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4. Stratification thématique

4.3. Les ombres

La côte est de l'île de Baffin compte parmi les endroits du monde où l'on retrouve les plus hautes falaises. Par l'effet combiné du relief et de la latitude élevée, les ombres couvrent à tout moment un pourcentage appréciable de cette partie du monde. Au moment de l'acquisition de l'image le soleil était à 37,54º au-dessus de l'horizon (métadonnées en annexe 5). Tout obstacle sur le terrain projetait donc une ombre sur une distance d'environ 130 % de sa hauteur. Étant donné les dimensions des vallées, ces ombres couvrent souvent plusieurs kilomètres carrés à la fois. Dans les complexes alpins, elles comptent pour près de 25 % de l'image. Sur l'image satellitaire, on remarque que les ombres se divisent en deux groupes aux propriétés spectrales distinctes : 1) les ombres portées sur la neige et 2) les ombres portées sur les autres surfaces. Sur la plupart des surfaces, les ombres créent des zones d'où presque aucun signal n'est renvoyé vers l'espace. Mais, comme le montre la figure 36, les surfaces de neige, elles, renvoient un signal nettement perceptible dans la partie bleue du spectre (par la réflexion du bleu du ciel).

Figure 36: Les ombres

La face nord mont Turnweather est haute de 1000 mètres. Une lumière bleutée est renvoyée de là où son ombre est portée sur la glace (A) et le névé (B). Dans l'ombre, la falaise rocheuse (C) et la moraine (D) renvoient un signal très faible dans toutes les parties du spectre lumineux. La neige peu transformée (E) renvoie un signal plus fort que la glace et le névé, qui est aussi amplifié par le rayonnement solaire réverbéré provenant des étendues de neige à la tête du glacier.

L’observation à l'écran des attributs de l'image segmentée indique que l'indice ETM1/(ETM1+2+3) constitue un bon critère pour faire une sélection brute de toutes les ombres dans l'image. On peut y appliquer une fonction d'appartenance qui sépare les ombres de la majorité des autres classes, mais qui inclut quand même des objets des classes « Sols non- végétalisés » et « Eaux » : 1) les lacs de toundra et 2) les champs de blocs colonisés par les lichens crustosés (figure 37). Nous verrons plus loin que les fonctions d'appartenance appliquées à ces classes d'eau et de sols ont aidé à limiter cette confusion. Ceci étant dit, l'indice ETM1/(ETM1+2+3+4+5), bien qu'apparenté a l'indice donné plus haut, constitue un attribut additionnel qui incorpore le signal infrarouge. Une fois appliqué à la classe Ombres, cet attribut permet de distinguer les ombres et les pierriers colonisés par les lichens. À cet indice s'ajoute la bande thermique (ETM6), qui vient préciser la distinction entre ces deux classes (les détails concernant l'ensemble des fonctions d'appartenance des classes, incluant les valeurs des attributs et la forme des courbes utilisés, sont donnés à l'annexe 8).

Figure 37: Les propriétés spectrales des ombres (A) les rendent difficiles à distinguer de certains complexes de haute d'altitude (B) et des lacs de toundra (C)

Le versant nord du mont Thor (1.) est dans l'ombre alors que son versant est (2.) arbore des pierriers colonisés par les lichens crustosés (3.) leur conférant une apparence sombre.

4.3.1. Ombre sur glacier vs Ombre

Il y a parmi les ombres de l'image ETM+ de nombreuses zones que l'on distingue nettement comme étant des parties de glaciers dans l'ombre de montagnes : elles renvoient une couleur bleutée très distinctive. Ceci se reflète bien dans le comportement spectral de ces zones d'ombres. En effet, plusieurs attributs spectraux séparent en deux nuages de points les échantillons d'ombres qui sont portées sur les glaciers et sur les autres surfaces. La figure 38 montre la répartition de ces

échantillons dans l'espace à deux dimensions que forment deux de ces attributs. La technique la plus efficace pour séparer ces deux groupes est de recourir à la classification au plus proche voisin. Les attributs identifiés par le logiciel comme étant les meilleurs pour cette opération sont :

le signal moyen pour la bande ETM1 ; l'indice ETM4/ETM5 ;

l'indice ETM1/(ETM2 + ETM3 + ETM4 + ETM5 + ETM6) ; l'indice ETM6/(ETM1 + ETM2 + ETM3 + ETM4 + ETM5) ; l'indice ETM1-ETM2.

Figure 38: Les ombres dans l'image ETM+ forment deux groupes distinctifs selon que l'ombre est portée sur un glacier (surface de neige ou glace) ou sur un autre type de surface

La photo-interprétation de l'image permet de créer des échantillons qui reflètent le comportement spectral de ces deux classes. Les deux attributs utilisés ici font partie d'un groupe d'attributs employé pour une classification au plus proche voisin de ces deux classes. La représentation en deux dimensions donnée ici laisse croire à une confusion entre les deux classes, mais la classification, elle, se fait dans un espace à cinq dimensions, où les nuages de points se séparent beaucoup plus complètement.

4.3.2. Ombre sur falaise

Le territoire du PNC Auyuittuq est à ce point accidenté que de grandes superficies du territoire sont exemptes de sols. En effet, lorsque la pente excède un certain seuil, plus aucun matériel meuble ne parvient à s'accrocher au substratum rocheux. Ainsi sont exposées les nombreuses falaises dans le secteur d'étude. Nous nous sommes servis du MNA du projet pour préciser et utiliser ce seuil comme critère de classification. Toutefois, comme l’effet de moyenne qui s’opère à la fois dans les pixels du MNA et dans les segments du projet cause une sous-estimation du degré de pente réel des falaises, on ne précise pas un degré de pente exact, mais plutôt une mesure relative de la pente.

Toutes les falaises faisant face au nord-ouest, au nord et au nord-est étaient dans l'ombre au moment de la prise de vue. Évidemment, l'ombre que projette une falaise peut aussi couvrir une partie du territoire se trouvant au pied de la falaise. Or celui-ci peut être de toute nature : moraine, plan d'eau, végétation, etc. C'est donc dire que, bien qu'aucun signal discernable ne nous soit retourné dans les zones d'ombre, on peut diviser celles-ci et deux groupes en fonction de la pente : 1) les falaises ombragées et 2) les autres zones d'ombre. La classe «Ombre sur falaise» reprend donc les critères spectraux qui décrivent la classe «Ombre», mais ne comprend que les objets dont la pente est plus forte.

4.3.3. Ombres sur replat

Nous venons de voir que les falaises ombragées ont pu être classées à part. Nous avons aussi vu que l'ombre portée sur la neige et la glace peut, elle aussi, constituer une classe distincte. Bien qu'elles touchent une variété de surfaces, tout ce qu'on sait des ombres qui restent, c'est que les régions touchées sont des zones relativement planes au pied d'une proéminence topographique. Aussi nommons-nous ce groupe « Ombre sur replat ». En plus des critères hérités de la classe « Ombre » cette classe comporte une contrainte liée au degré de pente, de sorte que seules les zones en faible pente peuvent y être incluses.