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Mécanisme d’excitation des modes de pulsation

2.2 Les pulsations dans les étoiles sdB

2.2.3 Mécanisme d’excitation des modes de pulsation

De manière indépendante et à la même époque de la découverte observationnelle des premières étoiles EC 14026, l’existence des étoiles sdB pulsantes à courtes périodes avait été prédite à partir de considérations théoriques, par l’identification d’un mécanisme de déstabilisation des pulsations efficace dans l’enveloppe stellaire (Charpinet et al. 1996, 1997). Il s’agit d’un mécanismeκ (cf chapitre 1), car c’est l’ionisation partielle d’éléments lourds, en particulier le fer, qui engendre un maximum local appelé "Z-bump" dans le profil d’opacité des étoiles sous-naines de type B.

La figure 2.11 montre, en fonction de la profondeur dans l’étoile exprimée en fraction de masse log q, l’intégrale de travail W (trait tirets-pointé) et sa dérivée dW/dr (trait

plein) pour le mode p avec l = 2, k = 2 et de période P = 148.91 s calculé par un

traitement non-adiabatique pour le modèle d’étoile sdB de référence. Le profil de l’opacité

en détail à la section 1.4.2, l’intégrale de travail correspond au bilan énergétique d’un mode particulier au cours d’un cycle de pulsation. Une région de l’étoile caractérisée par

une valeur dW/dr positive va ainsi tendre à déstabiliser le mode de pulsation, puisque

la région correspondante transfère son surplus d’énergie à l’énergie cinétique du mode,

alors que dW/dr négatif contribue au contraire à l’amortir. Le mode est globalement

instable (et donc, peut devenir observable) s’il y a quantitativement plus d’excitation que d’amortissement dans l’étoile, soit lorsque l’intégrale de travail W, somme de toutes les contributions locales dW/dr, est positive.

Fig.2.11: Profils de l’intégrale de travailW (tirets pointés) et sa dérivéedW/dr(trait plein) pour

un mode p (l= 2, k= 2 et P = 148.91 s) du modèle de référence en fonction de la profondeur

exprimée en fraction de masse log q. Le profil de l’opacité de Rosseland log κ (tirets) ainsi

que les positions de différentes caractéristiques de la structure interne de l’étoile sont également indiquées. Figure tirée de Charpinet (1999).

La dérivéedW/drest essentiellement nulle dans les couches profondes de l’étoile où ont lieu les réactions nucléaires (les pulsations dans les étoiles sdB ne sont donc pas sensibles à un quelconque mécanisme %), tandis qu’elle devient négative de 5.0! log q ! 9.0, traduisant une région stabilisatrice. Vers logq$ −9.7apparaît un pic positif dans le profil

dedW/dr: cette région a donc une influence déstabilisatrice sur le mode de pulsation. Elle

est associée à une bosse secondaire du profil de l’opacité de Rosseland, appelée "Z-bump" car elle est causée par la présence d’une région d’ionisation partielle d’éléments lourds de la famille du fer. Enfin, la mince couche convective associée à l’ionisation partielle d’hélium (responsable par exemple de la déstabilisation des pulsations dans les naines blanches de type DBV ; Winget et al. 1983), entraîne bien un maximum dans le profil d’opacité

de Rosseland, mais ne joue pas de rôle dans la déstabilisation du mode en raison de sa position trop superficielle dans l’enveloppe de l’étoile.

Le mode de pulsation particulier de la figure 2.11 est globalement stable, caractérisé par une valeur finale de W négative : la région de déstabilisation associée au "Z-bump" dans le profil d’opacité de Rosseland n’a pas une ampleur suffisante pour mener à l’excita-tion globale du mode de pulsal’excita-tion. Les calculs non-adiabatiques montrent, d’une part, que le mécanisme κ ne devient efficace (c’est-à-dire que certains modes deviennent progressi-vement instables) qu’à des métallicités supérieures d’au moins un facteur 2 par rapport à la métallicité solaire (Z !0.04) ; et d’autre part, que les modèles instables présentent des températures effectives Teff " 30 000 K et log g " 5.7 (Charpinet et al. 1996). Il existe dès lors une incohérence avec les premières observations d’étoiles sdB pulsantes à courtes périodes, puisque les paramètres surfaciques de ces dernières sont estimés aux alentours de

Teff 34 000 K et logg 5.8. De plus, les étoiles sdB sont des objets évolués descendant d’étoiles peu massives de la séquence principale, appartenant généralement à une vieille population très peu enrichie en métaux.

Le problème est résolu en intégrant le fait que les étoiles sdB présentent des ano-malies d’abondance dans leur atmosphère (voir section 2.1.1), expliquées par la diffusion microscopique des éléments chimiques résultant d’une compétition entre le triage gravi-tationnel (qui a tendance à faire couler les éléments plus lourds) et la lévitation radiative (qui, au contraire, supporte les éléments par pression radiative). Il est donc attendu qu’il

existe des distributions d’abondance non-uniforme dans l’enveloppe de ces étoiles, avec

des surabondances et des sous-abondances locales pour chaque élément chimique. Dans les étoiles sdB, le fer est un contributeur majeur à l’opacité du gaz par son abondance et sa structure atomique, et est le principal responsable de la bosse secondaire dans l’opacité

de Rosseland log κ. Pour évaluer le profil d’abondance non-uniforme du fer, les calculs

diffusifs supposent un équilibre entre la force radiative et la force de gravité dans l’enve-loppe constituée d’hydrogène pur contaminée uniquement par des traces de fer présent en quantité solaire (voir Chayer et al. 1995 et Charpinet 1999 pour les détails).

Les panneaux de la figure 2.12 montrent en trait plein les profils d’abondance du fer obtenus par les calculs de diffusion, pour différents modèles d’étoiles sdB de températures effectives variables (les autres paramètres restent constants, avec la gravité de surface

fixée à log g = 5.80). Des surabondances locales très importantes sont observées,

dépas-sant jusqu’à deux ordres de grandeur les quantités de fer rencontrées dans un milieu de

composition solaire (log N(Fe)/N(H) $ − 4.5, ligne horizontale en tirets de la figure

2.12), et ce également dans la région déstabilisatrice des modes de pulsation, entre log

q ∼ −8 et 10. Les abondances de fer les plus importantes sont constatées pour les

températures effectives les plus élevées, puisque le champ radiatif plus intense permet d’en supporter davantage. L’enrichissement en fer se traduit également directement sur les profils de l’opacité de Rosseland log κ (trait en pointillés de la figure 2.12). Le pic d’opacité "Z-bump" à log q $ − 10 prend de plus en plus d’importance au fur et à me-sure de l’augmentation de l’abondance du fer avec la température effective. Le même type

Fig.2.12: Profils d’abondance du fer logN(Fe)/N(H) (traits pleins) et de l’opacité de Rosseland

log κ (pointillés) pour une série de modèles de températures effectives variables (4.34 log

Teff 4.62 par pas de 0.04), avec les autres paramètres stellaires constants. La ligne horizontale

en tirets indique l’abondance solaire du fer. Figure tirée de Charpinet et al. (1997).

de comportement est observé lorsque l’on baisse la gravité de surface, puisque cette fois les forces gravitationnelles moins intenses permettent la lévitation de davantage de fer.

En introduisant ces profils d’abondance non-uniforme dans les modèles d’étoiles sdB (qui sont alors appelés "modèles de deuxième génération"), une nouvelle étude de sta-bilité par un traitement non-adiabatique montre que cette fois un nombre important de

modes sont excités, se regroupant selon des bandes d’instabilité d’ordres k consécutifs.

Pour les modèles correspondant aux étoiles sdB pulsantes à courtes périodes, cette bande d’instabilité couvre les modes p et f de faible ordre radial (de k = 0à k $ 8), aussi bien pour les pulsations radiales que non-radiales, et dont les périodes sont comprises dans l’intervalle 80 600 s. Il est éventuellement possible, dans les modèles de faible gravité de surface, de déstabiliser les modes g de bas ordres (k = 12). Ceci confirme, de manière définitive, que le mécanisme de déstabilisation des modes de pulsation dans les étoiles EC

14026 est bien le mécanisme κ associé à l’ionisation partielle du fer présent localement

en surabondance dans l’enveloppe de l’étoile. Le domaine d’instabilité, dans le plan gra-vité de surface-température effective, où sont observés les modèles présentant un nombre significatif de modes excités correspond parfaitement à celui de la classe des étoiles sdB pulsantes à courtes périodes, autour de Teff 34 000 K et log g 5.80.

Les pulsations observées dans les étoiles sdB pulsantes à longues périodes, découvertes en 2003, s’expliquent par le même mécanisme de déstabilisation. Il existe en effet un deuxième domaine d’instabilité, qui apparaît en diminuant la température effective jusque

Teff 24 000 K et qui ne concerne que les modes de degrésl≥3, dont les périodes couvrent l’intervalle des périodes observées dans les étoiles PG 1716 (Fontaine et al. 2003). Le

fait que seuls les modes l 3 soient excités pourrait expliquer les faibles amplitudes

des oscillations dans ce type d’étoiles, bien que par ailleurs des indices en faveur de

modes l = 1 aient été suggérés pour l’étoile PG 1338+481 (Randall et al. 2006b). Mais

le problème le plus important est qu’il existe un désaccord de près de 5 000 K avec les observations des étoiles sdB PG 1716 les plus chaudes, qui présentent des températures

de 29 000 K. De récentes investigations (Jeffery & Saio 2006, 2007) indiquent qu’à

ces températures, l’élément nickel contribue de manière significative au pic "Z-bump" de l’opacité de Rosseland. De plus, en utilisant les tables d’opacité du projet OP (et non les tables du projet OPAL) enrichies en nickel de manière uniforme, les auteurs montrent que la limite supérieure du domaine d’instabilité peut être déplacée vers de plus hautes températures et se réconcilier ainsi avec les observations. Ces considérations doivent maintenant être confirmées en incorporant le nickel, simultanément au fer, dans le calcul de diffusion pour l’établissement des profils d’abondance non-uniforme.

Mentionnons enfin le problème de la coexistence, dans la même région du diagramme log g−Teff, des sdB pulsantes et non-variables. Ce problème est surtout manifeste dans le domaine de gravité-température des étoiles EC 14026, où quelques pourcents seulement des étoiles sdB présentent des variations de luminosité observables, en dépit d’importants efforts déployés pour leur détection (4 pulsateurs sur 74 étoiles sdB, soit 5.4% pour Billères et al. (2002) à partir d’observations essentiellement menées sur des télescopes de la classe des deux mètres ; 10 pulsateurs sur 115, soit 8.7% pour Solheim et al. (2004) à partir du 2.6-m Nordic Optical Telescope). Bien que la question reste ouverte, l’explication avan-cée actuellement invoque la présence de vents stellaires faibles (Fontaine & Chayer 1997, Chayer et al. 2004), qui pourraient "vider" le réservoir de fer à l’origine du mécanisme d’excitation des pulsations dans l’enveloppe de l’étoile, et par là stopperaient l’apparition de telles oscillations observables. Selon ce scénario, les étoiles sdB non-variables souffri-raient de taux de perte de masse plus importants et/ou sesouffri-raient significativement plus âgées que les étoiles sdB pulsantes. Une modélisation préliminaire de l’évolution du profil d’abondance du fer dans l’enveloppe sous l’effet d’un vent stellaire faible est effectuée dans Fontaine et al. (2006b), et montre qu’un épuisement progressif du réservoir est observé dans les couches critiques dans le temps de vie caractéristique de l’étoile. Cet épuisement est confiné dans les couches opaques, sans affecter les abondances atmosphériques ob-servables par spectroscopie. Ceci pourrait expliquer les résultats montrant qu’il n’existe pas de différences notables entre les abondances atmosphériques des sdB pulsantes et non-variables (Blanchette et al. 2005; O’Toole & Heber 2006). Enfin, les vents stellaires en moyenne plus faibles liés à une température effective plus basse pourraient expliquer l’existence beaucoup plus commune des oscillations observables parmi les étoiles sdB plus froides, dans le domaine d’instabilité des étoiles sdB pulsantes à longues périodes.

2.3 Méthode pour l’étude des étoiles sdB pulsantes par