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Chapitre 1 – Ophiolite/Obduction : historique et problèmatique de la thèse

I.1 Concepts

1.1 Ophiolite

Le mot « ophiolite », du grecque ‘ophi’ (serpent), fut utilisé pour la première fois par le géologue français Alexandre Brongniart en 1813 (Brongniart, 1813) pour caractériser la texture et la minéralogie de roches majoritairement composées de serpentine. En 1821, une corrélation a été décrite entre ces serpentinites et d’autres roches telles que des gabbros, roches volcaniques et des chailles (roches siliceuses) (Brongniart, 1821). Remarquons toutefois que dans Brongniart (1827) le terme « ophiolite » est utilisé exclusivement pour désigner une minéralogie serpentineuse. Fouqué & Lévy (1879) introduisirent le terme dérivé « ophite » pour désigner les gabbros et basaltes associés.

Dans Suess (1909), l’auteur décrit la disposition de niveaux riches en serpentinites en nappes incorporées dans les chaînes de montagnes. C’est en 1926 que ce type d’association de roches ou « Alpine Type Peridotites », affleurant dans des chaînes de montagnes ont été désignées comme des ophiolites (Benson, 1926).

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Le sens moderne du terme « ophiolite » est en grand partie à attribuer à Gustav Steinmann. Steinmann (1905, 1927) décrivit les relations existant sur le terrain entre des serpentinites, des gabbros, des basaltes et des radiolarites. Steinmann (1927) propose alors d'utiliser le terme ophiolite pour désigner cette association de roches. L’origine de l’ophiolite à de grands fonds océaniques est alors établie tout comme la relation pétrogénétique entre roches ultramafiques et mafiques. L'association de serpentinites, roches magmatiques, et radiolarites a conduit à l'expression « la trinité de Steinmann ».

Dès la fin des années 1950s, le développement des concepts aboutissant à la tectoniques des plaques a donné lieu à des études concernant l'origine des ophiolites (i.e. Oliver et al., 1969; Coleman, 1971; Dewey & Bird, 1971; Moores & Vigne, 1971). Les travaux menés par Hess (1955, 1962, 1965), Wilson (1959), Gass (1963), Ricou (1968), Vuagnat (1968), Moores (1969) et Thayer (1969) ont grandement participé à l’évolution du terme « ophiolite ». Les données géophysiques suggèrent que la stratification de la croûte océanique est semblable la succession de roche dans les complexes ophiolitiques (Salisbury & Christensen, 1978).

Deux grandes écoles de pensée sont alors apparues : (1) la première suivait les travaux de Steinmann (1927), Brunn (1959), et Aubouin (1965) tandis que (2) l'autre suivait Hess (1955) et Dietz (1963). Concernant les premiers (e.g. Aubouin, 1965) les ophiolites sont générées par la différenciation d’extrusions profondes gigantesques sur le fond marin. Les seconds (e.g., Hess, 1955) proposent que ophiolites représentent le fond de l'océan ; et sont mises en place lors d'une phase orogénique. Ce modèle sera également élaboré plus tard par Miyashiro (1973) sur la base d’analyses géochimiques. Les modèles de Hess et Dietz ont formé la base du modèle de la tectonique des plaques proposé par Le Pichon et al. (1976).

Wilson (1959) a été parmi les premiers à cartographier avec précision et à fournir d'excellentes illustrations des caractéristiques macroscopiques et microscopiques des ophiolites de Chypre. Les études suivantes (i.e. Gass, 1963; Moores & Vine, 1971; Miyashiro, 1973; Panayiotou, 1980; Robinson et al., 1987; Malpas et al., 1990) ont fait du complexe ophiolitique de Troodos l'une des ophiolites les plus connues du monde. Parmi les nombreuses découvertes effectuées à Chypre, figurait celle du complexe filonien, qui a eu un impact profond sur les modèles de chambre magmatique et a conduit à l’hypothèse que les ophiolites se forment au niveau d’une dorsale océanique.

En septembre 1972, lors de la conférence de Penrose, une première définition internationalement reconnue par les spécialistes de l’époque a été proposée pour les ophiolites (Penrose field conference, 1972). Les ophiolites ont été assimilées à des fragments de

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lithosphère océanique créée au niveau d’une dorsale médio-océanique. Un volume conséquent de données sismiques du fond de l'océan rendait tentant de faire la comparaison entre la série ophiolitique préservée observée sur le terrain, plus tard appelé « Penrose ophiolite », et la stratigraphie de la lithosphère océanique obtenue par les méthodes géophysiques.

Au cours des années, suivant l’élaboration de cette définition, de nombreuses études intégrant des outils de discrimination géochimique ont conduit à la reconnaissance d’une grande diversité d’ophiolites. Il devenait évident que des ophiolites pouvaient être générées dans une grande variété d’environnements géodynamiques, non seulement au niveau d’une dorsale médio-océanique, mais aussi dans un contexte d’arc insulaire (Miyashiro, 1973). Le lien entre les ophiolites et les zones de subduction fut discuté par Sun & Nesbitt (1978) afin d’expliquer l’origine des basaltes appauvris en Ti (boninites; Cameron et al., 1979). Cela a conduit à l'idée que certaines ophiolites pourraient avoir été formées dans des zones au-dessus des zones de subduction. Ceci déboucha sur le modèle de formation de croûte océanique en zone de supra-subduction (Allègre et al., 1982). Ce modèle est soutenu par Pearce et al. (1984) qui met en avant l'hypothèse de Miyashiro (1973). Ainsi Dilek & Furnes (2011) ont défini deux catégories d’ophiolites : (1) les ophiolites formées en relation avec le fonctionnement d’une zone de subduction, et (2) les ophiolites formées sans lien direct avec une zone de subduction. L’identification de contextes d’avant- et d'arrière-arc comme analogues actuels d’environnements de formation d’ophiolites (Moores et al., 1984) a marqué un tournant dans la compréhension de l’origine des ophiolites et leur utilité pour reconstruire les contextes tectoniques passés.

Les détails structuraux des ophiolites fournissent des perspectives sur la dynamique de la lithosphère océanique. Nicolas (1989) résume globalement les immenses progrès réalisés dans la compréhension de la pétrogenèse, de l'évolution structurale, de l’obduction et du remaniement des ophiolites et de la lithosphère océanique. Il introduit les notions d’ophiolite de type harzburgite (HOT) et de type lherzolite (LOT) (Figure 4). La comparaison des données de forages et des ophiolites à l’affleurement premettra par la suite de relier les ophiolites de type HOT à une dynamique océanique rapide (exemple : la dorsale pacifique), marquée par de forts taux de fusion, et les LOT à une dynamique d’océan lent à ultra-lent (type Atlantique ou Océan Indien), (Lagabrielle & Cannat, 1990; Lagabrielle & Lemoine, 1997; Figure 5).

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Figure 4 - Profils lithosphériques comparés HOT et LOT, et section définie par la sismique pour un fond océanique ‘normal’ composé d’une épaisse couche de produits d’origine magmatique (gabbros et basaltes), d’après Vissers &

Nicolas (1995) et Nicolas (1997).

Figure 5 - Schéma d’une ophiolite de ride lente (LOT), d’après l’observation des ophiolites alpines (Lagabrielle, 1987; Lagabrielle et al., 1989; Lagabrielle & Lemoine, 1997). 1, lherzolite serpentinisée (manteau) ; 2, gabbros ; 3, brèches

(talus de debris) ; 4, volcans à laves en coussins.

A ces deux types principaux d’ophiolites, il convient également d’ajouter les marges étirées, puisqu’elles comprennent une section de péridotites mises à l’affleurement souvent sur plusieurs centaines de km, appelés ‘fonds du 3e type’ par Juteau & Maury (1997). Cette mise à l’affleurement survient dans un stade de rifting avancé juste avant l’ouverture océanique proprement dite. Il peut donc exister une continuité entre un fond serpentineux exhumé au cours de mécanismes extensifs (e.g., Lagabrielle, 2009) et une ride lente, puis plus rapide. Ce domaine de transition entre une marge continentale et un domaine océanique ‘normal’ est communément appelé OCT (Ocean-Continent Transition, e.g., Florineth &

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Froitzheim, 1994; Hermann et al., 1997; Manatschal & Nievergelt, 1997; Molli, 1996; Marroni et al., 1998).

Remarquons que ces différents fonds océaniques peuvent conduire à la mise en place d’ « ophiolites » sur les marges continentales par des processus d’obduction qui peuvent être fort différents et propres à chaque contexte. La présence d’une grande zone serpentineuse par exemple dans le domaine de l’OCT peut être un des facteurs favorisant l’obduction, tandis que des fonds océaniques plus rapides et ne présentant pas d’OCT pourraient présenter des domaines de faiblesse rhéologique au niveau de la ride (e.g., Coleman, 1981).

Ainsi il devient évident qu’afin de mieux comprendre l’obduction des ophiolites du Petite Caucase et NE Anatolie, nous devons essayer de bien caractériser leur contexte de formation.

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