque scénario, le risque a été mesuré par la probabilité que la concentration en G. stearothermophilus après incubation dépasse le seuil de non-stabilité Sr = 7 log10UFC/g (c’est-à-dire le taux de non-stabilité). Le bénéfice a été mesuré par la

concentration moyenne en vitamine C après entreposage des boîtes, et par la probabilité que la concentration en vitamine C juste après stérilisation dépasse le seuil d’allégation nutritionnelle de la vitamine C, Sb = 12 mg/100g. La concentration en vitamine C immédiatement après la stérilisation a

été choisie comme critère car la concentration en vitamine C après l’entreposage des boîtes était systématiquement sous le seuil d’allégation nutritionnelle (pour tous les scénarios), ce qui limitait l’intérêt de l’étudier. Enfin, une mesure conjointe du risque et du bénéfice est donnée par la probabilité que simultanément dans une boîte de conserve, la concentration en vitamine C dépasse le seuil d’allégation nutritionnelle Sb et que la concentration en G. stearothermophilus après

incubation soit sous le seuil de non-stabilité Sr c’est-à-dire que la conserve soit stable à 55°C.

Avec le modèle de référence, la probabilité que la concentration en vitamine C après stérilisation dépasse le seuil est de 3.2% seulement en moyenne (intervalle d’incertitude à 95% assez large de [0.1% ; 13.2%]), le taux de non-stabilité est de 0.5% en moyenne (intervalle d’incertitude à 95% de [0.1% ; 1.3%]), et la probabilité jointe d’avoir un bénéfice supérieur au seuil d’allégation nutritionnelle dans des boîtes stables est de 3.2% en moyenne (intervalle d’incertitude à 95% de [0.1% ; 13.1%]). L’augmentation de la valeur stérilisatrice F0 diminue le risque de non-stabilité et une

forte réduction de F0 augmente sévèrement le risque de non-stabilité, par contre l’effet de la

variation de F0 a très peu d’impact sur le bénéfice ; le meilleur compromis risque-bénéfice est donc

obtenu pour F0 = 40 min avec une probabilité jointe de 3.6% (scénarios 1 à 3). La diminution de la

contamination de l’eau de blanchiment réduit le risque de non-stabilité (0.2% versus 0.5% en moyenne) et n’a pas d’impact sur le bénéfice, d’où une probabilité jointe de 3.7% (scénario 4). Une forte diminution du temps d’attente des légumes se traduit sous la forme d’une augmentation du bénéfice (probabilité de dépassement allant jusqu’à 7.1%) et n’a pas d’impact sur le risque (scénarios 5 et 6), d’où un compromis risque-bénéfice plus élevé (probabilité jointe jusqu’à 7.1%). La réduction de la durée du blanchiment à 2 min augmente fortement le bénéfice (probabilité moyenne de 21.2%) et n’impacte pas le risque, d’où une forte probabilité jointe de 21.1% (scénario 7). L’effet d’une baisse du pH à la stérilisation et dans le produit fini entraîne une forte diminution du risque et n’affecte pas le bénéfice (scénario 8). À partir de ces informations, des modifications simultanées de plusieurs paramètres ont été envisagées. Ainsi les scénarios 9 à 11 permettent d’atteindre des probabilités de dépasser le seuil d’allégation nutritionnelle après stérilisation dans des boîtes stables allant de 21.3% à 34.3%. Les meilleurs compromis risque-bénéfice sont ainsi obtenus avec une

réduction des durées d’attente et de blanchiment, et soit une augmentation de la valeur stérilisatrice

F0 associée à une baisse de la contamination de l’eau du blancheur, soit une baisse du pH à la

stérilisation et dans le produit fini.

Tableau 5.1. Scénarios et mesures du risque et du bénéfice correspondant. De gauche à droite les mesures sont la concentration moyenne en vitamine C dans les haricots verts après entreposage, la probabilité que la concentration en vitamine C dans les haricots verts après stérilisation dépasse le seuil d’allégation nutritionnelle Sb = 12 mg/100g, la probabilité que la concentration en

G. stearothermophilus après incubation dépasse le seuil Sr = 7 log10UFC/g (= taux de non-stabilité), et

la probabilité d’être simultanément sous le seuil de risque et au dessus du seuil de bénéfice. Les intervalles représentent l’incertitude sur l’estimation.

Scénario moyen (mg/100g) (%) (%) % 0 Modèle de référence 2.3 [1.2; 3.2] 3.2 [0.1; 13.2] 0.5 [0.1; 1.3] 3.2 [0.1; 13.1] 1 F0 = 40 min 2.3 [1.3; 3.2] 3.6 [0.1; 13.0] 0.1 [0.0; 0.5] 3.6 [0.1; 13.0] 2 F0 = 20 min 2.3 [1.2; 3.2] 3.5 [0.1; 13.3] 2.0 [0.8; 4.2] 3.5 [0.1; 13.1] 3 F0 = 10 min 2.3 [1.3; 3.2] 3.3 [0.1; 12.8] 13.4 [7.7; 19.6] 2.9 [0.1; 11.2] 4 NBLANcc= 0 CFU/g 2.3 [1.2; 3.2] 3.7 [0.1; 13.5] 0.2 [0.0; 0.8] 3.7 [0.1; 13.5] 5 twait = 140 min 2.8 [1.7; 3.8] 6.3 [0.3; 19.0] 0.5 [0.1; 1.3] 6.3 [0.3; 18.9] 6 twait = 45 min 2.9 [1.8; 3.8] 7.1 [0.3; 20.6] 0.5 [0.1; 1.3] 7.1 [0.3; 20.3] 7 tblan = 2 min 3.6 [2.3; 4.7] 21.2 [3.4; 38.9] 0.5 [0.1; 1.3] 21.1 [3.4; 38.7] 8 pHsteri= 5.45 et pHFP= 5.15 2.3 [1.2; 3.1] 3.6 [0.1; 12.5] 0.1 [0.0; 0.7] 3.6 [0.1; 12.5] 9 F0 = 40 min et tblan = 2 min 3.5 [2.3; 4.6] 21.4 [4.2; 37.4] 0.1 [0.0; 0.5] 21.3 [4.2; 37.3] 10 F0 = 40 min et tblan = 2 min et twait = 45 min et NBLANcc= 0 CFU/g 4.4 [3.1; 5.5] 34.4 [10.1; 51.9] 0.1 [0.0; 0.3] 34.3 [10.1; 51.8] 11 pHsteri= 5.45 et pHFP= 5.15 et tblan = 2 min et twait = 45 min 4.4 [3.0; 5.6] 33.5 [7.8; 52.5] 0.1 [0.0; 0.7] 33.5 [7.8; 52.5]

]

[

Pr

r INCUB Gbs

S

C

)]

(C

VitCSTERI

S

b

et

)

[(

Pr

C

GbsINCUB

<

S

r STOCK VitC

C

Pr[ C

VitCSTERI

S

b

]

5.5

Conclusion

Cette analyse risque-bénéfice propose des solutions d’optimisation du compromis risque- bénéfice dans les haricots verts appertisés. Un résultat est que dans le modèle global, il n’y a pas de facteur influençant significativement à la fois le risque et le bénéfice (dans la plage de variation étudiée des facteurs). Des mesures peuvent donc être prises pour diminuer le risque (exemple : augmenter la valeur stérilisatrice ou diminuer le pH du produit) et d’autres mesures peuvent être prises pour augmenter le bénéfice (exemple : réduire les durées d’attente ou de blanchiment). En combinant plusieurs mesures pertinentes, la probabilité d’avoir simultanément une concentration en vitamine C dans les haricots verts après stérilisation supérieure au seuil d’allégation nutritionnelle de la vitamine C (12 mg/100g) et une concentration en G. stearothermophilus après incubation sous le seuil de non-stabilité passe de 3.2% à 35.6% en moyenne (voir partie 5.4.2).

Des pistes d’optimisation sont donc possibles. Il serait néanmoins préférable de travailler avec des modèles complètement validés, car les résultats de l’analyse risque-bénéfice dépendent étroitement de la qualité des modèles. Il serait aussi intéressant de rajouter à cette analyse risque- bénéfice une étude plus approfondie de la faisabilité et du coût industriel de telles mesures. Des ratios coût-utilité sont par exemple déterminés pour différentes interventions de réduction du risque dans Havelaar et al. (2007). Leur construction demande toutefois une très grande quantité d’information, difficilement disponible.

Chapitre 6

Confrontation d’un modèle d’analyse du

risque microbiologique à des données de

contamination dans des produits finis

6 Confrontation d’un modèle d’analyse du risque microbiologique dû à la bactérie Bacillus cereus dans une purée de courgettes à des données de contamination dans des produits finis

Ce chapitre présente un travail d’inférence bayésienne réalisée sur un modèle global d’évaluation du risque dû à Bacillus cereus dans une chaîne de production de purée de courgettes, afin d’améliorer les estimations des paramètres de ce modèle à partir de données de contamination sur produits finis. Ce travail a fait l’objet d’un article reproduit dans la partie 6.2, accepté en août 2012 dans la revue Risk Analysis.