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La survie de patients atteints de tumeurs cérébrales reste toujours de pronostic extrêmement défavorable malgré les efforts incessants dans le domaine chirurgical, la radiothérapie ou la chimiothérapie. De nouvelles approches thérapeutiques, comme l’immunothérapie, sont donc envisagées afin de prolonger cette survie. L’immunothérapie active notamment, a pour but d’induire des réponses immunes à long terme sans affecter le tissu normal environnant et permet de prévenir la réapparition de la tumeur. Cependant, développer des stratégies d’immunothérapie contre les tumeurs cérébrales nécessite avant tout de mieux comprendre le microenvironnement particulier de cet organe. En effet, le système nerveux central a évolué pour se protéger des assauts du système immunitaire : isolement physique par la barrière hémato-encéphalique, peu d’expression des molécules du CMH, drainage antigénique non conventionnel et immunosuppression constitutive. Pourtant, les lymphocytes T mémoires patrouillent en permanence dans le cerveau et des réponses immunitaires efficaces peuvent aussi s’y déclencher (Walker et al., 2003). Loin d’être immunologiquement muet, le SNC possède même son propre réseau de cellules immunocompétentes spécialisées : les cellules microgliales. D’origine myéloïde, ces cellules présentent un haut degré de plasticité morphologique et fonctionnelle et sont aussi bien capables de protéger la population neuronale à l’état quiescent que de participer après activation à des réponses inflammatoires en présentant les antigènes aux lymphocytes T ou en secrétant des cytokines pro- ou anti-inflammatoires (Aloisi, 2001; Hanisch, 2002; Streit, 2002; Streit et al., 2005).

Les cellules microgliales jouent certainement un rôle primordial dans le devenir des tumeurs cérébrales et représentent jusqu’à 30% des cellules infiltrantes. Or, lors de ces processus tumoraux, la barrière hémato-encéphalique peut être lésée et laisse pénétrer notamment des monocytes/macrophages périphériques, susceptibles de jouer un rôle, peut être différent, dans la défense anti-tumorale au sein du système nerveux central. Cependant, un problème récurrent en neuro-immunologie est de pouvoir discriminer chez la souris les cellules microgliales activées des macrophages infiltrants, préalable pourtant nécessaire pour mieux comprendre le comportement des principaux acteurs de la réponse immune lors de ces processus tumoraux (ainsi qu’au cours d’autres pathologies nerveuses)(Guillemin et Brew, 2004). Des travaux précédents du laboratoire avaient permis d’isoler les ARNm différentiellement exprimés par deux clones de cellules microgliales activées par l’IFNγ

(Mahe et al., 2001). Aussi, le premier objectif de ce travail de thèse a été de déterminer si parmi les 16 messagers constituant la banque soustractive, certains d’entre eux pouvaient

permettre au moins dans certaines conditions de distinguer cellules microgliales et macrophages périphériques.

Au début du développement tumoral, du fait de la barrière hémato-encéphalique et en l’absence de cellules dendritiques, les cellules microgliales sont les premières à être confrontées aux cellules cancéreuses et sont donc en position idéale pour déclencher une réponse anti-tumorale efficace. Dans le reste de l’organisme, les cellules dendritiques assurent cette fonction. Ce sont les cellules présentatrices d’antigènes les plus performantes de l’organisme (Banchereau et Steinman, 1998) car elles migrent vers les ganglions lymphatiques, présentent efficacement les antigènes lorsqu’elles sont matures et sont également capables d’effectuer la présentation croisée, ce qui les rend particulièrement intéressantes dans le cadre d’une immunothérapie anti-tumorale (Amigorena, 1999). De façon intéressante, en présence de GM-CSF, les cellules microgliales se différencient en cellule type dendritique, expriment le marqueur CD11c et présentent une morphologie typiquement dendritique (Fischer et Reichmann, 2001; Santambrogio et al., 2001). Elles sont aussi des cellules présentatrices d’antigènes efficaces à condition d’être activées de manière optimale (Matyszak et al., 1999; Ponomarev et al., 2006) et le GM-CSF permettant leur différentiation en cellule dendritique favorise leur potentiel de cellule présentatrice d’antigènes (Fischer et

al., 1993; Aloisi et al., 2000). Par ailleurs, une étude récente montrant qu’elles expriment

CCR7, suggère qu’elles pourraient éventuellement migrer vers les organes lymphoïdes secondaires dans certaines conditions (Dijkstra et al., 2006). La microglie ayant ainsi plusieurs caractéristiques communes avec les cellules dendritiques, le second objectif de ce travail de thèse a consisté à étudier si la microglie était aussi capable de présentation croisée.

Dans le but de pouvoir à terme mettre en application nos résultats in vivo, nous avons en parallèle développé deux modèles de tumeur intracérébrale chez la souris. Dans la mesure où il n’existe pas beaucoup d’outils pour analyser la réponse immunitaire face à un gliome, notre choix s’est porté sur deux lignées murines non gliales : la B16-F10gp33-41, très agressive, peu immunogène, provenant d’un mélanome transfecté par le peptide 33-41 de la glycoprotéine du virus de la chorioméningite lymphocytaire murine (LCMV) et la lignée EG.7, plus immunogène, provenant d’un thymome (lignée EL4) transfecté par l’ovalbumine. Les tumeurs ont tendance à créer autour d’elles un environnement immunosuppresseur de manière à tenir sous contrôle à la fois les cellules présentatrices d’antigènes ainsi que les lymphocytes T. Ainsi, toute stratégie d’immunothérapie dans le système nerveux central doit non seulement surpasser la tolérance immune induite par la tumeur, mais aussi l’immunosuppression liée au cerveau lui-même (Gomez et Kruse, 2006). L’un des

mécanismes majeur de suppression dans les tumeurs est la présence de lymphocytes T régulateurs (Wang, 2006b), or au commencement de ce travail, l’influence de la déplétion des lymphocytes T régulateurs sur le développement de tumeurs intracérébrales n’était pas connue. De plus, l’un des meilleurs moyens pour activer le système immunitaire est de mimer une infection en engageant les récepteurs de la famille Toll. Parmi les divers agonistes TLR, les oligodéoxynucléotides non méthylés CpG semblent particulièrement prometteurs dans le cadre d’une immunothérapie anti-tumorale, dans la mesure où ils entraînent l’activation de la plupart des cellules immunitaires directement ou indirectement (Carpentier et al., 2003). Dans le système nerveux central, les cellules microgliales expriment le TLR9 et les CpG-ODN favorisent leur sécrétion de cytokines pro-inflammatoires ainsi que leur fonction de cellule présentatrice d’antigènes (Dalpke et al., 2002). Le troisième objectif de ce travail de thèse a donc été d’évaluer un protocole combinant déplétion des lymphocytes T régulateurs et injection de CpG-ODN sur les deux modèles de tumeurs intra-cérébrales en place au laboratoire.

L’état d’activation des cellules présentatrices d’antigènes détermine le succès d’une réponse immunitaire. Il est donc particulièrement intéressant de mieux connaître les mécanismes régissant cette activation. Parmi les messagers isolés dans la banque soustractive, l’ « immune responsive gene 1 » présentait un profil d’expression particulier étant nettement plus exprimé ou fortement induit dans les divers clones microgliaux après activation par l’IFNγ (Mahe et al., 2001). Cette induction était rapide, ce qui confirmait les seules données bibliographiques disponibles à ce moment précis sur cette molécule, montrant une induction en moins d’une heure de l’IRG-1 dans des macrophages stimulés par du LPS (Lee et al., 1995). Induite dans les macrophages et les cellules microgliales, par l’IFNγ ou le LPS, l’IRG-1 représentait donc une molécule potentiellement impliquée dans l’activation des cellules présentatrices d’antigènes et située au carrefour de l’immunité innée et adaptative. L’identification et le clonage de son homologue humain ainsi qu’une meilleure caractérisation de l’IRG-1 murin et humain a donc représenté le dernier objectif de ce travail.