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6.2.1 Paramètres atmosphériques

Les premières estimations des paramètres atmosphériques de PG 1605+072 sont don-nées par Koen et al. (1998a), à partir de spectres basse et moyenne résolution obtenus au 1.9-m du SAAO. Le fit des raies de Balmer avec des modèles atmosphériques LTE d’hydrogène pur (vu la détection marginale de raies d’hélium dans leurs spectres) permet de déterminer une température effective Teff =32 100 ±1000 K et une gravité de surface

log g = 5.25 ± 0.1. A noter qu’aucun indice spectroscopique en faveur d’un compagnon

(raies parasites comme le calcium, rougissement par contamination, etc.) n’est détecté, ceci tendant à confirmer le statut solitaire de PG 1605+072.

Un spectre à haute résolution (∼ 0.1Å) de PG 1605+072 a également été obtenu

avec le spectrographe HIRES installé au télescope 10.0-m Keck I (Heber, Reid, & Werner 1999). Analysés avec plusieurs types de modèles LTE et NLTE, par une procédure de fit des raies de Balmer et de l’hélium HeI et HeII, les auteurs adoptent une valeur moyenne

de Teff =32 300 ± 300 K, logg = 5.25 ± 0.05 et log N(He)/N(H) =−2.53 ± 0.1.

Enfin, dans le cadre de notre programme de détermination homogène des caractéris-tiques atmosphériques des étoiles sdB (Green et al., en préparation), des spectres ont été

obtenus au télescope de 2.3-m de Kitt Peak à basse résolution (∼9Å), et au 6.5-m MMT

à résolution moyenne (∼ 1Å). La modélisation de ces spectres avec les procédures de G.

Fontaine, présentée à la figure 6.2, donne respectivement Teff = 32 940 ± 450 K et log g

= 5.31 ±0.08 pour le 2.3-m, Teff = 32 660 ±390 K et log g = 5.26 ±0.05 pour le MMT.

Il est à noter que les erreurs mentionnées ici correspondent à une estimation des erreurs réelles, tandis que celles de la figure 6.2 sont les erreurs formelles du fit.

Fig. 6.2: Modélisation (trait plein) des raies de Balmer de l’hydrogène et des raies de l’hélium

pour les spectres optiques à haut S/N de l’étoile PG 1605+072 obtenus au 2.3-m de Kitt Peak (basse résolution, panneau gauche) et au 6.5-m MMT (résolution moyenne, panneau droit).

Toutes ces estimations, obtenues à partir de spectrographes différents et des modèles atmosphériques indépendants, confirment la particularité de PG 1605+072 : une faible gravité de surface, largement inférieure à celles de toutes les étoiles sdB pulsantes à courtes périodes connues. Cette caractéristique peut s’expliquer par le fait que PG 1605+072 serait significativement plus âgée que les autres étoiles EC 14026, et aurait déjà achevé la combustion centrale de l’hélium qui marque la fin de la vie sur la branche horizontale extrême. Si tel est le cas, PG 1605+072 devrait maintenant évoluer très rapidement vers la séquence de refroidissement des naines blanches (Dorman et al. 1993), ce qui est cohérent avec le fait qu’elle soit pour l’instant un objet aux caractéristiques uniques parmi la classe des étoiles sdB pulsantes à courtes périodes.

6.2.2 PG 1605+072, un rotateur rapide ?

L’analyse des mesures spectroscopiques de PG 1605+072 révèle d’autres surprises. Un élargissement des raies spectrales ("line broadening") est visible sur les raies métalliques

des spectres de résolution suffisante, et sa valeur de 39 km s1 a été mesurée pour la

première fois par Heber et al. (1999). Leur spectre Keck/HIRES d’un temps d’intégration de 600 s, supérieur à la plus longue période de pulsation, combiné à l’absence de mesure des variations de vitesse radiale ne permet pas de déterminer formellement l’origine de cet élargissement de raies. L’explication "naturelle" est celle d’une rotation rapide de l’étoile, la valeur de 39 km s1 correspondant alors à la vitesse de rotation projetée Veqsini

("rotational broadening"). Ceci contraint naturellement la période de rotation à Prot <

8.7 h en l’absence d’indication concernant l’inclinaison. Cette rotation rapide supposée permet alors d’expliquer la richesse du spectre de pulsation de PG 1605+072, par la levée de dégénérescence des fréquences propres selon l’indice angulaire m (voir section 1.3.4). L’idée d’une rotation rapide avait été émise la même année par Kawaler (1999), à partir d’un modèle évolutif reproduisant cinq fréquences de grandes amplitudes observées par Kilkenny et al. (1999). Une vitesse de rotation équatoriale de 130 km s1 est suggérée à partir de l’identification d’un triplet l = 1, et en supposant Veqsini = 39 km s1, une

inclinaison de i∼17 environ peut être estimée pour PG 1605+072.

A partir de spectroscopie résolue temporellement dans l’ultraviolet lointain avec le satellite FUSE, Kuassivi, Bonanno, & Ferlet (2005) proposent l’idée alternative que l’élar-gissement des raies est attribuable, au moins en partie, aux pulsations de PG 1605+072 ("pulsational broadening"). En effet, le décalage Doppler observé sur les raies spectrales

est d’une amplitude de 17 km s1, bien que la résolution de FUSE (∼ 15 km s1) ne

permette pas d’identifier les contributions respectives des différents modes de pulsation. Or, si le temps d’intégration avait été beaucoup plus long de manière à obtenir de la spectroscopie moyennée dans le temps, l’élargissement de raies observé aurait atteint 34 km s1 (deux fois 17 km s1), proche donc de la valeur mesurée de 39 km s1!

Le projet MSST (MultiSite Spectroscopic Telescope) mené en mai/juin 2002 a pour ambition d’obtenir des spectres résolus temporellement dans le domaine visible, à partir de quatre télescopes de la classe des deux mètres (Heber et al. 2003). Vingt modes de

pulsation, correspondant pour la plupart à un équivalent "photométrique", ont ainsi été détectés par la méthode des variations de vitesse radiale avec des amplitudes entre 0.8 et 15.4 km s1 (O’Toole et al. 2005). Ceci est cohérent avec les mesures en ultraviolet

lointain de Kuassivi et al. (2005) d’un décalage Doppler total de 17 km s1. Dans un

deuxième article exploitant les données MSST, Tillich et al. (2007) déterminent les varia-tions apparentes de température effective et gravité de surface associées aux pulsavaria-tions, dans le but d’une modélisation future de la courbe de lumière de PG 1605+072.

La conclusion de ces observations spectroscopiques résolues temporellement est que les mouvements attribués aux pulsations contribuent significativement à l’élargissement de raies mesuré de 39 km s1. Cela implique que la vitesse de rotation projetée serait plus faible que cette valeur, et que PG 1605+072 ne serait donc peut-être pas un rotateur rapide. Ce résultat soulève néanmoins une importante question : quelle serait alors l’origine de la complexité observée du spectre de pulsation de PG 1605+072 ?

Une explication plausible proposée par Pierre Brassard est que des interactions non-linéaires fortes, associées aux amplitudes importantes des principaux modes, sont à l’œuvre dans PG 1605+072. Cette idée est soutenue par l’apparence atypique de la courbe de lu-mière, où ni pseudo-période ni forme sinusoïdale ne sont visibles (voir figure 6.1), à la différence de celles des autres étoiles sdB pulsantes. Ces couplages entre deux ou plu-sieurs modes principaux causeraient l’apparition de nombreuses combinaisons linéaires d’amplitude observable. Les fréquences restantes, qui correspondraient ainsi aux seules fréquences propres des modes de pulsation présents dans PG 1605+072 utilisables pour l’astérosismologie, sont présentées au tableau 6.2 où sont gardées les identifications fn selon la convention de Kilkenny et al. (1999). La reconstruction du spectre de pulsation complet du tableau 6.1 à partir des combinaisons linéaires diverses des fréquences propres du tableau 6.2 est fournie à l’Annexe C. Il est à noter que les cas litigieux ont explicitement été abandonnés, afin de ne pas introduire une éventuelle fréquence propre inappropriée.

Id. Période Amplitude Id. Période Amplitude

fn (s) (%) fn (s) (%) f19 573.26 0.17 f16 440.28 0.18 f38 545.86 0.08 f31 433.56 0.10 f5 528.70 1.39 f12 418.05 0.22 f11 505.75 0.23 f33 387.38 0.10 f8 503.70 0.33 f4 364.60 1.51 f13 503.50 0.22 f17 362.15 0.18 f1 481.75 2.74 f15 361.49 0.20 f3 475.82 1.54 f7 351.46 0.37 f2 475.45 1.59 f18 351.31 0.18 f14 461.48 0.21 (f55 296.11 0.06) f6 440.51 0.52 (f44 295.43 0.08)

Tab. 6.2: Fréquences de pulsation de PG 1605+072 qui constituent la base permettant

d’inter-préter le spectre complet par harmoniques et combinaisons linéaires diverses (voir Annexe C). Les lignes entre parenthèses correspondent aux fréquences considérées comme incertaines par Kilkenny et al. (1999).

Il est ainsi possible d’expliquer la complexité du spectre fréquentiel de PG 1605+072 de deux façons différentes. La première est l’explication naturelle d’une levée de la

dégé-nérescence sur l’ordre m des fréquences de pulsation, causée par une rotation rapide de

l’étoile PG 1605+02. Cette hypothèse sera étudiée à la section 6.4, en incorporant le cal-cul des multiplets rotationnels dans la procédure d’optimisation avec les outils développés au début de la thèse (section 2.3.2). La deuxième explication repose sur une interpré-tation du spectre fréquentiel en termes de combinaisons linéaires diverses entre deux ou plusieurs des principaux modes, causées par les amplitudes inhabituellement élevées de ces derniers. Soulignons que cette hypothèse n’est pas inconciliable avec le principe d’une rotation modérée ou rapide pour PG 1605+072, mais il n’existe aucune signature claire d’une telle rotation dans le spectre des fréquences propres du tableau 6.2. En revanche, ces dernières sont exploitées pour tester par l’astérosismologie l’idée d’une étoile en rotation lente, comme abordé à la section suivante.