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Chapitre 1 – Ophiolite/Obduction : historique et problèmatique de la thèse

I.1 Concepts

1.2 Obduction

Coleman (1971) introduit le terme « obduction » pour décrire le processus de mise en place des ophiolites, ainsi marquant la distinction avec l'habituel sort de la lithosphère océanique, la subduction. Malgré plus de 40 années études, les étapes successives du processus d’obduction sont encore sources de débat (Cluzel et al., 2001; Crawford et al., 2003; Schellart et al., 2006; Wattham et al., 2008; Ulrich et al., 2010; Titus et al., 2011; Cluzel et al., 2012). Différents modèles ont été proposés depuis l’identification des ophiolites comme reliques de domaines océaniques maintenant disparus. L’obduction serait liée aux processus se produisant au niveau des frontières de plaques convergentes (Dewey, 1976). Les relations tectoniques et stratigraphiques résultant de ce processus peuvent présenter une grande variabilité. Par conséquent, il est évident que cette variation du style de mise en place tectonique des ophiolites est à attribuer en partie à la variabilité du contexte tectonique de formation du planché océanique.

Le processus d’obduction peut néanmoins être classé selon quatre catégories (Figure 6); (1) subduction continentale/accretion-collision (Dewey & Bird, 1970; 1971; Church & Stevens, 1971; Dewey, 1976; Smith & Woodcock, 1976; Gealey, 1977; Malpas & Stevens, 1977; Welland & Mitchell, 1977; Searle & Malpas, 1980),

(2) glissement gravitaire/obduction passive (i.e. Williams & Smyth, 1973; Glennie et al., 1973; Stoneley, 1975; Coleman, 1977; Lagabrielle et al., 2013),

(3) propagation gravitaire (i.e. Elliott, 1976; Searle & Malpas, 1980),

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Remarquons que ces concepts peuvent être complémentaires ou non selon le contexte de formation du planché océanique considéré. La propagation d’une obduction n’est pas significativement différent de la mise en place de nappes de charriages (Elliott, 1976; Rod, 1982), le matériel déplacé est différent mais les processus physiques sont similaires.

Figure 6 - Schémas illustrant les quatre catégories d’obduction.

Le modèle d’obduction actuellement admis (Coleman, 1981) propose que le transport tectonique des ophiolites sur une marge continentale résulte de l’évolution d’une zone de subduction intra-océanique ou s’initiant à proximité d’une marge. Le domaine océanique entre la marge continentale et la zone de subduction disparait progressivement jusqu'à l’arrivé

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de la marge continentale dans la zone de subduction. La subduction évolue de manière à entrainer le continent en profondeur (subduction continentale). McKenzie (1969) argumente que la flottabilité relativement élevé de la croûte continentale est susceptible d'empêcher la subduction continentale. Au cours de cette étape une tranche géante, « une nappe », de lithosphère océanique est poussée sur la marge continentale. Lors des premiers stades de subduction continentale des flyschs, des mélanges tectoniques et des olistostromes contenant des éléments ophiolitiques sont amenées progressivement dans la fosse, alimentant la formation de niveaux transgressifs sur la marge continentale (Dewey, 1976). Les sédiments alimentant ainsi la fosse sont entrainés dans le contact inter-plaque et ainsi métamorphisé (Coleman, 1981). C’est le couplage des contraintes structurales et métamorphiques issues de l’étude des ophiolites elles-mêmes ainsi que celle de toutes les roches métamorphiques sous l'ophiolite (la semelle ophiolitique) qui fournissent les éléments nécessaires pour la reconstruction de scénarios de mise en place. Les chemins PT-t à la fois horaire et antihoraires enregistrés par ces roches métamorphique sont ainsi interprétés comme témoignant d’un sous- charriage (subduction) du domaine continental et le charriage (obduction) du domaine océanique (Searle & Cox, 1999), respectivement. Les reconstructions de l’obduction pour les régions Alpes orientales (Manatschal & Muntener, 2009), Macédonie (Bozovic et al., 2013), Oman (Yamato et al., 2007), Nouvelle Calédonie (Lagabrielle et al., 2013), Californie (Harper et al., 1996), Terre-Neuve (Cawood & Suhr, 1992) et Urals (Brown et al., 2006) limite à 5 Ma l’écart entre la genèse des ophiolites et la subduction continentale, et 20 Ma pour le cycle total entre genèse et emplacement final du corps ophiolitique sur la marge continentale.

Cependant, les causes de ce contexte particulier restent à être précisées. La détermination des conditions permettant à la mise en place de ces objets denses constitués de manteau et la croûte océanique sur un domaine moins dense de croûte continentale peuvent fournir des indices concernant la cause (ou les causes) de telles « bizarreries » géologiques (Agard et al., 2007).

Deux causes de l’obduction sont actuellement discutées. La première est exposée et argumentée par Vaughan & Scarrow (2003) et découle de l’observation que les événements de l'obduction semblent postérieurs au début de la mise en place d’un volcanisme attribué à des panaches mantelliques (Ishiwatari, 1994; Stein & Hoffmann, 1994; Yakubchuk et al., 1994). Ces panaches seraient à l’origine du soulèvement et de l'accélération du mouvement des plaques tectoniques. La modification de divers facteurs, modifiant le couplage au niveau

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des zones de subduction, tels que le taux de convergence, la rugosité (ou présence d’aspérités), la flottabilité du panneau plongeant et la dynamique du manteau (Vaughan, 1995). Seules les aspérités majeures, tels que plateaux basaltiques sous-marins, entrant en subduction sont susceptibles d'augmenter de manière significative le couplage interplaque. Aujourd'hui on peut voir cet effet de verrouillage d’une zone de subduction au nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée où le plateau basaltique d’Ontong-Java entre en subduction (Hill & Raza, 1999). Les panaches mantelliques seraient également responsables du rajeunissement thermique de la lithosphère océanique.

Ainsi Vaughan & Scarrow (2003) propose que l’ensemble des perturbations causé par les panaches mantelliques (baisse de la densité et rajeunissement thermique de la lithosphère océanique, augmentation des vitesses des mouvements horizontaux dans la tectonique des plaques, mise en place de reliefs pouvant perturber le fonctionnement ‘habituel’ des zones de subduction,…) sont à l’origine de l’obduction de vastes domaines océaniques.

Agard et al. (2007) considère que l’obduction sert d’accommodation inertielle à la convergence continentale. Suite à des observations et reconstructions géodynamiques concernant la genèse et la mise en place des ophiolites d’Oman, les auteurs analyses les variations des vitesses de convergence entre l’Arabie et l’Eurasie (Scholz & Campos, 1995; Conrad et al., 2004; Heuret & Lallemand, 2005) et celle de la subduction du domaine océanique sous l’Eurasie (Platt, 2000). Ces modèles ainsi que les déductions qui en découlent ont permis de corréler l’initiation et propagation de l’obduction d’Oman à une augmentation de la convergence entre l’Arabie et l’Eurasie et de proposer que la subduction sous l’Eurasie était incapable d’accommoder cette accélération de convergence. Ainsi, l’accélération du mouvement de plaques, le ralentissement de la subduction et/ou l‘augmentation de la production à la ride sont des facteurs (causes) avancés pour l’initiation de l’obduction.

La cause de l’obduction proposée par Agard et al. (2007) n’est pas incompatible avec celle de Vaughan & Scarrow (2003). Les auteurs sont en accord avec un modèle dans lequel l’obduction se fait en réponse à la perturbation d’une subduction préexistante bordant le domaine océanique. Ainsi l’obduction serait un processus tectonique compensant une subduction incapable d’accommoder la convergence continentale.

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