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Chapitre 4 Etude de la migration thermique du deutérium sous atmosphère inerte 97

4.2 Phénomènes migratoires et structuraux au sein du HOPG

4.2.2 Evolution structurale du HOPG lors des recuits

4.2.2.1 Observations de surface par microscopie optique

Il a été observé des modifications de l’état de surface du HOPG sous l’effet de la température, visibles par MEB, mais mises en évidence de manière nettement plus prononcée par microsco-pie optique. Ces observations sont illustrées en Figure4.23, présentant les images optiques de la surface des échantillons de HOPG implantés en deutérium à 750 nm, puis recuits pendant 1 h à 800 °C (a) et 1000 °C (b).

Fig. 4.23 – Images optiques de la surface des échantillons de HOPG implantés en deutérium à 750 nm, puis recuits pendant 1 h à 800 °C (a) et 1000 °C (b).

Suite aux traitements thermiques, le HOPG présente de nombreux gonflements sur l’ensemble de sa surface, à l’exception de la zone couverte durant l’implantation par la vis de soutien fixée au porte-échantillons (non visible en Figure4.23). De plus, ce phénomène n’ayant pas été observé lors du dégazage à 1200 °C des échantillons de HOPG (cf. Chap.3- section3.1), il semblerait donc traduire un effet couplé de l’implantation ionique et de la température. Les gonflements visualisés en Figure4.23ont également été observés à 600 °C mais de manière bien plus sporadique, si bien

que leur densité surfacique augmente fortement avec la température de recuit. On remarque égale-ment que ces gonfleégale-ments se concentrent à l’intérieur des zones délimitées par les larges fractures de taille millimétrique causées par l’implantation, cet effet étant particulièrement visible à 1000 °C (b). L’étendue spatiale de chaque bosse, de l’ordre de 20 à 100, voire 200μm à 800 °C, semble par ailleurs décroître avec la température, valant en moyenne 10 à 50, voire 100μm au maximum à 1000 °C.

La hauteur de ces gonflements a quant à elle été déterminée par interférométrie optique avec l’aide de P. SAINSOTau LaMCoS, sur un profilomètre optique Fogale Nanotech couplé à un système de microscopie interférométrique Microsurf 3D. La Figure4.24présente un exemple d’image ob-tenue par interférométrie à la surface de l’échantillon de HOPG recuit 1 h à 800 °C, visualisée en Figure4.23(a). Ce type d’image a permis d’estimer la hauteur des gonflements à une valeur élevée, généralement comprise entre 2 et 4μm.

Fig. 4.24 –Image obtenue par interféromé-trie optique à la surface d’un échantillon de HOPG implanté en deutérium à 750 nm, puis recuit 1 h à 800 °C (cf. Figure4.23, a).

Des observations analogues ont été reportées dans le cadre de nombreuses études relatives aux effets structuraux induits dans le HOPG par irradiation ionique entre la température ambiante et environ 500 °C [Kappel et al. 1997,Gras-Martí et al. 1995,Li et al. 1994,Kappel et Küppers 1999, Porte et al. 1989,Coratger et al. 1992]. Systématiquement, les auteurs attribuent ce type de gonfle-ments à la migration des atomes de carbone éjectés en position interstitielle durant l’irradiation, conduisant à la création de clusters de carbone en subsurface du graphite dès la température am-biante (cf. Chap.2- section2.2.2). Les tensions mécaniques internes engendrées par l’accumu-lation des interstitiels entraîneraient également une courbure des plans superficiels se traduisant par la formation de gonflements en surface. Dans une moindre mesure, le piégeage et l’accumu-lation des ions incidents en position interstitielle pourraient localement conduire au même effet [Marton et al. 1995].

Il convient cependant de remarquer que les gonflements mis en évidence au cours de ces tra-vaux, dont un exemple est illustré en Figure4.25, se forment dès l’irradiation à RT, puis croissent avec la température jusqu’à atteindre des tailles maximales de l’ordre de quelques Å à quelques centaines de nm de diamètre, et de 1 Å à quelques dizaines de nm de hauteur selon les conditions d’irradiation (ions, énergie, fluence). Les gonflements observés dans le cadre de notre étude ap-paraissent uniquement après les traitements thermiques au-dessus de 600 °C, mais atteignent des tailles 100 à 1000 fois plus élevées que celles reportées dans la littérature.

Fig. 4.25 – Image AFM (Atomic Force Microscopy - Microscopie à Force Atomique) obtenue par to-pographie différentielle sur une zone de 5×5μm2 à la surface d’un échantillon de HOPG irradié avec des ions hélium de 500 eV à une fluence de 3,8×1015 He cm−2 et une température de 200 °C [Kappel et Küppers 1999].

Ce phénomène peut être expliqué par le fait que les ions utilisés lors de ces travaux (He, C, N, S, Ar, Xe, etc) soient d’une part plus lourds que le deutérium, et d’autre part accélérés à relativement basse énergie (de l’ordre de 50 eV à 50 keV). Les atomes de carbone déplacés ainsi que les ions piégés en position interstitielle sont donc essentiellement situés en très proche surface du HOPG, favorisant la formation de gonflements dès la température ambiante, puis leur croissance à des températures d’irradiation inférieures à 500 °C. Dans le cadre de notre étude, le deutérium implanté à 70 keV, ainsi que les atomes de carbone déplacés par l’implantation, sont localisés bien plus en profondeur (> 700 nm), ce qui pourrait expliquer l’absence de gonflement au sein des échantillons

TQI, i.e. à RT. Lors des traitements thermiques, la migration des interstitiels sous l’effet de la tempé-rature pourrait entraîner la formation de clusters à l’origine des gonflements visibles en surface à partir de 600 °C. Par ailleurs, de tels gonflements ont également été observés à la surface des échan-tillons de HOPG implantés en deutérium à 3,2μm (390 keV), mais à plus haute température et en moins grande quantité, ce qui confirme nos hypothèses.

Notre fluence d’implantation élevée (5×1016 D+ cm−2) implique que l’endommagement du HOPG, ainsi que la quantité d’ions piégés en position interstitielle, soient plus élevés dans le cadre de notre étude que dans celles référencées précédemment, pour lesquelles les fluences d’irradia-tion sont généralement très faibles (∼ 1012à 1015ions cm−2). De fait, il semble normal d’observer des gonflements plus importants que ceux reportés dans la littérature.

Notons néanmoins que notre étude repose sur une implantation en deutérium à RT suivie de traitements thermiques entre 600 et 1000 °C, alors que les études mentionnées ici se réfèrent à des échantillons uniquement irradiés, et dans certains cas chauffés simultanément à des températures comprises entre RT et environ 500 °C. Ainsi, l’augmentation de la température se traduit dans notre cas par une augmentation de la densité surfacique de gonflements, associée à une diminution de leur taille, les travaux cités plus haut reportant quant à eux une évolution inverse. Les paramètres régissant la migration des interstitiels, et donc la formation des gonflements, pourraient donc être radicalement différents selon les conditions expérimentales propres à chaque étude, notamment vis-à-vis des phénomènes de recombinaison des défauts durant l’irradiation en température ou suivie de recuits thermiques.

La Figure4.26présente l’image optique obtenue à la surface de l’échantillon de HOPG recuit à 800 °C (cf. Figure4.23, a) pendant 47 h supplémentaires (soit une durée totale de 48 h). On ob-serve que les gonflements observés après 1 h de recuit semblent pour la plupart s’être effondrés, laissant place à des cratères de tailles micrométriques à quasi millimétriques. Deux hypothèses peuvent être formulées afin d’expliquer ce phénomène (également observé à 1000 °C). Première-ment, sachant qu’au-dessus de 300 °C, les lacunes deviennent de plus en plus mobiles (cf. Chap.2 - section2.2.2), l’augmentation du temps de recuit à 800 ou 1000 °C pourrait finalement conduire à la recombinaison de ces lacunes avec les interstitiels, entraînant la disparition progressive des clusters de carbone à l’origine des gonflements, et donc l’effondrement de ces derniers.

Fig. 4.26 –Image optique de la surface d’un échan-tillon de HOPG implanté en deutérium à 750 nm, puis recuit 48 h à 800 °C.

Deuxièmement, les clusters interstitiels étant susceptibles d’accueillir des sites de piégeage à haute énergie (sites 1), une partie du deutérium implanté pourrait avoir migré lors des recuits au sein des gonflements induits par ces clusters. L’augmentation du temps de recuit entraînerait par la suite une accumulation du deutérium dans ces zones, puis son relâchement8via les microfissures

formées au sein des plans superficiels lors de l’implantation (cf. Chap.3- section3.3.4.1), contri-buant alors également à l’effondrement des gonflements. La formation puis la disparition de ces derniers entraînent finalement une dégradation considérable de l’état de surface des échantillons de HOPG suite aux traitements thermiques.

4.2.2.2 |Analyses structurales par microspectroscopie Raman

Afin d’étudier l’évolution de la structure du HOPG sous l’effet de la température (à une profon-deur de l’ordre de 100 nm), des analyses Raman ont été réalisées au sein des échantillons recuits à différentes températures sur des durées totales d’environ 300 h. La Figure4.27présente les spectres Raman ainsi que l’évolution des rapports de bandes issus de ces analyses. A l’instar des observa-tions décrites en section4.1.5dans le cas du graphite nucléaire de SLA2, l’effet de la température dans le HOPG implanté en deutérium à 750 nm se manifeste en (a) par une forte diminution de l’in-tensité des bandes de défauts (D1et D2) ainsi que de la largeur des bandes G, D1et D2, témoignant d’une réorganisation partielle de la structure du matériau (croissance des domaines cohérents et réduction de la dispersion des distances interplanaires).

1000 1200 1400 1600 1800 20 40 60 80 100 (a) D1 D2 G Déplacement Raman (cm−1) In tensité nor malisée (u. a.) Vierge dégazé TQI 600C 800C 1000C 0 200 400 600 800 1000 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 (b) Température (C) ID 1 /IG Vierge dégazé TQI 336 h

Fig. 4.27 – Spectres Raman (a) et évolution des rapports de bandes D1et G (b) dans les échantillons de HOPG implantés à 750 nm, puis recuits à différentes températures pendant environ 300 h.

8. A 800 °C, le taux de relâchement du deutérium, de l’ordre de 10 % sur 1 h de recuit, atteint 20 à 25 % sur 48 h. A 1000 °C, il passe de 45 à 60 % pour les mêmes temps de recuit.

Les rapports de bandes présentés en (b), inférieurs à 0,01 dans le HOPG vierge, s’élèvent à 0,9-1 dans les échantillons TQI, puis diminuent aux alentours de 0,4 après environ 300 h de recuit (les points restant cependant dispersés entre 0,2 et 0,6). Cette décroissance étant sensiblement plus éle-vée que dans le graphite nucléaire (∼ 0,6, cf. Figure4.20- section4.1.5), la restructuration partielle du graphite à une température donnée semble donc plus efficace dans le HOPG, en particulier à 800 et 1000 °C. Il a en effet été vu dans le Chapitre3(section3.3.4.2) que la nature très ordonnée du HOPG implique l’absence de bandes de défauts sur le spectre Raman du HOPG vierge, contrai-rement au graphite de SLA2. La guérison partielle de l’endommagement avec la température tend à rapprocher les deux matériaux de leur état initial, i.e. avant implantation, sans toutefois jamais l’atteindre9, de sorte qu’il semble cohérent d’observer des bandes de défauts plus réduites après traitements thermiques dans le HOPG que dans le graphite nucléaire.

Bien que l’on puisse discerner une légère diminution des rapports de bandes entre 600 °C (∼ 0,4)

et 1000 °C (∼ 0,2), leur évolution reste néanmoins très faible sur cette plage de températures.

Tou-tefois, la dispersion des points ne permet pas de conclure quant à la représentativité de cette évo-lution.