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Opération et configurations des piles à combustible microbiennes

CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE

1.3 Opération et configurations des piles à combustible microbiennes

Le design des réacteurs utilisés est un élément important devant être étudié amplement afin de pouvoir obtenir une quantité substantielle d’énergie lors de l’accroissement de la taille des piles microbiennes tout en réduisant les coûts d’installation et d’opération. Plusieurs facteurs sont ainsi d’une importance accrue pour maximiser l’efficacité d’une pile à combustible microbienne.

1.3.1 Modes et conditions d’opération des piles

Les conditions et modes opératoires auxquels les piles à combustible microbiennes fonctionnent influencent le courant généré et l’efficacité du traitement des eaux usées. Les premiers essais d’opération de piles à combustible microbiennes étaient principalement effectués en cuvée, soit par l’insertion de l’affluent et son remplacement complet après consommation de presque toute la charge organique (comme dans une pile commune, appelée à tort en français une batterie). La faisabilité et l’efficience du traitement des eaux dans un système en continu sont maintenant démontrées (Min & Logan, 2004) et plusieurs études sont faites avec un chargement en continu, comme dans le cas de piles à combustible conventionnelles, facilitant le contrôle et le maintien de conditions stables dans les réacteurs.

Lorsque la pile microbienne est opérée en flux continu, une boucle de recirculation est souvent incorporée afin d’effectuer un brassage des espèces en solution (substrats, nutriments, cations et protons entre autres). Le taux de recirculation peut influencer les performances de la pile en diminuant sa résistance interne, principalement au niveau de la résistance ohmique et de la résistance liée à la diffusion des espèces en solution (You et al., 2007). Les différentes résistances

de la pile microbienne sont traitées subséquemment dans la section « 1.5 Aspects électrochimiques des piles à combustible microbiennes ».

Le temps de rétention hydraulique, soit la durée où l’électrolyte demeure dans le réacteur, doit être optimisé puisqu’un temps de rétention court permet une plus grande génération de courant mais une moins bonne efficacité au niveau de l’enlèvement de la charge organique. Dans la même lignée, le taux de chargement du substrat est important puisqu’un affluent possédant une trop grande concentration de matières organiques produira un meilleur gain en courant, mais seulement jusqu’à un certain point car une trop grande présence de composés organiques cause une diminution du courant généré (Moon, Chang, Jang & Kim, 2005).

D’autres conditions d’opération, soit la température, le pH et la conductivité de l’électrolyte, sont aussi des facteurs importants affectant la performance des piles à combustible microbiennes. Ainsi, à une température de 30°C, la puissance est presque le double de ce qui est observé à 22°C. De plus, une activité électrique minimale a été remarquée à une température de 15°C, ces observations suivant la loi d’Arrhénius (Liu, Cheng & Logan, 2005a; Min, Román & Angelidaki, 2008). Un pH neutre indique une plus faible quantité de protons qu’en pH acide, d’où la nécessité d’un brassage de l’électrolyte pour permettre d’amener les protons à la cathode. D’autre part, l’acidité et la basicité peuvent diminuer considérablement le métabolisme microbien, affectant certaines espèces plus que d’autres, ou à l’extrême causer la mort des micro-organismes (Gil et

al., 2003; He, Huang, Manohar & Mansfeld, 2008; Jadhav & Ghangrekar, 2009; Veer Raghavulu,

Venkata Mohan, Venkateswar, Mohanakrishna & Sarma, 2009). Une bonne conductivité permet quant à elle le transport plus aisé des espèces électroactives devant rejoindre les micro- organismes et catalyseurs cathodiques, respectivement à l’anode et la cathode, ce qui augmente significativement la puissance générée par la pile microbienne par la diminution de sa résistance ohmique. Certaines espèces microbiennes ne peuvent toutefois supporter une conductivité trop élevée (Huang, Sun & Zhang, 2010; Liu et al., 2005a; Nam, Kim, Lim, Shin & Logan, 2010).

1.3.2 Configurations des piles

Les réacteurs formant les piles microbiennes présentent différentes configurations, tant au niveau de la forme même du réacteur, du nombre de chambres qu’il comporte (une ou deux), de l’utilisation ou non de la membrane à échange de protons, de cations ou autres matières ayant la même fonction et finalement des matériaux d’électrodes utilisés et la distance les séparant.

Il est possible de réunir plusieurs piles pour former un empilement avec quelques modifications des systèmes, cette option permettant d’accroître le voltage des systèmes et donc la puissance générée. Toutefois, dépendamment de la façon dont les piles sont connectées, différents problèmes peuvent survenir. Ainsi, des piles branchées en série peuvent voir le courant d’un des assemblages anode/cathode s’inverser, diminuant substantiellement la puissance (Aelterman, Rabaey, Pham, Boon & Verstraete, 2006; Oh & Logan, 2007). D’un autre côté, le branchement en parallèle, quoiqu’il génère un très fort courant, entraîne aussi des pertes plus grandes au sein des matériaux (Dekker, Heijne, Saakes, Hamelers & Buisman, 2009). Il est aussi possible d’effectuer un branchement mixte série/parallèle, permettant ainsi l’augmentation à la fois du courant et du voltage de la pile et démontrant une efficacité supérieure (Ieropoulos, Greenman & Melhuish, 2008). Les empilements de piles microbiennes sont une voie explorée pour avoir des piles de volumes importants permettant le traitement d’une plus grande quantité d’eaux usées en parallèle avec une puissance plus élevée.

La figure 1-5 présente divers designs de piles à combustible microbiennes, comportant une ou deux chambres. Dans le cas des piles à deux compartiments, la configuration la plus simple consiste à connecter deux bouteilles de verre (fig.1-5A) (Zhang et al., 2006). D’autres designs employés en laboratoire consistent entre autres en un réacteur tubulaire où la cathode en forme de U se situe à l’intérieur du réacteur (fig.1-5B) (He, Wagner, Minteer & Angenent, 2006) ou encore un réacteur rectangulaire à flux ascendant (fig.1-5C) (Tartakovsky & Guiot, 2006). Parmi les piles à une chambre, on note un réacteur tubulaire où la cathode se situe à l’extérieur (fig.1-5D) (Rabaey, Clauwaert, Aelterman & Verstraete, 2005b) et un réacteur cylindrique dont les électrodes sont situées à chacune des extrémités (fig.1-5E) (Liu & Logan, 2004). Il est à noter que plusieurs autres modèles de réacteurs ont été construits et évalués, mais l’énumération de tous ces types serait trop exhaustive et n’est pas essentielle pour le présent travail de recherche. Un réacteur à deux chambres est utilisé lorsque la réaction cathodique nécessite une solution liquide (ex. : ferricyanure, peroxyde d’hydrogène). Cette option a comme problématique le remplacement constant du catholyte ou son oxygénation, de même que la possibilité d’une fuite dans le compartiment anodique au travers de la membrane polymérique séparant les deux chambres (Tartakovsky & Guiot, 2006). Avec le développement de la cathode à diffusion gazeuse qui permet à l’air ambiant d’atteindre la surface des catalyseurs, la construction de piles microbiennes à une chambre s’est répandue, réduisant les coûts de construction et d’opération

tout en générant un courant semblable, voire plus élevé (Liu & Logan, 2004; Park & Zeikus, 2003).

Figure 1-5 : Divers designs de piles à combustible microbiennes (adapté de He et al., 2006; Liu & Logan, 2004, Rabaey et al., 2005b; Tartakovsky & Guiot, 2006; Zhang et al., 2006) Dans les piles à un compartiment, il ne s’avère désormais plus nécessaire d’employer une membrane polymérique, celle-ci augmentant significativement la résistance interne du système. Par contre, une telle disposition du réacteur peut voir son efficacité diminuée par la présence d’oxygène dans l’anolyte, déviant une quantité substantielle d’électrons (Liu & Logan, 2004). L’application de couches successives de polytétrafluoroéthylène (PTFE) sur la surface en contact avec l’air peut contrer ce désavantage (Cheng, Liu & Logan, 2006a). Plusieurs alternatives ont été testées pour remplacer les membranes polymériques (ex. : membrane de nylon ou de cellulose) (Biffinger, Ray, Little & Ringeisen, 2007), mais ce sont les chiffons JMD qui ont démontré les meilleures performances des piles lors de leur utilisation, permettant de sandwicher les deux électrodes et maximisant ainsi la génération de la puissance à un niveau encore inégalé (plus de 1000 W m-3) (Fan et al., 2007).

Il apparaît donc évident que la distance entre les électrodes est un facteur décisif qui doit être minimisé afin de réduire la résistance du transport des espèces actives dans l’électrolyte,

maximisant ainsi la puissance générée. Il faut toutefois noter qu’une distance optimale de 2 cm offre des performances supérieures dans le cas de piles microbiennes opérées en cuvée alors qu’une séparation de 1cm ou moins améliore significativement les performances des piles en flux continu (Cheng, Liu & Logan, 2006b; Fan et al., 2007).

Finalement, il est important de mentionner que les matériaux utilisés tant à l’anode qu’à la cathode vont déterminer le taux de réaction siégeant aux dites électrodes, ceci étant l’élément clé du fonctionnement d’une pile à combustible microbienne. Ainsi, la quantité d’électrons transmis à l’anode étant proportionnelle aux nombres de micro-organismes y étant attachés, une anode possédant une très grande surface génèrera un courant d’une plus grande intensité (Chaudhuri & Lovley, 2003). L’activité catalytique des matériaux utilisés à la cathode est le facteur le plus limitant à cette électrode, nécessitant de trouver des catalyseurs peu coûteux mais très actifs pour remplacer le platine (Rismani-Yazdi, Carver, Christy & Tuovinen, 2008). Puisque leur importance dans le présent travail de recherche est de taille, elle nécessite un approfondissement accru du sujet. En conséquence, les matériaux d’électrodes sont traités plus en détails dans la section qui suit.