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5.6 Discussion sur les essais de cicatrisation abiotiques des mortiers

5.6.3 Observations des produits de cicatrisation

Les produits formés dans les ssures durant le processus d'autocicatrisation naturelle sont bien connus, il s'agit essentiellement de calcite. Le calcium de la matrice cimentaire, prin- cipalement via la portlandite (Ca(OH)2), forme du carbonate de calcium (CaCO3) sous

forme de calcite, à partir de l'eau et du CO2 pénétrant dans la ssure. L'ettringite, qui

peut être observée dans les ssures autocicatrisées, est minoritaire et réduite à des zones où le CO2 et l'eau accèdent dicilement.

La cicatrisation des ssures fraîches, en présence du lactate de calcium et du gluconate de calcium, repose aussi sur la formation de calcite dans les ssures mais l'ettringite semble jouer un rôle important. L'urée, en revanche, ne parait pas modier les conditions de l'autocicatrisation naturelle.

Les observations des produits de cicatrisation à 6 mois dans les ssures avec lactate de calcium et gluconate de calcium montrent que l'ettringite est le principal produit de ci- catrisation. Ces précurseurs favoriseraient donc sa formation en réagissant avec la ma-

trice cimentaire. La compositrion de l'ettringite est Ca6Al2(SO4)3(OH)12.26H2O ou en

notation cimentière1 C

3A.3CS.H32. Si les précurseurs apportent du calcium, le soufre et

l'aluminium doivent provenir de la matrice cimentaire, probablement du monosulfate, 3(3Ca0.Al2O3).CaSO4.12H2O, en notation cimentière C3A.CS.H12.

Les observations à 11 mois montrent une diminution de la quantité d'ettringite dans les ssures avec lactate de calcium et gluconate de calcium. La calcite semble devenir le principal produit de cicatrisation. L'ettringite reste visible dans certaines parties de la ssure, accompagnée parfois par des cristaux de portlandite.

La formation d'ettringite secondaire dans les matériaux cimentaires est un sujet d'étude relativement bien documenté du fait de son implication dans certaine pathologies du béton [112]. Quelques études ont souligné l'inuence de produits comme le lactate de calcium et le gluconate de calcium sur la formation d'ettringite [14, 21]. Toutefois, ce sont les études traitant des attaques acides sur les matériaux cimentaires, qui permettent d'apporter les informations les plus intéressantes [138].

Formation d'ettringite sans précurseurs

L'ettringite est sensible au pH. En fonction de sa valeur, la morphologie et la stabilité des cristaux changent. La gure 5.53 décrit la relation entre la forme des cristaux et le pH. La gure 5.54 montre le domaine de stabilité de l'ettringite par rapport au pH, en fonction de diérents auteurs.

Figure 5.53 Changement de morphologie des cristaux d'ettringite en fonction du pH. [112]

Figure 5.54 Domaine de stabilité de l'ettringite. [[112]

Le pH dans les pores d'une pâte de ciment Portland ordinaire se situe entre 13 et 13,5 [6], un pH qui pour la majorité des auteurs, ne permet pas la stabilité de l'ettringite. Stark en Bollmann [112] présentent la carbonatation et les conditions d'humidication parmi les diérents mécanismes expliquant la formation d'ettringite dans les pâtes de ciment durcies.

L'exposition à l'humidité des matériaux cimentaires peut conduire à des modications de la micro-structure, à des transports de substances et à des gradients de concentration du fait de la lixiviation de certains éléments. La dissolution d'alcalins peut engendrer des baisses de pH et permettre la formation d'ettringite. Les phénomènes de transport, qui ont lieu dans les pores capillaires, sont interrompus par l'air présent dans les pores larges ou les ssures. Ceci expliquerait les accumulations d'ettringite constatées dans ces zones. Les essais de stockage dans l'eau des échantillons de pâtes de ciment ont montré que les alcalins (K2O et Na2O) sont plus facilement lixiviés, en comparaison des sulfates qui

ne semblent pas aectés. Ainsi, l'exposition à l'eau des éprouvettes ore des conditions favorables à la formation d'ettringite, en faisant baisser le pH, sans diminuer la quantité d'ions sulfate, réactifs nécessaires à la formation de l'ettringite.

Le processus de carbonatation inuencerait également la formation de l'ettringite. Ku- zel et al. [73] décrivent le phénomène : le monosulfate décomposé par la carbonatation formerait du CaCO3, du Al(OH)3, du gypse (CaSO4) et de l'eau via les phases intermé-

diaires d'hémicarbonate (3Ca0.Al2O3. 1 2CaCO3. 1 2Ca(OH)2. 23 2 H2O) ou de monocarbonate (3Ca0.Al2O3.CaCO3.11H2O). Le gypse libéré est disponible pour réagir avec des mono-

sulfates encore non carbonatés et former de l'ettringite. Cependant, la carbonatation pro- gressant, l'ettringite peut, à son tour, être carbonatée.

Ce phénomène est compatible avec les observations des échantillons à 11 mois : l'ettringite est observée quelques fois avec des cristaux de portlandite. Ceci suggère que les zones où l'ettringite est encore présente à 11 mois sont relativement épargnées par la carbonata- tion. L'ettringite observée serait ainsi sous des couches de calcite ou au centre de ssures protégée de l'air extérieur.

L'ettringite observée à 6 mois dans les échantillons sans précurseur est présente au centre de ssures nes, une zone où la carbonatation semble limitée.

Formation d'ettringite avec précurseur

Collepardi et al. [21] ont observé l'inuence du gluconate de calcium, du glucose et des lignofulfonates sur l'hydratation de l'aluminate tricalcique (C3A). En présence de chaux,

ces produits retardent la conversion de l'ettringite et la stabilise.

Sierra-Beltran et al. [108] dans leurs études utilisent également le lactate de calcium comme précurseur de précipitation en présence de bactéries. Des granulats légers, poreux, conte- nant des spores bactériennes et la solution de nutriments (extrait de levure et lactate de calcium) sont inclus dans le mélange de béton. Il a été observé dans certaines ssures des structures en aiguilles. L'analyse EDS montre la présence de soufre, d'aluminium, de sili- cium, de calcium et de carbone. Les auteurs suggèrent que la structure cristalline observée est de l'ettringite combinée avec le gel de silicate de calcium hydraté, C-S-H. Les ions sulfate (SO2−

4 ) aurait été en partie remplacés par des ions carbonate (CO2−3 ) ou par des

ions hydroxyle (OH−).

Il semble donc que le lactate de calcium et le gluconate de calcium permettent la formation d'ettringite en réagissant avec la matrice cimentaire ou tout du moins orent des conditions pour stabiliser l'ettringite.