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2.5 Biocicatrisation des matériaux cimentaires

2.5.4 Biotraitements inertes dans le matériau cimentaire

Utilisation d'enzyme dans le matériau cimentaire

Les travaux de M. Biswas [10] et B. Chattopadhyay [18] sont innovants à plus d'un titre, dans l'obtention de la souche bactérienne et dans l'utilisation de protéine. La souche bac- térienne utilisée est issue de sources chaudes (65C) du Bengale-Occidental. L'analyse phylogénétique la place proche de la souche Thermoanaerobactor sp.

La première partie observe, sur les échantillons de mortier, l'inuence de l'inclusion des bactéries ou du milieu de culture. Sept types de cubes de mortier sont évalués :

- Type 1 : échantillons de contrôle

- Types 2, 3 et 4 : échantillons avec respectivement 104, 105et 106 cellules bactériennes

par mL d'eau

- Type 5 : échantillons avec le milieu de croissance après 8 jours de culture, centrifugé pour éliminer les bactéries

- Type 6 : échantillons avec le milieu de croissance après 8 jours de culture, puis autoclavé

- Type 7 : échantillons avec le milieu de croissance

Les échantillons de contrôle ont un rapport E/C de 0,4 et un rapport ciment/sable de 1 3. Les échantillons de types 2, 3 et 4 contenant des cellules bactériennes sont obtenus en mélangeant à l'eau de gâchage les bactéries à la concentration souhaitée.

Pour le type 5, le milieu de croissance, après 8 jours d'incubation, subit une centrifugation pour éliminer les cellules bactériennes. Il est alors utilisé en remplacement de l'eau de gâchage pour fabriquer les mortiers.

Les échantillons de type 6 sont fabriqués en incorporant le milieu de croissance avec les bac- téries, stérilisé par autoclavage après 8 jours d'incubation. À la diérence des échantillons du type précédant, il y a donc la présence de bactéries mortes.

Le mortier de type 7 est obtenu en utilisant le milieu de culture pur, sans qu'il n'ait jamais accueilli de bactéries.

B. Chattopadhyay [18] montre que l'ajout des bactéries modie le gel de C-S-H. Les analyses à l'EPMA2 du gel de C-S-H en diérents points de la matrice cimentaire révèlent

que la présence de cellules bactériennes altère le rapport CaO/SiO2 (C/S) du C-S-H. Il

y a une répartition plus homogène des oxydes de silice, et à l'inverse, la distribution des oxydes de calcium est plus hétérogène.

Le tableau 2.15 regroupe les résistances en compression des diérents types de mortier. L'inclusion des bactéries est clairement favorable aux mortiers.

Éprouvette compression (Mpa)Résistance en % d'augmentationvs contrôle

Contrôle 42,17 (1,36) -

104 cellules par mL d'eau 49,99 (1,85) 18,54

105 cellules par mL d'eau 58,18 (1,20) 25,23

106 cellules par mL d'eau 48,38 (2,65) 14,72

Milieu de croissance après 8 jours de culture 53,44 (2,50) 26,73 Milieu de croissance autoclavé après 8 jours de culture 42,11 (1,66) -

Milieu de croissance 41,98 (2,21) -

Les valeurs sont les moyennes et l'écart type est noté entre parenthèses, N=12 Toutes les valeurs sont statistiquement signicatives à P<0,05

Tableau 2.15 Résistances en compression des diérents mortiers incorporant des bactéries. [10]

Cependant, il semble que la concentration optimale soit de 105 cellules par mL (conrmée

par les analyses statistiques sur les résistances en compression). Le moins bon comporte- ment en résistance pour les échantillons à 106 cellules par mL est relié par les auteurs au

changement observé dans le C-S-H. Les lignes de tendances observées sur les analyses à l'EDMA semblent montrer un abrupt changement entre les éprouvettes à 106 cellules par

ml et les autres.

L'ajout du milieu bactérien dans la composition des mortiers, sans qu'il y ait la présence de cellules bactériennes, conduit à une surprenante amélioration de la résistance en com- pression.

En utilisant la technique de SDS-PAGE 3 utilisée pour séparer les protéines, il apparait

que les bactéries sécrètent dans le milieu de culture une enzyme proche de la silicase. Ainsi, la deuxième partie de l'étude porte sur l'eet de l'enzyme sur les matrices cimen- taires. La protéine extraite du milieu de culture et puriée est mélangée au ciment dans diérentes proportions, allant de 1

1 à 1

10 µg de protéines par gramme de ciment. Pour évaluer l'action enzymatique et pas seulement l'eet chimique de l'ajout des protéines, il est également incorporé des protéines dénaturées.

La gure 2.32 présente les résistances en compression obtenues sur les petits cubes de mortiers de 10 mm × 10 mm × 10 mm.

La protéine relâche la silice des matériaux cimentaires et forme avec les diérents oxydes de la gehlénite, Ca2Al[AlSiO7], qui va boucher les micropores et ainsi augmenter la résistance

et la durabilité du matériau.

3Sodium Dodecyl Sulfate PolyAcrylamide Gel Electrophoresis, Électrophorèse sur gel de polyacryla-

Figure 2.32 Résistances en compression des diérents mortiers incorporant des protéines. [10]

Il est probable que c'est également le rôle de l'enzyme dans le mécanisme de silicication qui explique les modications du le gel de C-S-H.

Utilisation des cellules bactériennes mortes

Ramachandran et al. [94] ont comparé l'eet de l'inclusion dans le matériau cimentaire de bactéries, Pseudomonas aeruginosa et S. pasteurii, vivantes et mortes. L'étude s'attache aussi à évaluer le traitement de ssures de diérentes profondeurs avec du sable et un milieu contenant S. pasteurii. P. aeruginosa a été choisi pour sa capacité à accumuler les exopolysaccharides (EPS), (voir la section 2.4.1 sur les biolms).

Les bactéries sont incluses dans le matériau cimentaire avec une solution saline de NaCl ou une solution tampon de phosphate de sodium. Les échantillons sont ensuite curés dans une solution d'urée et de CaCl2. Il est noté que même sans bactéries, la solution saline et

la solution tampon ont un léger eet sur les résistances en compression, respectivement négatif et positif. De même, l'immersion dans la solution d'urée et de CaCl2 a un eet

favorable sur la résistance en compression, même sans bactéries. Le chlorure de calcium est connu pour être un accélérateur de prise.

Il ressort néanmoins un eet favorable pour des concentrations à 7.103 bactéries par mL,

mortes et vivantes sur les résistances en compression, surtout à 7 jours. Au-delà, l'aug- mentation des concentrations en cellules bactériennes est délétère. Les améliorations sont moins fortes à 28 jours et une baisse des résistances en compression est même consta- tée pour les bactéries mortes. Les observations au microscope électronique montrent une faible formation de carbonate de calcium. L'amélioration des résistances en compression semble donc essentiellement due à la biomasse qui agirait comme des bres organiques, mais permettrait aussi de réduire la porosité. Du fait de la diminution de la porosité des

mortiers entre 7 et 28 jours, les bactéries vivantes nissent par manquer de nutriments et d'oxygène, ce qui expliquerait la diminution des performances avec le temps. Une baisse serait même attendue. La diminution à 28 jours observée avec les bactéries mortes semble suggérer que les cellules mortes se désintégreraient avec le temps.

En revanche, la formation de carbonate de calcium a été constatée dans les ssures traitées avec du sable et un milieu contenant S. pasteurii. Cette formation de carbonate de calcium permet une amélioration des résistances des mortiers ssurés. Le traitement semble avoir d'autant plus d'impact que la ssure est profonde.

Utilisation des parois cellulaires

Pei et al. [89] ont utilisé les parois cellulaires des bactéries comme ajout dans les mortiers. Trois souches bactériennes ont été sélectionnées : Bacillus subtilis, et comme contrôle Myxococcus luteus bactérie Gram-positive et E. coli bactérie Gram-négative.

Les essais évaluent la résistance en compression, la porosité, la quantité de CaCO3 dans les

mortiers. Un essai de précipitation de CaCO3 in vitro, dans des milieux contenant CaCl2

ou Ca(OH)2 a été réalisé pour voir un éventuel eet des bactéries Gram + ou Gram -.

Les parois bactériennes sont obtenues en suivant le protocole suivant :

- Les bactéries congelées sont broyées dans un mortier avec un volume égal d'alumine pendant 15 minutes ;

- Les cellules brisées ont été recueillies par l'ajout d'une solution saline physiologique ; - Les centrifugations successives permettent de séparer les parois cellulaires, le cytosol,

les cellules non broyées et l'alumine utilisée pour le broyage.

Grâce aux parois bactériennes, il a été constaté une augmentation de la résistance en compression, une diminution de la porosité et la formation de carbonate de calcium dans les mortiers. Il n'y a pas d'augmentation de résistance avec les cellules vivantes. Il s'agit cependant de ne pas généraliser à toutes les souches bactériennes. La littérature mentionne des cas contraires avec d'autres souches. Il a été constaté la diminution de la résistance en compression avec les cellules mortes. Une explication possible est que la charge négative des protéines et des polysaccharides des cellules bactériennes à pH élevé interfèreraient avec les charges négatives des parois cellulaires sur la nucléation du CaCO3. Ainsi, l'utilisation de

la paroi bactérienne seule permet un meilleur traitement du matériau qu'avec les bactéries entières, vivantes ou, à fortiori, mortes.

Les essais in vitro n'indiquent pas de diérences de précipitation entre les bactéries Gram + ou Gram -.