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Archivistique et conservation

4.2 Objets manipulés

D’une manière générale, les objets manipulés par les institutions de conservation sont des documents au sens très général du terme, c’est-à-dire dans la mesure où ils transmettent une information. Il est donc aisé d’imaginer que les responsables de fonds d’archives peuvent être confrontés à diverses réalités matérielles. Pour se faire une idée de cette diversité, on peut ici revenir à l’exemple célèbre de l’antilope qui une fois capturée, étudiée et cataloguée devient un document :

L’antilope cataloguée est un document initial et les autres documents sont des documents seconds ou dérivés [Briet, 1951].

Dans le cadre de la présente étude, nous nous concentrerons malgré tout sur des documents matériels précis : les manuscrits et imprimés anciens qui concernent donc les archivistes dans leur dimension matérielle. Nous nous intéresserons également aux ensembles composés de ces pièces élémentaires : les fonds.

La figure 4.1 donne une représentation de l’organisation d’un fonds jusqu’aux pièces qui le composent. Les niveaux hiérarchiques ne sont pas tous ici représentés et il est possible d’en ajouter. Un fonds particulièrement complexe et riche pourra exiger d’ajouter autant de niveaux que nécessaire pour aboutir à un résultat satisfaisant pour faciliter sa compréhension et la découverte des pièces qui le composent. Ce schéma permet très bien de voir que le modèle archivistique propose des relations de composition complexes entre le fonds et la pièce avec un certain nombre d’objets intermédiaires.

Nous ne pourrons pas ici entrer dans tous les détails car l’archivistique est un domaine complexe. Pour notre étude, nous décrirons deux objets centraux : la pièce, et pour ce qui nous concerne, les témoins (manuscrits et imprimés anciens) et le fonds, c’est-à-dire un ensemble de pièces rassemblées en un tout cohérent.

4.2. Objets manipulés

Figure 4.1 – Schéma des niveaux de classement d’un fonds [ICA, 2000]. 4.2.1 Manuscrits et imprimés anciens (support matériel)

Cette notion est probablement la plus évidente à concevoir puisqu’il s’agit de désigner une réalité : celle du support matériel du texte, de l’objet que l’on a sous les yeux ou entre les mains, c’est-à-dire le livre, le manuscrit ou l’écran.

Il s’agit en fait du porteur du texte, ou plus exactement d’une version du texte dans le cas des sources anciennes. Cette version se caractérise par ses propres spécifi-cités : format, matières utilisées, reliures, organisation du texte dans la page, erreurs de copie, détérioration, etc.

Les images numériques produites en masse de nos jours présentent des vues de ces supports matériels, manuscrits, exemplaires imprimés ou incunables. Ainsi, chaque image numérique d’un texte présente en réalité une vue d’une des versions du texte, celle de tel ou tel manuscrit par exemple, ou encore de tel exemplaire annoté par telle ou telle personne. Ainsi, même si le texte porté par un support imprimé ne dif-fère pas d’un autre exemplaire imprimé conjointement, la présence d’une annotation

unique consultable uniquement sur un support précis peut justifier une acquisition numérique. C’est en fait à ce texte unique que l’on porte attention, en tant que tel, mais aussi dans ses rapports avec le texte imprimé. C’est par exemple le cas du first folio des œuvres de Shakespeare, le 233e exemplaire sur les 800 imprimés à l’origine, récemment découvert à Saint-Omer. Cet exemplaire semble présenter des annota-tions utilisées pour monter des pièces de théâtre40. Enfin, même s’ils sont un peu en dehors de notre périmètre, les versions imprimées modernes entrent bien entendu totalement dans cette catégorie. En effet, elles constituent des éléments matériels supportant du texte produits selon des modalités différentes des manuscrits ou des incunables.

La notion d’exemplaire peut alors avoir une importance prépondérante, pour être en mesure de distinguer deux instanciations matérielles. Ce dernier point peut être capital, par exemple si un exemplaire d’un fonds contient des notes de lecture en marge du texte imprimé.

Nous désignerons ici par support matériel, artefact ou item ces réalités matérielles, manuscrits, incunables ou exemplaires.

4.2.2 Fonds d’archives

Pour les institutions de conservation, un fonds est un ensemble documentaire consti-tué par un producteur, c’est-à-dire par une personne physique ou morale. La co-hérence du fonds est donc donnée par le producteur, c’est pourquoi l’archivistique s’interdit en principe de modifier l’organisation des documents. En principe, car des difficultés peuvent apparaître et contraindre à déplacer les documents d’un fonds, par exemple lorsque deux fonds se sont trouvés mélangés accidentellement. Cepen-dant le principe de respect du fonds, capital en archivistique, reste une règle générale théorique que les spécialistes cherchent au maximum à respecter. Le document n’est jamais, dans un contexte archivistique, considéré isolément,

il se situe au sein d’un processus fonctionnel, dont il constitue lui-même un élément [...]. Il a toujours un caractère utilitaire, qui ne peut apparaître clairement que s’il a gardé sa place dans l’ensemble des autres documents qui l’accompagnent [Duchein, 1977]. En forçant le trait, nous pouvons considérer que, pour l’archiviste, le document est en réalité un fragment d’un fonds qui ne peut être exploité ou interprété indé-pendamment de son contexte archivistique.