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8 Objectifs du travail de ce chapitre

Etude théorique des complexes de Ru(II)

II- 8 Objectifs du travail de ce chapitre

Comme nous l’avons vu dans la précédente partie, il existe de nombreux exemples de complexes de ruthénium associés à des ligands polypyridine, font partie des photosensibilisateurs les plus utilisés.[74]

La famille des molécules étudiées ici a initialement été conçue en vue de réaliser un processus de séparation de charges photoinduit utilisable pour la photosynthèse artificielle. Les systèmes synthétisés dans cette optique comportent en générale deux (diades) ou trois (triades) composantes nécessaires à la production d’un transfert électronique photoinduit : un photosensibilisateur (P), un accepteur (A) et /ou un donneur d’électrons (D) généralement assemblés linéairement (D-P-A). L’état excité à charge séparées (CS) D+-P-A- s’obtient grâce à des transferts d’électrons intramoléculaires séquentiels et dirigés.

Le photosensibilisateur activé sous l’effet du rayonnement lumineux réduit d’abord l’accepteur, puis le donneur transfert à son tour un électron au photosensibilisateur oxydé (Figure II-16). L’efficacité de la recombinaison des charges dépend entre autres du couplage électronique entre les différentes sous-unités. Un découplage électronique est donc nécessaire pour favoriser l’obtention d’états à CS de longue durée de vie.

La difficulté pour concevoir de tels systèmes est donc d’imaginer des assemblages moléculaires qui conduisent à un certain équilibre entre le découplage électronique et la communication entre les différentes sous-unités.

Figure II-16. Transferts électroniques dans une triade Donneur-Photosensibilisateur- Accepteur

Figure II-17. Photosensibilisateur 𝑹𝒖 𝒕𝒑𝒚 𝟐 𝟐+

Les composants donneurs et accepteurs d’électrons doivent respecter un certain nombre de contraintes. Ils ne doivent pas absorber aux longueurs d’onde utilisées pour exciter le photosensibilisateur. Il est également nécessaire qu’ils présentent des potentiels redox appropriés, ainsi qu’un comportement redox réversible. De plus, l’oxydation du donneur et la réduction de l’accepteur doivent idéalement s’accompagner de changements détectables de leur spectre d’absorption afin de pouvoir mettre en évidence l’apparition du transfert électronique par spectroscopie. La simulation des spectres d’absorption UV-visible-PIR s’avère à cette étape utile pour interpréter les spectres expérimentaux dans lesquels les bandes se recouvrent et des contributions (LC, MLCT et MC) diverses se mélangent.

Dans ce cadre, les donneurs d’électrons les plus utilisés sont les amines substituées, les phenothiazines, les polyènes caroténoïdes. Les fragments de naphtalène diimide, les groupes dicyanovinyl, les fullerènes, les quinones et les espèces bipyridinium (viologènes) jouent en général le rôle d’entités acceptrices d’électrons.

L’utilisation d’un triarylpyridinium substitué a conduit à une nouvelle famille de triades susceptibles d’effectuer un processus de séparation de charges [83] [84]. Les principales caractéristiques de ce nouvel accepteur sont sa géométrie bien définie (structure rigide) et sa flexibilité chimique. Les propriétés redox peuvent en effet être modifiées grâce aux substituants R1 et R2.

Les complexes synthétisés ont été classés en deux familles P0 (n=0) et P1 (n=1) différenciées par la présence d’un phenyl (n=1) qui joue le rôle d’espaceur retardant la recombinaison des charges (Figure II-18)

Figure II-18. Triades comportant un accepteur triarylpyridinium

Les études théoriques ont confirmé les résultats expérimentaux montrant que même en présence de l’espaceur phenyl, l’accepteur et le photosensibilisateur restent couplés, ce qui conduit à l’accélération de la recombinaison de charges et diminue la durée de vie de l’état de charges séparées [85].

En parallèle d’une activité d’ingénieurie moléculaire visant à diminuer le couplage électronique entre les composantes polyades, les expérimentateurs ont cherché à rendre leur accepteur d’électrons plus efficace.

Figure II-19. Triades comportant un accepteur 𝑹𝟐𝟏𝑹𝟐𝑸𝒑𝒉+

Une nouvelle famille d’accepteurs modulables polycycliques et cationiques a ainsi été conçue, du type 2-arylbenz[8,9]quinolizino[4,5,6,7,fed] phenanthidinylium, 𝑅21𝑅2𝑄𝑝ℎ+ (figure II-19) [86]. Cette nouvelle classe d’accepteur peut être adaptée à la conception d’une nouvelle famille de photosensibilisateur photoactifs que nous nous proposons d’étudier d’un point de vue théorique lors de ce travail. Les propriétés attendues pour ces complexes de Ru (II) sont entre autres celles d’un chromophore panchromatique, c’est-à-dire d’un « corps noir moléculaire » capable d’absorber fortement la lumière sur toute une région spectrale visible et PIR[87] [88]. De telles molécules sont susceptibles de trouver des applications dans des domaines aussi divers que le photovoltaïque (photosensibilisation de semi-conducteurs et photoinjection de charges) et la photobiologie (agent intercalant d’acide nucléique et photothérapie dynamique, [89] [90]

L’analyse théorique de ces entités supramoléculaires a été menée au cours de ce travail. Les études théoriques s’avèrent en effet très utiles pour décrire ce type de système supramoléculaire. Leur rôle ne se limite pas à une simple rationalisation des résultats expérimentaux, mais elles permettent également de mieux comprendre les propriétés

électroniques de la supermolécule par la mise en évidence des couplages électroniques entre les différentes entités moléculaires. La théorie contribue par conséquent à une meilleure interprétation des résultats expérimentaux en fournissant des informations sur la nature des états excités. A ce rôle descriptif des calculs théoriques peut aussi s’ajouter un moyen de prédiction. .les analyses théoriques peuvent ainsi être déterminantes pour orienter la synthèse et l’assemblage des composantes moléculaires de la supermolécule.

Dans le cas des systèmes étudiés ici, le rôle prédictif de la théorie est tout particulièrement exploité étant donné que des calculs sont déjà disponibles sur des systèmes similaires. La synthèse moléculaire a été effectuée par Philippe Lainé de l’Université Paris V.

Le choix de la méthode utilisée est crucial quant à la précision des résultats obtenus et au coût en temps de calcul (dû à la grande taille du système). Cette méthode devra fournir une description correcte non seulement de l’état fondamental ais aussi de l’état excité. Plusieurs approches peuvent alors être proposées. Tout d’abord, les approches semi-empiriques encore très souvent évoquées se basent sur l’utilisation de paramètres expérimentaux ou obtenus par des simulations ab-initio dont la qualité oriente la justesse du résultat final obtenu. Cette paramétrisation empêche l’application systématique de ce type de méthode, notamment pour un système contenant des métaux de transition pour lesquels les paramètres sont mal connus. On peut penser dans un deuxième temps à la théorie Hartree-Fock qui a longtemps été la plus utilisée, mais l’absence intrinsèque de tout traitement de la corrélation électronique rend cette méthode inapplicable pour nos systèmes. Les approches post-HF avec la méthode des interactions de configuration qui permettent de réintroduire une partie de la corrélation peuvent ensuite être envisagées. La grande taille du système limiterait cependant le traitement aux simples excitations (CIS : interactions de configuration simples).

Durant les dernières années, la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT) s’est progressivement imposée dans la communauté scientifique. Sa popularité est certainement due à son rapport optimal entre l’effort de calcul et la qualité des résultats obtenus. La DFT a notamment eu beaucoup de succès pour l’évaluation de nombreuses propriétés de l’état fondamental pour de grands systèmes, et en particulier pour les complexes contenant des métaux de transition.

Plus récemment, le développement de l’approche dépendante du temps de la DFT (TDDFT) a permis de calculer des propriétés de l’état excité qui ne sont pas accessibles en DFT conventionnelle, en particulier les spectre d’excitation électronique.

Le coût de la TDDFT est équivalent à celui de la méthode CIS. Mais son développement théorique nécessite d’avoir recours à deux approximations : l’hypothèse

adiabatique et la réponse linaire. En pratique, les propriétés peuvent la plupart du temps être calculées en considérant la réponse linéaire de la matrice densité à une perturbation extérieure. Au niveau des performances techniques, la TDDFT est meilleure que la méthode CIS pour traiter les excitations des électrons de valence. En revanche, pour les énergies les plus élevées, les approximations utilisées ainsi que la fonctionnelle d’échange-corrélation deviennent de moins en moins correctes. Le traitement des interactions à longue portée est aussi souvent très mal décrit. Il a de plus été démontré que les doubles excitations, tout comme CIS, ne sont pas prises en compte par la TDDFT. Malgré ses limitations, qui sont partiellement comblées grâce à l’utilisation d’une fonctionnelle hybride, la TDDFT a été choisie ici grâce à son très bon traitement des excitations de valence.

Afin d’étudier les propriétés des états excités, on peut, penser que les propriétés du système à l’état excité peuvent être simulées par celle du même système réduit. En d’autre termes, on peut penser que, si la relaxation électronique est négligeable, les propriétés électroniques de l’état fondamental du système réduit (𝐴− à N+1 électrons) reproduisent bien celles de l’état

excité du système natif à N électrons 𝐴∗ .

II-9. Résultats de l’étude théorique

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