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Partie II : Oestrogènes et métabolisme glucidique

III. Influence des oestrogènes sur la physiopathologie du diabète de type 2

III.1. Oestrogènes et insulino-résistance

L’insulino-résistance se définit comme la diminution de l’action de l’insuline sur ses tissus cibles : muscle, foie et tissu adipeux. Elle est biologiquement identifiée par la quantité de glucose transporté ou utilisé par les muscles et le tissu adipeux, ou par l’organisme entier le cas échéant. Nous reverrons ci-après sur les données actuellement disponibles concernant l’impact des oestrogènes sur ces différents organes.

III.1.1. Le foie

L’insulino-résistance hépatique se traduit par une moindre capacité de l’insuline à inhiber la production hépatique de glucose, mais aussi par une dérégulation de la synthèse et du stockage des triglycérides.

Les premières études chez des souris déficientes en aromatase ont mis en évidence le rôle important des oestrogènes dans la modulation de l’expression de gènes impliqués dans la β-oxydation des lipides et dans le maintien de l’homéostasie hépatique des lipides (Nemoto et al. 2000). Cette dérégulation du métabolisme des lipides au niveau hépatique est retrouvée chez les souris ERα -/-, montrant une insulino-résistance qui conduit à une stéastose hépatique (Bryzgalova et al. 2006). Un traitement de trente jours par l’oestradiol augmente l’expression du gène Lepr codant le récepteur de la leptine, et diminue l’expression de gènes d’enzymes impliqués dans la synthèse hépatique des lipides comme Scd1.

stimulant rapidement l’expression hépatique de Stat3, conduisant ainsi à la diminution de l’expression des gènes de la lipogénèse hépatique. L’oestradiol active la phosphorylation de la Tyrosine 705 de Stat3, mais stimule également Stat3 via son récepteur ERα qui se fixe sur les sites CRE et SBE situés dans la région promotrice de Stat3 (Gao et al. 2006)

L’amélioration de la voie de signalisation de l’insuline au niveau hépatique par les oestrogènes semble également passer par une régulation positive de l’expression du récepteur de l’insuline (Gonzalez et al. 2002). Koricanac et al., en 2007 mettent en évidence, chez des rattes Wistar ovariectomisées, qu’un traitement aigu par l’oestradiol induit une augmentation de l’expression du récepteur de l’insuline dans le foie (Koricanac et al. 2008).

III.1.2. Le muscle squelettique.

Dans le muscle squelettique de sujets diabétiques de type 2, l’altération de la translocation à la membrane plasmique du transporteur de glucose GLUT4 explique la diminution de l’utilisation de glucose. Or, l’expression de GLUT4 à la membrane plasmique des cellules du muscle squelettique semble être influencée par la signalisation du récepteur α aux oestrogènes. En effet, l’expression de GLUT4 est très réduite chez les souris ERα -/-, ce qui n’est pas le cas des souris ERβ -/-. En 2006, Barros suggère que ERβ joue, au contraire, un rôle de répresseur de l’expression de GLUT4, puisque le diarylpropiolnitrile (DPN), agoniste de ERβ, régule négativement GLUT4 dans les souris ArKO (Barros et al. 2006).

Récemment, l’équipe de Gonzalez a permis une meilleure compréhension du rôle de l’oestradiol chez des rats rendus diabétiques par l’injection de streptozotocine. En effet, dans un premier temps, les faibles taux plasmatiques d’oestradiol augmentent la présence de GLUT4 à la membrane et améliorent ainsi la sensibilité à l'insuline. Les effets négatifs de l'hyperglycémie sur l’association de la sous-unité p85α avec IRS-1 et le taux d’IRS-1 ne sont pas totalement réversés. Toutefois, des taux plasmatiques élevés d’oestradiol semblent inverser les effets négatifs de l'hyperglycémie. L’administration d’ oestradiol augmente le taux de GLUT4 à la membrane plasmatique, ainsi que l’association de la sous-unité p85α avec IRS-1 et le taux de protéines IRS-1 ce qui améliore la sensibilité à l’insuline (Ordonez et al. 2007; Ordonez et al. 2008).

Le muscle est également un lieu de lipogénèse et d’oxydation des acides gras. L’étude de D’Eon en 2005 identifie deux nouvelles actions des oestrogènes concernant l’augmentation de l’oxydation des graisses dans le muscle. Tout d’abord, les oestrogènes régulent positivement l’expression du facteur de transcription PPAR-δ, et des protéines cibles situées en aval comme la lipoprotéine Lipase (LPL), ou encore ACOX (Acyl-Coenzyme A Oxidase), PDHK (Pyruvate Dehydrogenase Kinase), UCP2 et UCP3 (Uncoupling protein 2 and 3), ce qui permet d’augmenter la captation des acides gras libres qui seront immédiatement oxydés. Ceci s’accompagne également d’une inhibition de la voie de la lipogénèse par le traitement chronique à l’oestradiol par la diminution de l’expression de SREBP-1 et de ses cibles FAS (fatty acid synthase) et ACC-1 (acetyl-CoA carboxylase) dans le muscle (D'Eon et al. 2005).

En plus des effets génomiques, les oestrogènes améliorent également l’oxydation des graisses en activant l’AMPK (5' adenosine monophosphate-activated protein kinase). Dans le muscle, le traitement par l’oestradiol augmente la phosphorylation de la Thr 172 de l’AMPK- α (D'Eon et al. 2005). Il est connu que l’AMPK, par des signaux intracellulaires, inactive l’ACC, ce qui prévient la synthèse de malonyl-CoA, un métabolite nécessaire à la synthèse de triglycérides.

Les oestrogènes ont donc une action positive sur le métabolisme du muscle en activant les voies de signalisation impliquées dans l’oxydation des acides gras, et de façon concomitante en diminuant le stockage des triglycérides par inhibition de la lipogénèse.

III.1.3. Le tissu adipeux

La résistance à l’insuline du tissu adipeux joue un rôle important dans la physiopathologie du diabète de type 2. Or, les oestrogènes semblent avoir un impact favorable sur la sensibilité à l’insuline en influençant certaines voies métaboliques au niveau du tissu adipeux. En effet, dans les modèles murins, il est admis que les oestrogènes régulent la quantité de tissu adipeux blanc chez la femelle et le mâle. Il a été démontré que l’absence de ERα induit une hyperplasie et une hypertrophie du tissu adipeux blanc, accompagnées par une insulino-résistance et une intolérance au glucose (Heine et al. 2000; Cooke et al. 2001).

Des études in vitro, dans les adipocytes 3T3-L1, indiquent que l’oestradiol, via ERα,

améliore la sensibilité à l’insuline en augmentant la phosphorylation des tyrosines de IRS-1, sans affecter pour autant ni la phosphorylation du récepteur de l’insuline, ni l’expression de la

adipocytes 3T3-L1, montre que de faibles concentrations d’oestradiol (10-8 M), stimulent l’association de IRS-1 avec la sous unité p85 de la phosphoinositide 3-kinase (Pi3-kinase) et augmentent également la phosphorylation de la Ser 473 et Thr 308 de Akt (Nagira et al. 2006).

Dans le cadre du diabète de type 2, l’expansion du tissu adipeux se traduit souvent par une augmentation des taux circulants d'AGL (Randle 1998). Or, il s’avère que l’administration chronique d’oestrogènes induit une diminution de la taille des adipocytes. Ceci peut être relié à une régulation positive de la voie lipolytique (Darimont et al. 1997). En effet, au niveau des gouttelettes lipidique du tissu adipeux, l’oestradiol augmente le taux de perilipine, un régulateur protéique clef de la lipolyse. Sur des adipocytes isolés de souris ovariectomisées supplémentées en oestradiol depuis un mois, le taux de lipolyse basal est plus bas que celui d’adipocytes issus de souris ovariectomisées non supplémentées, mais après stimulation par épinéphrine, la lipolyse est très nettement augmentée. Cette augmentation s’accompagne d’une augmentation du niveau protéique de périlipine, mais pas de l’expression de l’ARNm, suggérant une régulation post-traductionnelle (D'Eon et al. 2005). Un des mécanismes par lesquels les oestrogènes préviennent l’accumulation de masse grasse pourrait donc être la réduction de l’accumulation de triglycérides dans le tissu adipeux.

De plus, comme dans le muscle, le traitement oestrogénique prévient la lipogénèse en diminuant l’expression de SREBP-1c et d’un de ses régulateurs positifs, LXR-α. Comme expliqué précédemment, l’expression de SREBP-1c est diminuée directement par l’oestradiol via la séquence ERE de son promoteur ou via l’AMPK activée par l’oestradiol de façon non- génomique. SREBP-1c promeut alors l’expression de gènes comme ACC-1 et FAS (D'Eon et al. 2005).

Précédemment, nous avons vu que l’ostéopontine jouait un rôle dans l’infiltration des macrophages au sein du tissu adipeux et dans le développement de la résistance à l’insuline lors de l’obésité (Nomiyama et al. 2007). Or depuis les années 1990, il est connu que les œstrogènes régulent la synthèse de l'ostéopontine (Craig et al. 1991). Notre équipe a récemment démontré que l’accélération de la réparation endothéliale par l’oestradiol nécessite l’ostéopontine, aussi bien pour le recrutement des cellules dérivées de la moelle osseuse que pour la migration et la prolifération des cellules endotheliales (Leen et al. 2008).

III.1.4. Implication de l’endothélium

Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, l’endothélium joue un rôle régulateur important pour la capture du glucose au niveau du muscle squelettique. Or, les oestrogènes sont connus pour potentialiser la production endothéliale de NO. Plusieurs mécanismes participent à la majoration de l’activité du NO par l’E2 : l’augmentation de l’expression et/ou de l’activité de la NO synthase endothéliale (eNOS) (Binko et al. 1998), l’augmentation de la biodisponibilité du NO (Arnal et al. 1996). De plus, les oestrogènes peuvent augmenter de façon rapide l’activité de la NO synthase via des effets non génomiques initiés à la membrane.

Plus récemment, notre groupe a démontré que l’E2 augmente la production basale de NO par l’endothélium chez la souris, et que cet effet est exclusivement relayé par le ERα (Darblade et al. 2002). Une autre étude sur des cellules endothéliales bovines a révélé la présence d’oestradiol prévient la réduction de la production de NO basal en présence de fortes concentrations de glucose (Miyazaki-Akita et al. 2007). L’administration d’oestradiol, via ERα, antagonise la régulation négative de la eNOS par l’hyperglycémie.

Ces données indiquent que, par leurs effets sur la biologie du NO, les oestrogènes pourraientt s’avérer bénéfiques dans la préservation de la sensibilité à l’insuline, en exerçant un effet protecteur contre la dysfonction vasculaire induite par l’hyperglycémie.

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