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C OMPORTEMENT MÉCANIQUE DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION CONTENANT DES GRANULATS BIO -SOURCÉS

Les matériaux de construction peuvent présenter quatre types de comportement, dépendamment de leur composition et de leurs renforts [261] (Figure 6-2).

Figure 6-2: Différents comportements mécaniques de matériaux de construction. Exemple de transition du comportement du béton de fragile à ductile [261].

La littérature sur les mélanges chaux-chanvre indique que le matériau a un comportement mécanique variant entre ductile et ductile avec écrouissage et densification [13, 17–19, 22–24]. Selon les auteurs, ce comportement varie notamment en fonction du dosage en liant. Mazhoud [126] publie une étude comprenant une caractérisation du comportement mécanique de matériaux à base de chanvre et de différents liants : boue de lavage stabilisée (ciment + liant formulé) ou non stabilisée, terre préparée en sac (Claytec®) et liant formulé seul. Le constat (Figure 6-3) pour la majorité des liants est que le caractère ductile, avec écrouissage et densification ou non, dépend du dosage en liant [256]. Seulement, et notamment pour le liant à base de terre non stabilisée, le comportement varie entre plusieurs échantillons d’une même formulation.

Les courbes contrainte/déformation typiques de ces matériaux comprennent au minimum trois phases [7, 10]: I. Une phase courte pseudo-élastique, dans laquelle la réponse mécanique à la contrainte est

II. Une phase élasto-plastique où la matrice liante s’endommage et les particules de chènevotte reprennent peu à peu les efforts. Une inflexion de courbe est observable à la fin de cette zone et indique la transition de la reprise des efforts de la matrice vers les granulats végétaux.

III. Une phase élasto-plastique dans laquelle les granulats sont comprimés et se réarrangent, l’ensemble se densifie et l’empilement se rigidifie.

IV. Si un comportement ductile classique est observé, une rupture arrive en dernière phase. Sinon, le matériau continue de se densifier (phase 3) sans rupture.

Dans chacune des phases, le comportement du matériau montre aussi une forme de viscosité, visible notamment sur les boucles de charge/décharge (hystérésis observable sur la Figure 6-6).

Figure 6-3: Comportements mécaniques d'un terre allégée stabilisé en fonction du dosage en liant. à gauche, fort dosage, à droite, faible dosage en liant [126].

Le caractère ductile, avec ou sans rupture, est aussi observé sur des mélanges de terre allégée. La Figure 6-4 illustre les résultats d’essais de compression sur des terres allégées utilisant différents types de granulats (colza et tournesol) [137]. Brouard indique ainsi que pour une même masse volumique, le comportement mécanique d’une terre allégée peut varier en fonction du type de granulat.

Figure 6-4: À gauche, terre tournesol (moelle et écorce), après rupture. à droite, terre colza, densification sans rupture [137].

On retrouve dans la littérature des illustrations (Figure 6-5) de ces comportements ductiles, avec ou sans rupture. La rupture est distinguée par une déformation radiale importante, soit l’apparition d’une forme de tonneau. Cet effet peut notamment être dû au frettage de l’éprouvette au contact des plateaux de la machine de compression. Ce phénomène a été premièrement observé sur des éprouvettes de béton [21, 25]. La non-rupture, ou la densification, se caractérise par une déformation axiale continue sans apparition de déformation radiale. C’est un phénomène observé sur des matériaux dont la structure est comparable à une mousse (mousse d’aluminium

Figure 6-5: À gauche, Effet tonneau [264]. à droite, déformation des mousses d'aluminium à la porosité ouverte [265].

Les méthodes de caractérisation de comportements en compression de matériaux incluent souvent des cycles de charge/décharge permettant d’évaluer un module d’élasticité [7, 10, 11, 14, 21]. Or, dans certains cas, ces cycles peuvent endommager le matériau. La Figure 6-6 présente, dans le cas d’une formulation de chaux-chanvre, l’influence d’un chargement cyclique [259]. Il apparaît que le passage par des cycles de charge/décharge, même dans la phase de densification (phase 3), n’endommage pas le matériau. Il est donc possible d’étudier le module d’élasticité sur plusieurs cycles, sans affecter le comportement global de l’échantillon et les résultats.

Figure 6-6: Comportement mécanique en compression d'un chaux chanvre à 28 jours de cure. effet d'un chargement cyclique [259].

Dans la littérature, les résultats de comportement mécanique sont souvent présentés en fonction de la masse volumique du matériau. Généralement, pour un même matériau, les performances mécaniques augmentent quasi-linéairement avec la masse volumique. Pour les matériaux de type béton bio-sourcé, il y a deux manières d’augmenter la masse volumique :

- L’ajout de liant, sachant que les masses volumiques particulaires du liant (terre≈2650 kg/m3 ,

chaux≈2500 kg/m3 , ciment≈3150 kg/m3) et du granulat (200 à 350 kg/m3) sont très différentes ; - Le niveau de compactage lors de la mise en œuvre.

La plage de masse volumique des bétons bio-sourcés et des mélanges de terre-chanvre fabriqués a été comparée à d’autres matériaux de construction dans le Chapitre 3. À ce propos, sachant que deux matériaux peuvent avoir des masses volumiques très différentes mais une compacité égale, il peut être préférable de comparer différent matériaux en utilisant leur compacité. Celle-ci correspond à la fraction volumique solide et rend directement compte de la part de solide par rapport aux vides (pores) dans le matériau. Elle ne prend pas en compte la masse des particules le composant. On calcule la compacité comme suit : 𝐶 = 𝑉𝑠

𝑉𝑇= 1 − 𝜂. Avec C la compacité, Vs le volume solide des particules, VT le volume total apparent du matériau étudié et 𝜂 la porosité.

La relation entre masse volumique, ou compacité, et grandeur mécanique (limite et module d’élasticité) peut être de différents types. Elfordy réalise une étude sur du mélange chaux-chanvre projeté et présente une relation de type loi puissance entre masse volumique et limite d’élasticité [138]. Des travaux sur des matériaux poreux à matrice cimentaire présentent une loi exponentielle sur une large gamme de masses volumiques [266]. Nguyen et Tronet, dans le cadre d’études sur le chaux-chanvre banché, présentent une relation linéaire entre compacité et caractéristiques mécaniques à la compression [6, 15].

Figure 6-7: Relation entre compacité et limite d'élasticité/module d'élasticité de matériaux chaux-chanvre [141].

Pour finir, le comportement mécanique de composites chaux-chanvre peut être modélisé en fonction de leur formulation. Tronet [141] présente deux relations permettant de lier la limite d’élasticité à la composition du matériau. Une relation utilisée pour les matériaux classiques du génie civil, dans laquelle seule la fraction volumique de liant et sa résistance à la compression sont prises en compte :

𝜎𝑒= 𝜎𝐿𝐿)𝑎

6-1

Avec σe la limite d’élasticité du composite, σL une résistance spécifique du liant, ΦL la fraction volumique solide de liant à l’état durci et enfin a une constante égale à 2 pour des matériaux cimentaires et de l’ordre de 3 pour une chaux Tradical®PF70 [259].

Or, dans son cas, les forts dosages en chenevotte rendent cette relation inadéquate. Les chènevottes, lorsqu’elles sont présentes en forte proportion volumique dans le mélange, jouent un rôle prépondérant sur le comportement mécanique du mélange, et notamment sur la valeur de la limite d’élasticité. Ainsi, un deuxième modèle est proposé par Tronet [141], prenant en compte cette fois la fraction volumique de granulat :

𝜎𝑒= 𝜎𝐿𝐿)𝑎+ 𝜎𝐺𝐺𝐺𝑀𝐴𝑋)𝑏

6-2

Avec 𝜎𝐺 une contrainte spécifique de la chènevotte correspondant à la resistance théorique pour un matériau complètement densifié, ΦGla fraction volumique solide de granulat et ΦGMAXla fraction volumique de chènevotte nécessaire à remplir tous les vides laissés par le liant.

La Figure 6-8 présente l’abaque proposé par Tronet [141]. Y sont reportés des points expérimentaux et les courbes modèles. On observe notamment en bas de chaque courbe une cassure correspondant au passage d’un modèle à l’autre, soit de la contribution prépondérante du liant à la contribution prépondérante de la chènevotte.

Figure 6-8: Limite d'élasticité en fonction du dosage en chènevotte dans les mélanges chaux-chanvre. Valeurs expérimentales et modèle [141].