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3. Prise en compte de l’environnement par la PPE

3.3. Offre d’énergie

Plusieurs figures de cette partie (particulièrement dans le chapitre 4 sur la chaleur) présentent les productions réelles sur la ou les décennies passées, sans fournir les valeurs les plus récentes (certaines s’arrêtent à 2010), ni les objectifs aux échéances de la PPE en 2018 et 2023 (par exemple aux figures 24 à 28). Il conviendrait des les compléter dans le dossier qui sera mis à la disposition du public.

Par certains aspects, dans le domaine de l’électricité, cette partie de la PPE prolonge une vision très centralisée d’une production de base.

3.3.1. Sortie du charbon

L’Ae a bien noté la forte volonté de ne plus utiliser les centrales électriques à charbon à l’horizon 2023 (hors capture et stockage du carbone), même si le dossier reste imprécis sur la trajectoire réellement anticipée. La perspective d’une « reconversion à la biomasse » de ces centrales est affichée. Cette volonté entre pourtant en contradiction avec le « principe de priorisation des usages du bois-énergie en fonction de leur efficacité, en favorisant la production de chaleur », affirmé au chapitre consacré à la biomasse. Il a, en fait, été précisé à l’Ae que les éventuelles reconversions ne se feraient pas à puissance égale.

L’Ae recommande de préciser ce que le dossier entend sous le terme de « reconversion à la biomasse ».

51 Sur le stockage d’électricité photovoltaïque, par hydrolyse d’une part, et par batteries d’autre part. L’Ae avait d’ailleurs émis des recommandations sur ces questions dans les avis correspondants.

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Le cas du charbon consommé dans l’industrie ou dans les réseaux de chaleur n’est pas abordé.

L’Ae recommande de fournir des données sur la consommation énergétique de charbon dans l’industrie et les réseaux de chaleur, et d’expliquer quels dispositifs permettent de se diriger vers une sortie du charbon, ou de prévoir de tels dispositifs.

3.3.2. Gaz

La partie de la PPE consacrée au gaz constate une consommation stable voire décroissante. Elle est fondée sur une réduction de la consommation (« tendance baissière partagée par tous les acteurs lors des ateliers PPE ») et prévoit que la structure de l’approvisionnement gazier pourrait évoluer significativement à l’horizon 2020. Elle n’en tire pas de conséquences quant aux évolutions du réseau à prévoir – ou quant à l’absence d’une telle nécessité, dans un contexte où l’objectif de fusion des zones tarifaires a justifié l’autorisation de nombreux projets dans les années récentes.

L’Ae recommande de poursuivre le raisonnement sur l’énergie « gaz » pour indiquer les projets de développement du réseau de transport de gaz qui resteraient compatibles avec l’objectif de diminution de la consommation inscrit dans la loi.

L’Ae a bien noté le débat déclenché par la possibilité qu’une partie des importations de gaz portent sur du gaz de schistes. Au-delà des questions de traçabilité, elle note que ces évolutions possibles, ainsi que la perspective d’une augmentation de la part du gaz naturel liquéfié (GNL), seront de nature à dégrader l’empreinte carbone moyenne du gaz consommé en France. Il paraîtrait donc pertinent que le facteur d’émission du gaz soit remis à jour régulièrement.

L’Ae recommande de préciser comment le facteur d’émission du gaz consommé en France sera mis à jour, pour rendre compte notamment de l’évolution des importations.

3.3.3. Hydroélectricité

La rédaction du chapitre du volet « offre d'énergie » consacré à l’hydroélectricité, et la partie de l’évaluation environnementale correspondante, font peu apparaître la distinction entre petite et grande hydroélectricité, alors que les ordres de grandeur et les impacts rapportés à la quantité d’énergie produite ne sont vraisemblablement pas les mêmes.

L’Ae recommande de faire plus clairement la distinction entre petite et grande hydroélectricité.

Une des orientations retenues est d’« engager d’ici 2023 des projets de stockage sous forme de STEP52, en vue d’un développement de 1 à 2 GW de capacités entre 2025 et 2030 ». Cette orientation peut déboucher sur des projets de taille importante. L’évaluation environnementale stratégique est donc l’endroit où préciser quels types de projets (augmentation de puissance d’installations existantes, ou création de nouvelles retenues) sont à prévoir, quels sites sont pressentis, et quels critères, notamment environnementaux, seront à prendre en compte dans le choix et le dimensionnement des projets.

L’Ae recommande de préciser le développement visé des STEP, pour 1 à 2 GW, en indiquant plus précisément quels types de projets devront être mobilisés, quels critères environnementaux seront à prendre en compte, et si des sites sont déjà identifiables.

52 Station de transfert d’énergie par pompage : dispositif utilisant deux réservoirs à des altitudes différentes, le pompage de l’eau du réservoir aval vers le réservoir amont permet de stocker de l’énergie.

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3.3.4. Électricité nucléaire

Le volet nucléaire est extrêmement et étonnamment court (deux pages) et traite très brièvement de questions et d’enjeux particulièrement complexes. Il prend acte de ce qu’un décret de fermeture des deux réacteurs de Fessenheim sera pris avant la fin de 2016, alors que le plafonnement à 63,2 GW de la capacité nucléaire ne crée une contrainte réelle sur l’exploitant qu’à partir de sa demande de mise en service de nouveaux réacteurs. Le dossier ne précise pas l’échéance prévisible de demande de mise en service de l’EPR de Flamanville ni l’articulation des délais réglementaires entre ces deux opérations, ce qui permettrait au lecteur de comprendre l’enchaînement des dates annoncées. Il n’évoque pas non plus les perspectives, pourtant prévues par la loi et rappelées dans le PNGMDR, de dépôt de demande d’autorisation avant 2020 pour un réacteur à neutrons rapides expérimental (ASTRID), et dans quelle mesure ces perspectives sont compatibles avec les objectifs fixés par ce volet de la PPE.

L’Ae recommande de compléter le volet nucléaire, et notamment d’expliciter le calendrier de mise en service de l’EPR de Flamanville et du réacteur à neutrons rapides expérimental Astrid.

3.3.5. Éolien en mer

La procédure d’évaluation environnementale des projets éoliens en mer avec étude d’impact des projets est présentée de manière particulièrement optimiste et insistante comme répondant à un

« haut niveau d’exigence environnemental » qui permettrait d’éliminer les zones « qui poseraient des questions importantes en termes d’environnement ». L’Ae souscrit totalement à l’objectif d’un choix des zones par l’Etat sur la base de critères environnementaux qui va dans le sens des recommandations faites par l’Ae à l’État dans ses avis précédents sur les parcs éoliens en mer53 : la démonstration du caractère optimal au vu de l’environnement des zones retenues pour ces appels d’offres n’avait jusqu’ici jamais été apportée. Or il est difficile pour un industriel de justifier le positionnement de son parc, quand ce positionnement était déjà décidé dans l’appel d’offres auquel il a répondu.

L’Ae souligne la nécessité de justifier, au regard de considérations environnementales, les implantations choisies pour les parcs éoliens, et recommande de procéder à des évaluations environnementales stratégiques en amont des appels d’offres.

3.3.6. « Biocarburants »54

La PPE prévoit le plafonnement des agrocarburants de première génération, la préservation des investissements réalisés en la matière, ainsi que la définition et le développement de biocarburants « avancés », issus de déchets ou de résidus agricoles, et réputés ainsi ne pas exercer de pression significative sur les productions alimentaires et sur l’usage des sols. L’Ae souligne que :

 le maintien d’un statu quo quant au taux d’incorporation dans les carburants d’agrocarburants de première génération est peu satisfaisant, tant il semble contraire à

53 Ainsi, dans l’avis n° Ae 2015-11 sur le parc éolien en mer au large de Saint-Nazaire, l’Ae a estimé « que l’État devrait donner un poids plus important aux critères ERC dans les appels à projets ultérieurs afin de mieux répondre aux objectifs de la DSCMM et aux exigences de protection des habitats et des espèces, particulièrement celles relevant de Natura 2000, ainsi que de protection des paysages » et a regretté, au sujet de l’insuffisante connaissance environnementale du milieu marin, « que la décision nationale de développer l’énergie éolienne offshore n’ait pas été aussitôt accompagnée de l’effort de recherche approprié pour compléter ces connaissances ».

54 L’Ae reprend ici le terme utilisé par le dossier, qui recouvre notamment les agrocarburants de première génération.

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l’intitulé même de la loi « de transition » dont résulte la PPE. En tout état de cause, et sans préjuger du choix du seuil maximal d’incorporation d’agrocarburants de première génération, l’évaluation environnementale de la PPE devrait proposer un bilan, au moins énergétique et environnemental, de leur production telle qu’elle s’est développée en France.

 il est indispensable que le développement des biocarburants avancés fasse l’objet d’un suivi rigoureux, n’excluant pas la possibilité d’effets pervers. Il n’est pas impossible, en effet, que les matières aujourd’hui désignées comme des déchets et résidus deviennent, avec la structuration de la filière permettant leur transformation, des coproduits d’une valeur suffisante pour influencer les pratiques culturales. Ceci rouvrirait alors, peut-être dans des proportions différentes, le même type de débat qui a porté sur les agrocarburants de première génération.

De fait, la PPE constate que l’objectif, fixé par la loi, de 15 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale de carburant à l’horizon 2030 « nécessitera d’accroître le taux d’incorporation de biocarburants mais surtout nécessitera le développement de carburants alternatifs, notamment le biogaz ou l’électricité [renouvelable] ».

Concernant les biocarburants, l’Ae recommande :

 de proposer un bilan énergétique et environnemental de la production de agrocarburants existante en France,

 de justifier explicitement le choix de ne pas limiter l’incorporation d'agrocarburants de première génération plus fortement que ce qu’impose la directive 2015/1513,

 d’expliquer comment les impacts des biocarburants avancés seront évalués, en référence ou non aux méthodes proposées par la directive.

Plus largement, la PPE ne permet pas d’obtenir une vision claire des flux d’énergie associés au secteur agricole : consommations d’énergie directes et indirectes, énergie contenue dans les produits agricoles intermédiaires et finaux. Selon l’Ae, il serait utile de produire une analyse de ces flux, en expliquant les spécificités des différents systèmes de production, notamment pour pouvoir ensuite évaluer comment les dispositions de la PPE en rapport avec l’agriculture (biocarburants et méthanisation, principalement) modifient ces flux.

L’Ae recommande de fournir dans la PPE un bilan des flux d’énergie associés à l’agriculture, et d’évaluer les incidences que les mesures inscrites à la PPE exercent sur ce bilan.

3.3.7. Usage des sols

Le développement des énergies renouvelables implique bien souvent une modification de l’usage des sols afin de capter les rayons du soleil ou l’énergie du vent. Les surfaces concernées sont très différentes selon la forme d’énergie mise en œuvre, le rendement de captation des photons étant très variable selon que l’on produit de la chaleur, de l’électricité photovoltaïque ou de la biomasse.

L’impact sur les sols, la biodiversité et le paysage est également très différent selon que l’on mobilise des espaces naturels, des espaces agricoles, des voies de communication ou des espaces bâtis.

La PPE ne base pas de façon explicite les choix de modes de production d’énergie sur l’utilisation des sols. L’Ae considère que ce type d’entrée dans le sujet permettrait de connaître où se situent les gisements d’énergie renouvelable et de mieux comprendre la rationalité des choix effectués.

Par ailleurs, en lien avec les remarques du paragraphe 2.6.2 du présent avis, l’Ae souligne que de

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telles informations sur les surfaces mobilisées sont indispensables pour évaluer les impacts sur l’artificialisation des sols et en conséquence les raisons environnementales des choix opérés.

L’Ae recommande d’intégrer à la PPE un chapitre sur l’utilisation des surfaces pour la production d’énergie et son lien avec la disponibilité des sources d’énergie renouvelable et l’impact sur les sols, la biodiversité et le paysage.

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