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Partie 3 : La goutte et ses particularités en Polynésie

2. Autres particularités de la Polynésie française

2.2 L'observance des patients

2.2.1 L’observance dans le monde

Le Medical Possession Ratio (MPR) se définit comme le nombre de jours de traitement délivré sur une période de temps donnée qui sera souvent 365 jours. Un MPR supérieur ou égal à 80% est considéré comme un indicateur d’une bonne observance et on considère alors le patient comme adhérent à son traitement.

La goutte est une maladie pour laquelle les patients ont une mauvaise observance : la proportion de patients qui adhèrent à leur traitement varie de 17 à 83.5% selon les études. Le taux de patients observants moyen est de 47%. La plupart des études utilisent le MPR comme indicateur de l’observance des patients, mais d’autres indicateurs similaires comme le Proportion of days covered (PDC) sont aussi utilisés. (276,277)

Dans l’étude de Briesacher et al, le taux d’observance de la goutte est le plus faible de toutes les pathologies étudiées : Sur 9715 patients goutteux, on retrouve un MPR supérieur à 80% chez seulement 36.8% d’entre eux. Les autres pathologies étudiées, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, le diabète de type 2, l’ostéoporose, l’hypothyroïdisme et l’épilepsie ont des taux respectifs de 72.3%, 54.6%, 65.4%, 51.2%, 68.4% et 60.8%. (278-280)

Peu de données sont disponibles mais nous avons à notre disposition en Polynésie française, les données de l’étude comparative à l’étude cactus où 100 % des médecins déclarent avoir des problèmes à gérer l'observance des patients goutteux.

Selon les données de la Caisse de Prévoyance Sociale, en 2019, 17630 patients ont bénéficié d’une prise en charge pour un traitement antigoutteux. Les spécialités incluses dans ces données sont les différents dosages d’Adénuric et de Zyloric, leurs génériques, la Colchicine et le Colchimax.

Ces patients ont eu au moins une fois pendant l’année 2019 une délivrance de ces spécialités prise en charge par l’assurance maladie de la CPS.

Il n’est pas possible d’évaluer précisément l’observance avec ces données, car on ne connaît pas le nombre de patients goutteux avec un traitement chronique, mais on peut néanmoins faire une estimation :

Sur l’année 2019, on décompte 107 144 boîtes de 28 jours de traitement, ce qui équivaut à 3 000 032 jours de couverture pour 17 630 patients. Si on considère que ces 17630 patients auraient dû bénéficier d’un traitement hypo-uricémiant, il aurait fallu une couverture de 6 434 950 jours, soit plus du double de la couverture réelle de 2019.

On peut en déduire que l’observance en Polynésie est faible, à l’instar du reste du monde, cela va dans le sens des observations des médecins qui déclarent tous avoir du mal à faire adhérer leurs patients au traitement de fond de la goutte.

2.2.3 Facteurs influençant l’observance et conséquences de

l’inobservance

Parmi les facteurs intervenant dans l’observance dans la goutte, on retrouve l’âge, la consultation médicale dédiée à la goutte, le recours aux AINS, le sexe, la spécialité du prescripteur et la nature du traitement :

- Les sujets plus jeunes sont moins observants, ce phénomène est observable dans d’autres pathologies chroniques comme le diabète, l’HTA et l’ostéoporose. Deux études différentes trouvent un RR de 1.44 pour les moins de 45 ans (IC 95% 1.08 – 1.93) et un RR de 1.50 ( IC 95% 1.33 -1.69) dans l’étude de Solomon et al.

- Les sujets n’ayant pas eu de consultation médicale dédiée à l’instauration du traitement sont moins observants avec un RR de 1.28 (IC 95% 1.05 – 1.55).

- Les sujets de sexe masculin sont moins observants.

- Les sujets ayant eu recours aux AINS l’année précédente sont moins observants avec un RR de 1.15 (IC 95% 1.00 – 1.31).

- Les sujets dont la prescription a été faite par un non spécialiste sont moins observants avec un RR de 1.15 (IC 95% 0.96 -1.38).

La nature du traitement intervient aussi : dans le cas du traitement hypo-uricémiant, il s’agit d’un traitement préventif qui sera moins bien observé qu’un traitement symptomatique.

Parmi les facteurs influençant l’observance de manière plus générale, un rapport de l’OMS de 2003 classe en 5 catégories les différents facteurs. On a :

Les facteurs socio-économiques avec le statut du patient, ses revenus et son travail, son niveau d’éducation, sa culture, sa famille et son entourage.

Les facteurs liés au système de soin avec l’assurance maladie et le remboursement des soins, le manque d’expérience des professionnels de santé sur la prise en charge des maladies chroniques, une surcharge du système de santé et la durée des consultations.

Les facteurs liés à la pathologie avec la sévérité des symptômes, le niveau d’handicap, la vitesse de progression et la sévérité de la maladie, et la disponibilité de traitements efficaces pour la traiter. Les facteurs liés au traitement avec la durée de traitement, l’échec de traitements antérieurs, des changements fréquents de traitement, l’immédiateté des effets bénéfiques du traitement et les effets indésirables.

Les facteurs liés au patient avec ses connaissances, ses croyances et ses représentations sur la maladie, sa perception de la gravité de celle-ci et les risques qu’elle entraîne. On peut directement agir en tant que pharmacien en améliorant les connaissances du patient vis-à-vis de sa pathologie et ainsi améliorer l’observance. On retrouve également parmi les autres facteurs liés au patient son état de stress, sa motivation, le manque d’efficacité des traitements perçue par celui-ci et sa tendance à oublier ou non de prendre ses traitements.

Comme conséquences de l’inobservance on aura sur le plan médical un contrôle moins bon de l’uricémie ce qui augmente le risque de crise de goutte, et si le patient présente des tophi, l’efficacité du traitement sur la réduction de la taille des tophi sera impactée négativement aussi. Sur le plan économique, l’inobservance thérapeutique a un coût non négligeable en termes de dépenses de santé que nous aborderons par la suite. (279,281).