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6. Discussion

6.4. Exportabilité de la structure de classification

Parmi les retombées potentielles d'un travail comme le nôtre, il y a la possibilité d'appliquer, sur de nouvelles images, les règles élaborées pour l'analyse de l'image classifiée. Dans notre cas, nous savons d'ores et déjà que l'application directe de ces règles n'est pas possible car plusieurs classes requièrent que des segments-échantillons soient étiquetés dans l'image avant que ne s'opère la classification. Nous savons aussi qu'une telle démarche exigerait qu'une correction atmosphérique parfaite puisse être faite des images avant la classification. Song et al. (2001) affirment cependant qu'il n'est pas nécessaire de faire cette correction lorsque les signatures spectrales des classes peuvent être dérivées indépendamment dans chacune des images à classifier. Partant donc du principe qu'un ajustement des règles de classification serait requis, nous avons évalué si la structure de notre analyse pouvait être appliquée à une image différente et

livrer une classification comparable. À cette fin, nous avons transposé les règles de segmentation

et de la classification adoptées pour l'image ETM+ du 13 août 2000 à une image ETM+ acquise le

1er août 2002. Ces deux images ont en commun une portion de territoire située entre la calotte

glaciaire de Penny et la baie de Cumberland, dans le secteur sud-ouest du PNC Auyuittuq (figure 57). Comme les deux images sont prises sensiblement à la même saison et avec seulement deux ans d'écart, on peut s'attendre à ce que la réalité de terrain soit restée relativement la même. C'est aussi ce qui nous permet de vérifier si de simples ajustements suffiront à adapter la structure de notre classification à la nouvelle image. L'exercice de transposition réalisé se limite aux classes plus générales de notre structure, dont la description ne repose que sur des règles chiffrées, sans faire appel à la classification au plus proche voisin.

Figure 57: La partie sud-ouest du parc national du Canada Auyuittuq est couverte tant par l'image ETM+ du 13 août 2000 que par celle du 1er août 2002

Aux fins de la comparaison, nous nous sommes concentrés sur une région d'environ 4 600 km2

située juste au sud du lac Greenshield (figure 58). Cette portion d'image a été segmentée puis classifiée en suivant exactement les mêmes étapes pour l'image de 2002 que pour celle de 2000. Évidemment, la limite neige-glace ou la turbidité de l'eau peuvent différer d'une saison à l'autre. D'ailleurs, c'est ce qu'on observe en inspectant les deux images. On s'attend donc à ce que la classification diffère quelque peu d'une image à l'autre. Par contre, l'étendue de la végétation ou encore la position des plans d'eau devraient normalement être à peu près équivalentes dans les deux images.

Figure 58: Une portion de territoire d'environ 4 600 km2 a été tirée de deux images satellitaires pour tester la stabilité de la structure de classification

La limite neige-glace ou la turbidité de l'eau peuvent différer d'une image à l'autre, mais on s'attend à ce que la limite de la végétation et position des plans d'eau y soient a peu près équivalentes. Note : la portion plus pâle qu'on voit dans la partie centre-gauche de l'image de 2002 est due à un nuage.

L'application directe de notre structure de classification à l'image de 2002 donne des résultats très différents de ceux qu'on a obtenus avec l'image de 2000 (figure 59). En effet, les « Dénudés » et les « Complexes de haute altitude » y disparaissent presque complètement au profit de la végétation, ce qui n'est pas du tout raisonnable. La végétation y englobe aussi de nombreux plans d'eau. On doit donc conclure que la structure que nous avons donnée à notre classification n'est pas facilement « exportable ». Toutefois, il nous a été possible, au terme de plusieurs ajustements, d'adapter cette structure aux propriétés de cette nouvelle image, et ainsi en faire une classification se rapprochant de ce que suggère l'interprétation visuelle de l'image.

À titre d'exemple, voyons comment les valeurs de NDVI changent d'une image à l'autre. Le NDVI figure parmi les attributs importants pour la classification de la végétation. Dans le cadre de notre projet, les relevés effectués sur le terrain nous ont aidés à fixer à -0,05 la limite en-deçà de laquelle un objet serait exclu de la classe Végétation. Cette valeur est spécifique à l'image acquise le 13 août 2000. En effet, divers facteurs contribuent à faire varier le NDVI sur diverses échelles de temps. Pour l'image de 2002, qui fut prise plus tôt dans la saison végétative, nous noterons que l'angle solaire est de presque 10 % supérieur (40,5º vs 37,5º). En appliquant le même seuil de NDVI à cette image, on s'aperçoit qu'un beaucoup plus grand territoire respecte ce critère minimal (figure 60). Or, on sait pertinemment que plusieurs surfaces non-végétales sont incluses dans ce territoire. Les propriétés spectrales de cette image nous obligent donc à fixer un nouveau seuil pour en délimiter correctement les parties végétalisées. On fait alors grimper à 0,2 le NDVI que doit posséder un objet pour pouvoir potentiellement être admis dans la classe Végétation.

Figure 59: L'application, à une nouvelle image, des règles de classification développées pour l'image ETM+ du 13 août 2000

L'application directe des règles livre des résultats insatisfaisants mais la structure peut en être ajustée, ce qui améliore nettement la nouvelle classification.

Figure 60: Les segments ayant un NDVI supérieur à un seuil donné sont affichés en couleur

Pour l'image du 13 août 2000, le seuil minimal pour la végétation fut fixé à -0,05. Si on utilise ce même seuil pour l'image de 2002, c'est un territoire beaucoup plus grand qui est admis. Pour retrouver une répartition spatiale similaire à celle qui fut déterminée pour l'image de 2000, il nous faut déplacer le seuil de NDVI à la valeur de 0,2.

Comme nous l'avons fait pour le NDVI, nous avons ajusté 14 des 74 règles de classification pour les adapter à l'image du 1er août 2002 (rappelons que cette structure est simplifiée par rapport à

celle du projet principal, qui comporte beaucoup plus de règles). Ces ajustements touchent plus particulièrement sept attributs. Les détails sont présentés au tableau 7.

Les ajustements qui sont listés ci-hauts sont assez simples à faire et ne demandent pas un grand effort d'analyse. Ceci nous encourage donc à dire que la classification est relativement facile à transposer d'une image à l'autre. Par contre, quand on s'attarde aux détails de la seconde classification, on s'aperçoit que de nombreux ajustements fins seraient nécessaires pour atteindre une classification vraiment satisfaisante. Dans le cadre du test que nous avons mené, par exemple, on remarquera que plusieurs plans d'eau « noire » n'ont pas été relevés. Or, les attributs utilisés lors de la classification originale ne suffisent pas pour éliminer cette confusion. Dans de tels cas, il conviendrait de reprendre les analyses spectrales dans l'espoir d'identifier des attributs nouveaux qui, pour cette nouvelle image, livreraient la séparabilité voulue.

Tableau 7 : Les ajustements apportés pour adapter les règles de classification d'une première image aux propriétés spectrales d'une seconde image

L'attribut visé, le type de fonction utilisée et les valeurs limites sont donnés pour les diverses classes touchées par ces ajustements.

Classe Attribut Avant ajustement Après ajustement

Végétation NDVI

-0,05 0,05 0,38 0,42

Sols non-végétalisés NDVI

-0,4 0,2 -0,3 0,52 CHA ETM6/(ETM1+2+3) 1 2,2 1 24 Dénudés ETM6/(ETM1+2+3) 0,4 1,3 0,2 3,2 Fluvioglaciaire ETM6/(ETM1+2+3) 1 1,2 2,2 2,9 Fluvioglaciaire ETM5/(ETM1+2+3) 0,4 0,7 1.1 1.8

Neige et roc ETM6/(ETM1+2+3)

0,4 0,5 0,2 0,5

Eau bleue ETM3/(ETM1+2+3)

0,2 et - 0,27 et -

Eau noire ETM1

1 40 0,01 40

Fonte ETM4/ETM3

0,52 0,53 0,72 0,73

Glace distale ETM4/ETM5

5,9 6,1 11 12

Glace proximale ETM4/ETM5

5 10 7 14

Neige ETM4/ETM5

7,5 8,5 11 12

Eau turbide ETM2/(ETM1+2+3)