Chapitre 1 La Chirurgie Augmentée
1.2.2. Ontologies et Bases de Données
Un schéma conceptuel de bases de données peut être vu comme une micro-ontologie, ou ontologie
du micro-domaine concerné. Définir les entités en jeu – de quoi on parle – et les relations qui les
lient, constitue la première étape d’une analyse. Cependant, contrairement aux ontologies où les
entités sont censées représenter les concepts d’un domaine indépendamment de toute application,
les entités d’un schéma conceptuel sont déterminées en fonction d’un objectif précis : la base de
données que l’on souhaite mettre en place, qui répond à des besoins déterminés. D’autres besoins
conduiraient à une autre organisation des données et donc à un schéma conceptuel différent. Aussi,
afin de respecter des contraintes informatiques, telles que l’unicité des données, l’optimisation des
accès, etc., les entités définies dans un schéma conceptuel de base de données peuvent ne pas
correspondre directement aux concepts d’une ontologie du domaine.
On peut noter que les modèles les plus utilisés actuellement pour la conception de schémas
conceptuels de bases de données, modèle Entité/Association et diagramme de classes UML, se
sont éloignés de la vision ontologique de l’univers concerné pour y introduire d’emblée des notions
liées à l’usage informatique qui va en être fait, telles que le choix des concepts qui doivent être
implémentés par des classes qui vont guider la programmation (Simonet 2010). Par ailleurs, les
outils de CAO (Conception Assisté par Ordinateur) privilégient la fonction d’édition de schéma
conceptuel (on sait ce que l’on veut et on le « dessine ») par rapport à la fonction d’aide à la
conception, c’est-à-dire l’aide à l’organisation des données et des programmes pour répondre à un
ensemble de besoins déterminé qu’il faut d’abord appréhender.
Nous illustrons cette opinion par un exemple simple, où il s’agit de modéliser les concepts
concernant les lieux où des interventions chirurgicales ont lieu. Nous considérons deux concepts :
Centre de santé et Niveau. Une représentation « naturelle » sous forme d’ontologie consiste à
représenter ces concepts et leurs interrelations (Figure 15).
Figure 15 : diagramme ontologique : concepts et relations
Dans une description ontologique, les concepts Centre de santé et Niveau jouent un rôle symétrique.
aPourCentre (Niveau, Centre de santé). On remarquera qu’une relation a toujours une relation inverse,
même si elle n’est pas explicitement nommée.
On peut aussi apporter des précisions sur deux catégories de contraintes qui sont en jeu dans ce
diagramme :
contraintes de cardinalité (Figure 16), indiquant pour une relation R(A, B) les cardinalités
minimale et maximale de l’ensemble d’éléments de B associés par R à un élément de A.
Ainsi, la cardinalité de la relation aPourNiveau (Centre de santé, Niveau) étant (1,1), un centre de
santé a un et un seul niveau. Par ailleurs, la relation centreDeNiveau (Niveau, Centre de santé)
ayant une cardinalité (0, *), à un niveau peuvent correspondre plusieurs centres de santé,
éventuellement aucun.
contraintes de domaine : Niveau {Niveau1, Niveau2, Niveau3}
Figure 16: diagramme ontologique avec contraintes de cardinalité
En utilisant un modèle tel que celui d’UML, qui offre les concepts de classe et de sous-classe,
d’attribut, d’association, etc., le concepteur d’un schéma conceptuel de bases de données est
naturellement amené à définir des classes d’objets avec leurs attributs et les associations entre
classes. Pour cela, il doit choisir de représenter chaque concept de son univers par une classe
(sous-classe) ou par un attribut. En général, cette décision est soit une conséquence de son expérience
dans un domaine utilisant une ontologie « semblable », soit un réflexe qui tend à faire représenter
par une classe des abstractions de collections d’objets du monde physique. Par exemple, les centres
de santé ayant une existence physique, le concepteur d’un schéma conceptuel de bases de données
aura tendance à proposer la classe CentreDeSanté (cf. diagramme 1) et à considérer niveau comme
l’un de ses attributs.
Diagramme 1 : implémentation standard du concept Centre de Santé
On remarquera que l’on a perdu la symétrie initiale du diagramme ontologique et que l’on a aussi
perdu l’information que Niveau est un concept dont l’existence est indépendante du concept de
Centre de santé. Représenter Niveau comme un attribut de Centre de santé fait donc perdre à l’utilisateur
de cette micro-ontologie sa vision d’un monde réel disposant des concepts de Niveau et de Centre de
santé.
Par contre, dans l’univers des langages de programmation, si l’une des requêtes à privilégier est
« centres de Niveau3 d’une région (par exemple de l’Isère) », un programmeur expert proposera
plutôt le Diagramme 2 car il sait que l’un des chemins qu’il sera amené à privilégier est celui qui relie
Niveau à Centre de santé, chemin qui, pour un niveau donné, conduit aux centres de santé de ce
niveau.
Diagramme 2 : implémentation du concept Centre de Santé, optimisée pour la requête « Centres d’un niveau donné »
On remarquera que si à l’usage on s’aperçoit que le temps de réponse de la requête « centres de
Niveau3 d’une région (de l’Isère) » est trop important, l’administrateur de la base peut créer un
index sur l’attribut niveau afin d’obtenir un temps de réponse acceptable.
L’usage de modèles tels que le modèle de classe UML ou le modèle Entité-Association
sous-tendent donc des choix informatiques implicites dès la conception, et avant même que les besoins
spécifiques d’une application basée sur une telle ontologie aient été explicités. Ainsi, les choix
effectués sont fortement dépendants de l’expérience et du domaine d’expertise de celui qui est à
l’origine des choix. Comme nous le verrons plus loin, dans un modèle Relationnel-Binaire tel que
ISIS, cette « optimisation » informatique peut être faite automatiquement dès lors que l’on souhaite
générer un Système d’Information basé sur « une partie » d’une ontologie et qu’on a défini les
fonctionnalités attendues au travers de requêtes graphiques sur l’ontologie.
Dans le document
Structuration des connaissances en vue d'une évaluation de la qualité dans le domaine de la chirurgie augmentée
(Page 61-64)