• Aucun résultat trouvé

Optimisation des caractères

Sur les 35 caractères utilisé dans l’analyse phylogénétique, 7 ont des transformations ambiguës, c’est-à-dire que leurs changements d’état de caractère peuvent être placé à divers endroits de l’arbre sans que cela n’en change le nombre de pas total. Ces caractères ont nécessité une optimisation qui a été réalisée sur l’arbre de consensus strict.

Le caractère 3 (les jonctions du sillon cervical) a des transformations ambigües au niveau du nœud 15 et de ses taxa terminaux. Dans le cadre de l’hypothèse DELTRAN, ce caractère passe de l’état 1 (sillon cervical joint au sillon antennaire et pas à la marge dorsale) à l’état 0 (sillon cervical joint à la marge dorsale et pas au sillon antennaire) chez E. pictus. Dans le cadre de l’hypothèse ACCTRAN, ce caractère passe de l’état 1 à l’état 0 au nœud 15. L’état 0 ne se retrouvant que chez E. pictus, l’optimisation DELTRAN est retenue pour ce caractère.

Le caractère 4 (les caractéristiques du sillon gastro-orbitaire) a des transformations ambiguës à plusieurs nœuds de l’arbre. L’hypothèse DELTRAN implique que la modification de ce caractère soit une convergence entre Hoploparia, Clytiopsis et Lissocardia. L’hypothèse ACCTRAN implique que ce caractère soit une convergence entre certains Nephropidae (nœud 13) et les Glypheidea (nœud 17). L’option ACCTRAN a été sélectionnée ici afin de limiter le nombre de convergences qui conduisent à un nombre plus élevé de transformations identiques chez plusieurs taxa.

Le caractère 10 (la connexion de l’extrémité ventrale du sillon postcervical) a des transformations ambiguës dans le clade Chimaerastacus + Clytiopsis + Lissocardia + Glypheidea. Dans le cadre de l’option DELTRAN, il peut être optimisé au nœud 17 en tant que synapomorphie des Glypheidea + Lissocardia avec une transformation allant de l’état 1 (sillons postcervical et branchio-cardiaque joints ventralement) à l’état 2 (sillon postcervical interrompu dans la région hépatique) chez Clytiopsis. Dans le cadre de l’option ACCTRAN, il peut être optimisé au nœud 16 en tant que synapomorphie de Glypheidea + Chimaerastacus avec une convergence entre Chimaerastacus et Clytiopsis qui consiste en une transformation allant de l’état 1 (sillons postcervical et branchio-cardiaque joints ventralement) à l’état 2 (sillon postcervical interrompu dans la région hépatique). L’option DELTRAN est ici sélectionnée et le caractère 101 est considéré comme une synapomorphie du clade Clytiopsis + Lissocardia + Glypheidea car tous les taxa de ce clade, à l’exception de Clytiopsis, partagent ce caractère.

Le caractère 13 (l’extrémité ventrale du sillon branchio-cardiaque) a des transformations ambigües au niveau du nœud 15 et de ses taxa terminaux. Selon l’option ACCTRAN, ce caractère passe de l’état 1 (sillon branchio-cardiaque joint au sillon postcervical) à l’état 0 (sillon branchio-cardiaque interrompu dans la région branchiale) au nœud 15, puis passe de l’état 0 à l’état 3 (sillon branchio-cardiaque joint au sillon cervical) chez A. astacus. Selon l’option DELTRAN, ce caractère passe de l’état 0 (sillon branchio-cardiaque interrompu dans la région branchiale) à l’état 3 (sillon branchio-cardiaque joint au sillon cervical) chez A. astacus et passe de l’état 1 (sillon branchio-cardiaque joint au sillon postcervical) à l’état 0 chez E. pictus. Les taxa terminaux n’étant pas affiliés aux mêmes familles, l’option DELTRAN est ici sélectionnée car elle replace les caractéristiques spécifiques au niveau des taxa terminaux. Le caractère 14 (présence/absence du sillon cardiaque) a des transformations ambiguës dans le clade Clytiopsis + Lissocardia + Glypheidea. L’option DELTRAN implique une optimisation au nœud 17 en tant que synapomorphie des Glypheidea accompagnée d’une convergence avec Clytiopsis. L’option ACCTRAN implique une optimisation au même nœud

32

en tant que synapomorphie du clade Clytiopsis + Glypheidea accompagnée d’une réversion chez Lissocardia. Dans ce cas c’est l’option ACCTRAN qui est choisie et le caractère 141 est retenu comme synapomorphie du clade Clytiopsis + Lissocardia + Glypheidea car tous les taxa de ce clade ont un sillon cardiaque à l’exception de Lissocardia.

Le caractère 26 (présence/absence d’une épine antennaire) est ambigu dans ses transformations. Dans le cas d’une optimisation DELTRAN, ce caractère passe de l’état 0 (épine antennaire absente) à l’état 1 (épine antennaire présente) au niveau de P. sueurii. Dans le cas d’une optimisation ACCTRAN, ce caractère passe de l’état 0 à l’état 1 au niveau du nœud 19. Dans ce cas, l’option ACCTRAN est sélectionnée et la présence d’une épine antennaire est considérée comme une synapomorphie du clade des Pemphicidae.

Le caractère 30 (la forme des pleurites) est ambigu dans ses transformations au niveau du clade des Glypheoidea. L’optimisation DELTRAN implique une transformation de l’état 1 (pleurites triangulaires) vers l’état 0 (pleurites arrondis) de ce caractère au nœud 21. L’optimisation ACCTRAN implique une transformation de l’état 1 vers l’état 0 de ce caractère au nœud 20. Sur le spécimen de Litogaster codé ici le pléon est absent. En revanche, les autres espèces de Litogaster dont le pléon est connu ont toutes des pleurites triangulaires. Il est donc probable que L. obtusa ait présenté des pleurites triangulaires lui aussi. L’option DELTRAN est donc ici retenue et la présence de pleurites arrondis est considérée comme une synapomorphie du clade des Glypheidae.

Il est intéressant de noter qu’aucune optimisation de caractères n’a été nécessaire dans la partie de l’arbre regroupant les érymides (nœud 2).

33

3. PHYLOGÉNIE DES ÉRYMIDES

Longtemps considéré comme proche des homards et des écrevisses « classiques » (ex. : Homarus Weber, 1795, Nephrops Leach, 1814, Astacus J. C. Fabricius, 1775 ; Van Straelen 1925 ; Rathbun 1926a, b ; Förster 1966 ; Glaessner 1969) les érymides ont été intégré avec eux au sein des Astacidea lorsque Glaessner (1969) a établi la classification des décapodes encore en usage à l’heure actuelle. Les érymides ont été déplacé vers les Glypheidea à la suite des travaux d’Ahyong (2006), de De Grave et al. (2009) et de Karasawa et al. (2013). La remise en question de la position systématique des érymides résultant de la phylogénie des glyphées de Charbonnier et al. (2015) a démontré le besoin d’une étude centrée sur les érymides, à même de clarifier leurs affinités phylogénétiques.

L’analyse phylogénétique réalisée dans le cadre du présent travail, dont l’arbre de consensus strict est présenté dans la Figure 22, est en accord avec les principaux résultats de Charbonnier et al. (2015). Dans les deux études, les topologies des Glypheidea sont très proches et l’on y retrouve les Pemphicidae (nœud 19) en tant que groupe frère des Glypheoidea (nœud 20). Cependant, la position de Clytiopsis et Lissocardia comme groupes frères des Glypheidea (nœud 17) ne se retrouve pas dans les travaux de Charbonnier et al. (2015) dont les résultats indiquaient que ces taxa sont externes au clade Chimaerastacus + Glypheidea (nœud 16). Quoi qu’il en soit, la position de Clytiopsis, Lissocardia et des Pemphicidae démontre qu’ils ne sont pas apparentés aux érymides comme l’avaient supposé Van Straelen (1928), Förster (1966), Feldmann & Titus (2006), De Grave et al. (2009), Schweitzer et al. (2010) ou les analyses phylogénétiques d’Amati et al. (2004) et de Karasawa et al. (2013).

Tous les représentants des érymides sont connectés au nœud 1 avec les Astacidea sur la base de la présence d’une épine antennaire. Cette topologie supporte l’intégration des érymides à l’infra-ordre Astacidea, comme le suggéraient la majorité des auteurs du XXe siècle. Ces résultats montrent aussi qu’au sein de cet infra-ordre, les érymides constituent un clade, les Erymoidea (nœud 2), clairement distinct de celui des Astacoidea, des Enoplometopoidea ou des Nephropoidea (nœuds 11 à 15). Ce clade est partiellement soutenu par la présence d’une plaque intercalaire. La présence de cette plaque intercalaire chez Enoplometopus n’aboutit pas à un regroupement avec les Erymoidea comme ce fut le cas dans l’analyse de Schram & Dixon (2004). De plus, si les plaques intercalaires des Erymoidea et d’Enoplometopus peuvent être considérées comme homologues, leurs caractéristiques diffèrent. Effectivement, celle d’Enoplometopus est très large et allongée et n’est pas délimitée postérieurement, contrairement à ce que l’on observe chez les Erymoidea. L’absence de délimitation postérieure de la plaque intercalaire d’Enoplometopus est probablement liée à l’absence de suture dorsale chez cet animal. Il apparaît donc judicieux d’intégrer une description des caractéristiques de la plaque intercalaire aux diagnoses des Erymoidea et des Enoplometopoidea.

La prise en compte de la présence ou non d’une zone post-orbitaire dans les données morphologiques abouti à l’émergence de deux clades distincts au sein des Erymoidea. Le premier inclut les taxa n’ayant pas de zone post-orbitaire et le second inclut ceux qui en sont pourvu. Ce résultat souligne l’importance de la zone post-orbitaire dans l’histoire évolutive des Erymoidea et supporte une restructuration importante de la systématique du groupe. En effet, jusqu’à présent cette superfamille n’incluait qu’une famille : les Erymidae. Or, les résultats de cette nouvelle analyse phylogénétique soutiennent la distinction de deux familles : les

34

Enoploclytidae n. fam., dépourvu de zone post-orbitaire (nœud 8), et les Erymidae, avec une zone post-orbitaire (nœud 3). Ce nouveau découpage implique une définition des Erymidae plus restrictive que ce qui prévalait jusqu’à présent, puisqu’ils ne comportent plus les genres Enoploclytia et Pustulina. De plus, la topologie de l’arbre au sein de cette famille place Tethysastacus comme groupe frère d’un clade incluant Eryma, Palaeastacus et Stenodactylina (nœud 4). Cette topologie ainsi que l’architecture des sillons de la carapace de Tethysastacus, nettement plus simple que celle des trois autres genres, soutient la distinction de sous-familles : les Eryminae, avec Eryma, Palaeastacus et Stenodactylina, et les Tethysastacinae n. s.-fam., n’incluant que Tethysastacus pour le moment.

En observant l’arbre de consensus strict on constate que, contrairement aux autres genres d’Erymoidea, Stenodactylina ressort paraphylétique. Cela est peut-être dû à l’incomplétude des espèces codée. En effet, on ne connaît que la carapace et les pinces des P1 de S. lagardettei (Hyžný et al., 2015) et uniquement la carapace et le pléon de S. granulifera (Secrétan, 1964). Le nombre trop restreint d’espèces codées peut aussi avoir un rôle dans cette paraphylie. Néanmoins, ces espèces sont parmi les plus complètes connues à ce jour pour le genre. La plupart des autres espèces ne sont connues que par des carapaces ou des pinces P1 isolées.

Pour terminer, les relations au sein du clade regroupant les Nephropoidea, les Astacoidea et les Enoplometopoidea ne sont pas en adéquation avec ce que l’on retrouve dans les précédents travaux, qu’ils soient fondés sur des caractères morphologiques ou moléculaires (Tshudy & Babcock 1997 ; Schram 2001 ; Amati et al. 2004 ; Ahyong & O’Meally 2004 ; Porter et al. 2005 ; Karasawa et al. 2013 ; Bracken-Grissom et al. 2014). En effet, dans la présente analyse phylogénétique la famille des Nephropidae se retrouve paraphylétique car elle inclut Homarus mais pas Astacus ni Enoplometopus. De plus, le genre fossile Hoploparia se trouve être le taxon le plus proche de Nephrops alors que ce dernier est généralement le groupe frère d’Homarus(Tshudy & Babcock 1997; Karasawa et al. 2013). Ces différences entre les résultats de la présente étude et ceux d’autres travaux peuvent être expliquées par le fait que les caractères morphologiques sélectionnés ici ainsi que leur codage sont plus adapté à l’exploration des relations phylogénétiques des érymides. Par conséquent les données morphologiques retenues sont sans doute moins adaptée aux autres groupes de homards. De plus, seul un petit nombre d’espèces d’astacides, d’enoplométopides et de néphropides ont été intégré à cette phylogénie. Ce fait peut expliquer un manque de résolution entre ces différents taxa.

35

Fig. 22 : Arbre de consensus strict avec les numéros des nœuds et la systématique proposée. Fig. 22: Strict consensus tree with indications of node numbers and proposed systematic.

37

4. VARIABILITÉ INTRASPÉCIFIQUE

Avant de s’intéresser à la systématique détaillée des érymides et de proposer des descriptions des différentes espèces, il convient de caractériser la variabilité intraspécifique pouvant être rencontrée chez ces organismes.

Documents relatifs