5.1 Le th´ eor` eme de Hille-Yosida
5.1.2 Op´ erateurs accr´ etifs
Dans cette section (E,h.,.i) d´esigne un espace de Hilbert.
D´efinition 5.4 SoitA :D(A)⊂E →E un op´erateur lin´eaire. On dit que A est accr´etif si
∀u∈D(A),hAu,ui ≥0
On dit que A est maximal accr´etif si on a de plus R(I+A) =E, c’est `a dire
∀f ∈E,∃u∈D(A), f= (I+A)u.
Remarque 5.5 Pour tout f ∈ E, il y a unicit´e de la solution de l’´equation (I+A)u=f. Supposons en effet que (I+A)u= 0, alors
0 =hu+Au,ui=|uk2+hAu,ui ≥ |uk2 et doncu= 0.
Proposition 5.6 SoitA un op´erateur maximal accr´etif. Alors i) D(A) est dense dansA
ii) Aest ferm´e
iii) Pour tout λ >0, (I+λA)est bijectif de D(A)sur E et(I+λA)−1 est un op´erateur continu aveck(I+λA)−1kL(E)≤1.
Preuve. Montrons d’abord que D(A) est dense dans E. Supposons que f ∈ D(A)⊥. Par d´efinition, il existe u ∈ D(A) tel que f = u+Au. Comme f ∈ D(A)⊥, on en d´eduit que
0 =hf,ui=hu+Au,ui ≥ kuk2
ce qui implique u = 0. Ceci montre que D(A)⊥ = 0 et donc D(A) est dense dansE.
Montrons maintenant que le graphe de A est ferm´e. D’apr`es la remarque pr´ec´edente, (I+A)−1est bien d´efini et envoieEdansD(A). De plus, on a pour tout u∈D(A)
k(I+A)ukkuk ≥ h(I+A)u,ui ≥ kuk.
Par cons´equent k(I+A)uk ≥ kuk et par suite (I+A)−1 est continu etk(I+ λA)−1kL(E) ≤ 1. Supposons que un ∈ D(A) v´erifie un → u et Aun → f. CommeAest accr´etif, il existev∈D(A) tel quef =v+Av. On en d´eduit que Aun+un converge versu+v+Avet en appliquant (I+A)−1qui est continu, il vient queun →(I+A)−1u+v. Par suiteu=v+ (I+A)−1uet en appliquant I+Aon obtientAu=v. Ceci prouve queAest ferm´e.
Montrons maintenant le iii). On commence par montrer que pour toutλ0>
0, on a
R(I+λ0A) =E=⇒ ∀λ > λ0/2, R(I+λA) =E. (5.1) On commence par remarquer que comme pr´ec´edemment, on ak(I+λ0)−1kL(E)≤ 1. Soit f ∈E. On chercheu∈D(A) tel que u+λAu=f c’est `a dire
u+λ0Au=λ0
λf + (1−λ0
λ)u.
ou encoreu=F(u) avec
F(u) = (I+λ0)−1(λ0
λf+ (1−λ0 λ)u).
Or, la fonctionnelleF est clairement contractante puisque|1−λλ0|<1. On peut donc appliquer le th´eor`eme du point fixe de Picard, qui assure l’existence d’une unique solution `a cette ´equation. Ceci montre (5.1).
On peut maintenant conclure ais´ement. Puisque (I+A) est surjectif, alors par r´ecurrence imm´ediate (I+λA) est surjective pour toutλ >2−k,k∈N.
D´efinition 5.7 (R´egularis´ee de Yosida)SoitAun op´erateur maximal accr´etif.
Pour tout λ >0, on pose
Jλ= (I+λA)−1 et Aλ= 1
λ(I−Jλ) Aλ s’appelle la r´egularis´ee de Yosida de A.
Remarque 5.8 Si A : E →E est continu alors Aλ → A dans L(E) quand λ→0.
Proposition 5.9 Soit A un op´erateur maximal accr´etif. On a les propri´et´es suivantes
1. Aλu=AJλu,∀u∈E 2. Aλu=JλAu,∀u∈D(A) 3. kAλuk ≤ kAuk,∀u∈D(A) 4. limλ→0+Jλu=u,∀u∈E 5. limλ→0+Aλu=Au,∀u∈D(A) 6. hAλu,ui ≥0,∀u∈E
7. kAλuk ≤λ−1kuk,∀u∈D(A) Preuve.1. On a
Aλu=AλJλ−1Jλu= 1
λ(Jλ−1−1)Jλu= 1
λλAJλu=AJλu 2. On a
JλAu= 1
λJλλAu= 1
λJλ(λA+I)u− 1
λJλu= 1
λ(I−Jλ)u=Aλu 3. Imm´ediat avec le 2) etkJλkL(E)≤1.
4. Supposons d’abord quev∈D(A). Alors
Jλv−v=Jλ(v−(I+λA)v) =−λJλAv
Par suite kJλu−uk ≤ λkAuk → quand λ → 0. Supposons maintenant que u∈E et soit >0. Comme D(A) est dense dansE, il existev∈D(A) tel que ku−vk< . Par suite
kJλu−uk ≤ kJλ(u−v)k+kJλv−vk+ku−vk ≤2ku−vk+kJλv−vk<2+kJλv−vk et on conclu avec le cas pr´ec´edent.
5. Appliquer 2) et 4).
6. On a
hAλu,ui=hAλu,u−Jλui+hAλu,Jλui=λkAλuk2+hAJλu,Jλui ≥λkAλuk2≥0 7. D’apr`es l’in´egalit´e ci-dessus, on a hAλu,ui ≥ λkAλuk2 et on peut conclure
grace `a l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz.
Le lemme suivant nous sera utile par la suite. On note D(A2) = {f ∈ D(A), Af∈D(A)}.
Lemme 5.10 Soitf ∈D(A). Alors
∀ >0,∃g∈D(A2), kf−gk< et kAf−Agk< . Preuve.Prendreg=g=Jf. Supposons d’abvord quef ∈D(A). Alors
f−g= (I−(I+A)−1) = (I+A)−1Af.
Par suite
kf−gk ≤kAfk →0
quand→0. On raisonne ensuite par densit´e pour obtenir le casf ∈E.
Th´eor`eme 5.11 (Th´eor`eme de Hille-Yosida)SoitAun op´erateur maximal accr´etif sur un espace de Hilbert E. Alors, pour tout f ∈ D(A), il existe une unique fonction u∈ C1([0,+∞[,E)∩ C0([0,+∞[,D(A))telle que
∂tu+Au= 0, ∀t≥0
u(0) =f (5.2)
De plus on a les estimations
ku(t)k ≤ ku0k et kdu
dtk ≤ kAu0k, ∀t≥0
Preuve. Etape 1: Unicit´e.Supposons que uet vsont solutions. Alors
∂tku−vk2= 2h∂t(u−v),(u−v)i=−hA(u−v),u−v)i ≤0.
Par suite,ku(t)−v(t)k2≤ ku(0)−v(0)k2= 0 et doncu=v.
Etape 2: Consid´erons le probl`eme de Cauchy pour la r´egularis´ee de Yosida deA. Soituλ solution de
∂tuλ+Aλuλ= 0, ∀t≥0
uλ(0) =f (5.3)
On va montrer que
kAλuλ(t)k ≤ kAfk (5.4)
pour toutt≥0. D’apr`es le 3) de la proposition pr´ec´edente, on akAλfk ≤ kAfk.
Par suite, il suffit de montrer que pour toute solution uλ de (5.3) verifie kAλuλ(t)k ≤ kAλuλ(0)k. (5.5) On montre pour cela que la fonctiont7→ kAλuλ(t)k=k∂tuλ(t)kest d´ecroissante.
On a
∂tk∂tuλ(t)k2=∂th∂tuλ,∂tuλi=−2h∂tAλuλ,∂tuλi=−2hAλ∂tuλ,∂tuλi ≤0 carAλ est accr´etif. Cela prouve la d´ecroissance voulue et donc (5.4).
Etape 3: On montre que pour toutT > 0,uλ converge uniform´ement vers une limiteudansC([0,T],E)quandλ→0.
Pour toutλ,µ >0, on a 1
2∂tkuλ−uµk2=h∂tuλ−∂tuµ,uλ−uµi=−hAλuλ−Aµuµ,uλ−uµi=:−W (5.6) Par ailleurs, on a
W =hA(Jλuλ−Jµuµ),uλ−uµi
=hA(Jλuλ−Jµuµ),Jλuλ−Jµuµi
+hA(Jλuλ−Jµuµ),(I−Jλ)uλ−(I−Jµuµi
CommeAest accr´etif , en utilisant l’identit´eI−Jλ=λAλon obtient W ≥ hA(Jλuλ−Jµuµ),λAλuλ−µAµuµi=hAλuλ−Aµuµ,λAλ−µAµuµi Combin´e avec (5.6), cela implique
1
2∂tkuλ−uµk2≤ −hAλuλ−Aµuµ,λAλuλ−µAµuµi et par Cauchy-Schwarz
1
2∂tkuλ−uµk2≤(kAλuλk+kAµuµk)(λkAλuλk+µkAµuµk).
En combinant cette estimation et (5.4), il vient 1
2∂tkuλ−uµk2≤2(λ+µ)kAfk2 et en int´egrant
kuλ−uµk2≤4t(λ+µ)kAfk2
On d´eduit de cette estimation que la suite (uλ) est uniform´ement de Cauchy sur [0,T]. Elle converge donc vers une limiteu∈ C([0,T],E).
Etape 4: On suppose quef ∈D(A2). On montre que pour tout T >0,∂tuλ
converge uniform´ement sur [0,T].
On noteψλ=∂tuλ. Alorsψλ est solution de ∂tψλ+Aλψλ= 0, ∀t≥0
ψλ(0) =Aλuλ(0)
On peut donc montrer les mˆemes estimations qu’`a l’´etape 3. Il vient 1
2∂tkψλ−ψµk2≤(kAλψλk+kAµψµk)(λkAλψλk+µkAµψµk). (5.7) Or d’apr`es l’´etape 2
kAλψλk ≤ kAλψλ(0)k=kA2λfk CommeA2λf =Jλ2A2f, il suit
kAλψλk ≤ kA2fk.
En revenant `a (5.7), on en d´eduit que 1
2∂tkψλ−ψµk2≤2|λ+µ|kA2fk2 et on conclu comme `a l’´etape 3.
Etape 5. Sous l’hypoth`ese quef ∈D(A2), il existe une solution de (5.2).En effet, comme (uλ) et (∂tuλ) convergent uniform´ement sur tout compact, alors pour toutT >0,uλ→udansC1([0,T],E), c’est `a direuλ→uet ∂tuλ →∂tu.
Par ailleurs, on a
∂tuλ+AJλuλ= 0
et Jλuλ → u quand λ → 0 (grace au 4) de la proposition et `a l’estimation kJλk ≤1). Comme par ailleurs, on sait que∂tuλ→∂tu, alors AJλuλ converge et comme Aest ferm´e, on a n´ecessairementAJλuλ→Au. On en d´eduit queu est solution de
∂tu+Au= 0.
Enfin, on a u∈ C1([0,+∞[,E) et comme Au =−∂tu, on en d´eduit que u ∈ C0([0,∞[,D(A)). En passant `a la limite dans l’identit´e kAλuλk ≤ kAfk, on obtient
kAuk ≤ kAfk et on a aussi
∂tkuk2=−2hAu,ui ≤0 doncku(t)k ≤ kfk.
Etape 6. On prouve le r´esultat dans le casf ∈D(A).Notons kvkA=kvk+ kAvk. D’apr`es le Lemme 5.10, il existe une suite (fn) deD(A2) telle quekfn− fkA→0. D’apr`es l’´etape pr´ec´edente, pour toutn∈N, il existeun solution de
∂tu+Au= 0, ∀t≥0 u(0) =fn
(5.8) Or, on a
kun−umk ≤ kf−fnk →0 et
k∂tun−∂tumk=kAun−Aumk ≤ kAfn−Afmk →0
quand n,m → ∞. Par suite, (un) et (∂tun) sont de Cauchy. On note u = limn→∞un, alors en passant `a la limite dans (5.8) grace au th´er`eme du graphe
ferm´e, on obtient queuest solution de (5.2).
Remarque 5.12 Supposons que les op´erateurs A et −A sont tous les deux maximaux accr´etifs. Alors pour tout f ∈ D(A), il existe une unique fonction u∈ C1(R,E)∩ C0(R,D(A))telle que
∂tu+Au= 0, ∀t∈R
u(0) =f (5.9)
De plus on a les estimations
ku(t)k=kfk et kdu
dtk=kAfk, ∀t∈R
Preuve.CommeAet−Asont maximaux accr´etifs on peut appliquer le Th´eor`eme de Hille-Yosida `a∂t+Aet∂t−A. On construit ainsiu+etu−dansC1([0,∞[,E)∩
C0([0,∞[,D(A)) telles que
∂tu±±Au±= 0, ∀t≥0 u±(0) =f
On d´efinitu:R→D(A) paru(t) = 1lt≥0u+(t)+1lt<0u−(−t). Par construction, on a
lim
t→0+Au(t) = lim
t→0+Au+(t) =Af= lim lim
t→0+Au−(t) = lim
t→0−Au(t)
et par suiteu∈ C0(R,D(A)). Comme∂tu±=Au±, on a aussiu∈ C1(R,E) et
∂tu=Au,∀t∈R
Pour conclure, remarquons que commeAet−Asont accr´etifs alorshAu,ui= 0 pour tout u∈D(A). En reprenant la preuve du th´eor`eme de Hillle-Yosida, on voit facilement que
∂tkuk2= 0
et par cons´equent ku(t)k =cte. Le fait que kAu(t)k est constant est laiss´e au
lecteur.