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4 C HAPITRE 4. I NFLUENCE DE LA VARIABILITÉ DES TERRES SUR LE COMPORTEMENT RHÉOLOGIQUE DES BARBOTINES

4.2 C OMPORTEMENT RHÉOLOGIQUE DES BARBOTINES

4.2.1 D

ÉFINITIONS ET PRINCIPES RHÉOLOGIQUES

La rhéologie est connue sous le nom de science de la déformation et de l’écoulement de la matière, et l’accent mis sur l’écoulement signifie qu’elle s’intéresse à la relation entre la contrainte de cisaillement (τ en Pa) et le taux de déformation (𝛾̇ en s-1). La courbe mettant en relation ces deux paramètres s’appelle un rhéogramme. La Figure 4-2 présente des rhéogrammes types, définissant des familles de comportements rhéologiques. Ces dernières sont nommées selon les modèles correspondant à l’expression du comportement observé.

Figure 4-2: Rhéogrammes types de différents comportements rhéologiques observables [175].

Les matériaux granulaires pour la construction (barbotines, matériaux cimentaires) sont des fluides à seuil, c’est-à-dire qu’ils ne s’écoulent que si une contrainte suffisante, appelée contrainte seuil, leur est appliquée. Pour ces matériaux, l’évolution de leur contrainte d’écoulement en fonction du taux de cisaillement est généralement modélisée par des modèles de type Bingham ou Herschel-Bulkley (Figure 4-2). Dans ce cas, les propriétés d’écoulement du matériau sont caractérisées par deux paramètres principaux : le seuil de cisaillement (illustré par le seuil de cisaillement stationnaire τy sur la Figure 4-2) et un paramètre caractérisant la viscosité (par exemple le paramètre de consistance K dans la loi de Herschel-Bulkley: τ= τy+K𝛾̇n) [176]. Dans le cas des matériaux granulaires comme les boues, les barbotines ou les pâtes cimentaires, il faut distinguer le seuil de cisaillement stationnaire ou dynamique, obtenu en prenant l’ordonnée à l’origine du rhéogramme (Figure 4-2) et le seuil de cisaillement quasi-statique, obtenu par exemple lors d’un essai au scissomètre (Figure 4-3) [165]. Dans notre étude c’est ce seuil, appelé τ0, qui est caractérisé et mesuré. En effet les vitesses d’application et d’écoulement de la barbotine sont suffisamment faibles pour s’affranchir des mesures de viscosité. De plus, la caractérisation doit nous permettre d’évaluer la cohésion une fois en place de la barbotine, et sa capacité à ne pas s’écouler sous l’action du poids propre du mélange de terre allégée. Nous sommes donc en conditions statiques.

Figure 4-3: Courbe type contrainte déformation d'un essai au rhéomètre à bas régime, soit 0,01 s-1. [165]

4.2.2 P

ARAMÈTRES GÉOTECHNIQUES INFLUENÇANT LA RHÉOLOGIE

Comme nous l’avons vu au Chapitre 1, les barbotines sont composées de différentes tailles de granulats (argiles, limon et sable), de matière organique et d’eau. Les composants colloïdaux interagissent avec l’eau, par exemple par l’intermédiaire des couches d’argiles chargées. Le comportement d’une boue peut être très différent de celui d’une suspension de particules sans forces internes ayant pourtant la même fraction volumique solide. Lorsque des solides fins sont présents en quantité suffisante dans le mélange, ils provoquent une déviation du comportement par rapport à celui d’un liquide pur. Le fluide passe, par exemple, d’un comportement newtonien à un comportement de type Bingham. Le comportement rhéologique des suspensions de terre est donc généralement influencé par plusieurs facteurs : la fraction volumique solide et/ou la teneur en eau, la distribution granulaire et la morphologie des particules, l’activité ionique, la microstructure et l’agencement volumique des fines, le pH et la température.

Plusieurs études traitent de l’effet de la formulation (fraction solide et teneur en eau) sur les propriétés rhéologiques de l’argile naturelle. Ces études montrent notamment que le seuil de cisaillement augmente avec l’augmentation de la fraction volumique solide [27–30]. La Figure 4-4 illustre ce phénomène et sa dépendance à différentes natures de terres.

τy τ0

Figure 4-4: Seuil de cisaillement en fonction de la fraction volumique solide de différentes suspensions de terre [177].

En revanche, peu d’études ont évalué les effets de la fraction argileuse sur les propriétés rhéologiques de mélange sable-limon-argile. Marr et Parker montrent que le seuil de cisaillement augmente avec la diminution de la teneur en eau et l’augmentation de la fraction argileuse [181]. Ilstad et al. observent quant à eux une évolution exponentielle du seuil de cisaillement en fonction du rapport argile/sable [182].

La Figure 4-5 présente la relation entre granulométrie et comportement rhéologique d’un sol d’après Jeong et ses coauteurs [183]. Pour une même fraction volumique solide, les terres à granulométrie grossière ont un faible seuil de cisaillement, alors que les terres fines (dont le diamètre de granulat moyen est inférieur à 63µm) ont un seuil de cisaillement élevé.

Figure 4-5: Rapport seuil de cisaillement et viscosité en fonction de la taille moyenne des particules. G1 indique une argile à faible activité ; G2, argile à haute activité. G3, terres limoneuses ; G4, terres sableuses ; G5, terres graveleuses [184].

L’augmentation de la taille moyenne des particules accentue la dispersion des résultats, rendant alors difficile la description du comportement rhéologique et l’adaptation d’un modèle approprié. Le changement de taille des particules peut ainsi produire une transition entre différents régimes rhéologiques [183]. La composition minéralogique de la fraction argileuse peut aussi avoir une influence significative sur les propriétés rhéologiques des suspensions de terre, notamment en terme de structuration au repos : plus l’activité argileuse est forte, plus le matériau a un comportement thixotrope à court terme [185].

La taille des particules d’argile est quant à elle variable en fonction de l’espace interfoliaire (Chapitre 1). La taille de cet espace varie lui-même en fonction des cations y étant adsorbés [35, 36]. Avec ces phénomènes, Williams, Neznayko et Weintritt [186] montrent que plus une terre a une activité argileuse forte, plus le seuil de cisaillement de cette terre mise en suspension est affecté par les cations adsorbés dans les couches interfoliaires.

Selon les paramètres évoqués précédemment, la microstructure de la barbotine c’est à dire l’assemblage des particules d’argiles dans la suspension, se présente de différentes manières [38–41]. La Figure 4-6 présente ces différents assemblages, en nommant les différents phénomènes et leur influence sur les propriétés rhéologiques de la suspension. Par exemple, une floculation ou un regroupement des particules feront croître le seuil de cisaillement, alors qu’une dispersion des particules le feront décroître.

Figure 4-6: Représentation schématique des propriétés rhéologiques en fonction de l'association des particules d'argiles en suspension

[187–190].

Les conditions extérieures peuvent aussi influer sur la rhéologie des matériaux, comme l’ont montré Coussot et Piau [177]. C’est pourquoi tous nos essais ont été réalisés à des températures ambiantes comprises entre 15 et 25°C, pour lesquelles peu de différences sont mesurées dans la littérature.

Ainsi dans cette partie, après avoir décrit les matériaux étudiés nous caractérisons le comportement rhéologique de nos barbotines par la mesure du seuil de cisaillement. Compte-tenu des résultats de la littérature évoqués ci-dessus, une analyse des liens potentiels entre les caractéristiques intrinsèques de la barbotine (formulation, activité argileuse, distribution granulaire) et sa cohésion (seuil d’écoulement) est proposée.

4.3 MATÉRIAUX

4.3.1 É

CHANTILLONS À L

ÉTUDE

Les échantillons sont fabriqués à partir de terre brute :

1. La terre est mélangée avec une petite quantité d'eau (rapport massique 1:1) ; 2. Le mélange est réalisé avec un malaxeur à mortier pendant 5 minutes ; 3. La barbotine est tamisée à l'aide d'un tamis à mailles carrées de 2 mm ;

4. La barbotine est maintenue au repos pendant 24 heures afin d'assurer la dilution de toutes les mottes de terre ;

5. La barbotine est mixée avec un malaxeur à pales pendant 1 minute ;

6. La teneur en eau est mesurée par séchage au four d’un échantillon de barbotine (à 105°C, jusqu'à stabilisation de la masse, selon XP CEN ISO/TS 17892-1).

7. La formulation de la barbotine est modifiée afin de viser une certaine teneur en eau (par décantation ou séchage à 40°C pour la faire baisser ; par simple ajout d’eau pour l’augmenter)

Le protocole ci-dessus permet d’obtenir une barbotine à une teneur en eau connue. Pour chaque terre différentes dilutions sont ainsi réalisées afin d’observer le comportement rhéologique en fonction de la teneur en eau (ou de la fraction volumique solide).