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Dans ce contexte global d’apparition de BMRs, l’implication de la FDTS, par l’équipe de Myllykallio en 2002 comme nouveau processus biochimique pour la biosynthèse de novo de la dTMP et ainsi comme une nouvelle cible antibactérienne, a permis d’entreprendre la synthèse de nouveaux antimicrobiens sélectifs, ciblant un large groupe de pathogènes et ne montrant pas ou peu de toxicité pour l’Homme. Compte tenu du faible nombre d’inhibiteurs à la fois efficaces et affins pour cette enzyme, notre laboratoire s’est entrepris à inhiber ce processus essentiel à la survie de ces pathogènes. Ainsi, sur la base de données précédemment publiées qui montrent un mécanisme chimique sans précédent et une grande cavité au niveau du site actif avec de forts mouvements conformationnels, la synthèse de trois séries d’inhibiteurs potentiels a été entrepris en collaboration avec les équipes partenaires du projet (Schéma 11) :

Schéma 11 : Différentes familles d’inhibiteurs potentiels ciblés.

1 Série 1 : Analogues du FAD en N

10

La littérature récente sur le mécanisme de la FDTS se rejoint à propos du rôle central du FAD comme donneur d’hydrure mais aussi comme donneur de méthylène dans cette catalyse enzymatique. Ainsi, de récentes études de cristallographie aux rayons X de la FDTS ont permis de déterminer les interactions entre ce cofacteur et le site actif de l’enzyme de Mycobacterium Tuberculosis dans le but d’étudier les

mouvements conformationnels et le mécanisme de cette dernière et afin d’en déduire des structures d’inhibiteurs originales et affines (Figure 14).

Figure 14 : Interactions du FAD co-cristallisé dans le site actif de la FDTS de Mycobacterium Tuberculosis (PDB : 3HZG).58

Comme précédemment, la forte densité électronique du noyau Lumichrome de 27 induit des interactions de type

π

-stacking avec les autres cofacteurs et 18 mais aussi avec des résidus de type Histidine. De plus, le noyau pyrimidine de ce dernier semble essentiel à la reconnaissance dans le site actif par la formation de liaison hydrogène entre le N3H et l’amide, mais aussi avec l’oxygène O2 et

l’amine d’une glycine proche et la fonction guanidine de l’arginine R95. Enfin, le groupement pyrophoshate du FAD semble être un point d’ancrage capital avec de multiples liaisons hydrogène avec des résidus du site actif (Figure 14).

Figure 15 : Structures cibles de la série 1.

58 Baugh, L.; Phan, I.; Begley, D. W.; Clifton, M. C.; Armour, B.; Dranow, D. M.; Taylor, B. M.; Muruthi, M. M.; Abendroth,

J.; Fairman, J. W.; et al. Increasing the Structural Coverage of Tuberculosis Drug Targets. Tuberculosis 2015, 95, 142– 148.

Avec ces données, cette première série de nouveaux analogues de la FMN, avec comme tricycle aromatique soit un noyau isoalloxazine (X = N, Flavine, Figure 15), un noyau pyrimido[4,5-b]quinoline- 2,4-dione (X = C, 5-Déazaflavine, Figure 15) ou une forme ouverte du type 6-anilinouracile (X = H, Figure 15), substitués sur l’azote central N10 par une chaîne acyclique saturée ou insaturé à 4 ou 5 chainons et

possédant, comme précédemment, un motif acide phosphonique essentiel à la reconnaissance dans le site actif (Figure 15).

2 Série 2 : Analogues du FAD en N

1

Contrairement à la série 1, la seconde famille se concentre sur la substitution sur l’azote N1 de nouveaux

analogues de la FMN dans le but d’empêcher la force motrice du mécanisme enzymatique de la FDTS c’est-à-dire à la réduction du FAD par l’addition d’hydrure provenant du NADPH sur l’azote N1 (étape 1,

Figure 7) mais aussi le transfert d’hydrure vers la dUMP (étape 7, Figure 7). La substitution en N1 de ces

analogues du FAD a pour but l’altération du potentiel d’oxydo-réduction, propriété physico-chimique capitale dans la catalyse des flavoprotéines, et ainsi l’inhibition de cesétapes du mécanisme ce qui provoquerait la suspension totale de la cascade réactionnelle consécutive.

Figure 16 : Structures cibles de la série 2.

Dans le but de conserver les mêmes interactions que la première série d’inhibiteurs, cette famille comportera des bicycles, tricycles hétéroaromatiques ou une forme ouverte de type 6-anilinouracile, où la modulation de la position des azotes sera étudiée dans le but d’en déduire une relation structure- activité, accompagné d’un motif acide phosphonique ou d’un motif acide difluorométhylphosphonique séparé par des chaînes latérales acycliques saturées ou insaturées de 4 à 5 chainons (Figure 16).

3 Série 3 : Analogues de la dUMP

Une des étapes majeures du mécanisme est le transfert du groupement méthylène sur le C5 de la dUMP

qui, dans la littérature, est une étape intéressante à perturber afin de provoquer l’inhibition de la TS Classique. En effet, la substitution en C5 de l’hydrogène de la dUMP par un bioisostère connu, le fluor59,

montre une forte inhibition à la fois de cette enzyme mais aussi de la FDTS, par la stabilisation du pont méthylène empêchant l’élimination d’Hoffman consécutive (étape 5, Figure 2 pour la TSase et étape 5, Figure 8 pour la FDTS).26,27

Figure 17 : Structures cibles de la série 3.

Dans cette optique, cette série constitue des analogues de la dUMP fonctionnalisés en C5, par de

longues chaînes lipophiles de type propargyliques ou par des aryles, sous forme acyclonucléosides phosphonates (ANPs) avec des chaînes latérales acycliques saturées ou insaturées de 4 à 5 chainons portant un motif acide phosphonique ou un motif acide difluorométhylphosphonique (Figure 17). Une partie de ces travaux a été développée par le Dr. Romain Laporte en collaboration avec l’équipe du Pr. Thierry Lequeux et du Dr. Emmanuel Pfund, MCU au Laboratoire de Chimie Moléculaire et Thio- organique (LCMT) à Caen.60

PARTIE

B :

I.

Etat de l’art et potentiel antibactérien des analogues du FAD

Même si le flavoprotéome présente une certaine abondance de cibles enzymatiques et ainsi, un intérêt indéniable, les analogues du FAD, qu’ils soient naturels ou synthétiques, restent des structures antimétaboliques peu exploitées dans la conception de nouvelles chimiothérapies antibactériennes etant donné la difficulté synthétique et la faible selectivité envers une cible enzymatique unique. A l’exception de la roséoflavine (RoF, 43, Figure 18), qui constitue un analogue naturel de la riboflavine produit par Streptomyces davawensis.61 Ce dernier ainsi que ces précurseurs sont structurellement

similaires (8-demethyl-8-amino-riboflavine, AF, 44; 8-demethyl-8-methylamino-riboflavine, MAF, 45, Figure 18) mais diffèrent cependant par le degré de méthylation du groupement amine en position 8. Aussi, ces antimétabolites ont montré des activités antimicrobiennes intéressantes sur des bactéries Gram positive tel que Bacillus subtilis (MIC = 1.56 µg.mL-1), Staphylococcus aureus (MIC = 0.25 µg.mL-1),

Bacillus cereus et Micrococcus luteus.62

Figure 18 : Analogues naturels de la Riboflavine ayant une activité antibiotique

En tant qu’analogues de la vitamine B2, ces composés ont de multiples cibles dans le métabolisme bactérien ce qui engendre une plus faible susceptibilité de ces derniers au développement de résistances bactériennes.63 Fort de ce constat, la vitamine B2 a été testée in vitro et a montré

naturellement un effet bactéricide en combinaison avec un rayonnement ultraviolet A chez plusieurs pathogènes, tels que Staphylococcus aureus et sa souche resistante à la méthiciline, Pseudomonas aeruginosa ou encore Enterococcus faecalis.64 En conséquence, la riboflavine constitue une preuve de

concept en vue de différentes modifications chimiques pour la synthèse de nouveaux antimicrobiens.

61 Otani, S.; Takatsu, M.; Nakano, M.; Kasai, S.; Miura, R.; Roseoflavin, a new antimicrobial pigment from

Streptomyces. J Antibiot (Tokyo) 1974, 27, 88–89.

62 a) Kasai, S.; Kubo, Y.; Yamanaka, S.; Anti-riboflavin activity of 8N-alkyl analogues of roseoflavin in some Gram-

positive bacteria. J Nutr Sci Vitaminol (Tokyo) 1978, 24, 339–350. b) Kasai, S.; Yamanaka, S.; Wang, S.C.; Matsui, K.; Anti-riboflavin activity of 8-O-alkyl derivatives of riboflavin in some Gram-positive bacteria. J Nutr Sci Vitaminol (Tokyo) 1979, 25, 289–298.

63 Pedrolli, D. B.; Jankowitsch, F.; Schwarz, J.; Langer, S.; Nakanishi, S.; Mack, E. F. and M. Riboflavin Analogs as

Antiinfectives: Occurrence, Mode of Action, Metabolism and Resistance. Curr Pharm Des 2013, 19, 2552–2560.

64 a) Schrier, A.; Greebel, G.; Attia, H.; Trokel, S.; Smith, E. F. In Vitro Antimicrobial Efficacy of Riboflavin and

Ultraviolet Light on Staphylococcus Aureus, Methicillin-Resistant Staphylococcus Aureus, and Pseudomonas Aeruginosa. J Refract Surg 2009, 25, S799-802. b) Makdoumi, K.; Bäckman, A.; Mortensen, J.; Crafoord, S. Evaluation of Antibacterial Efficacy of Photo-Activated Riboflavin Using Ultraviolet Light (UVA). Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 2010, 248, 207–212. c) Ahgilan, A.; Sabaratnam, V.; Periasamy, V. Antimicrobial Properties of Vitamin B2. Int J Food Prop 2016, 19, 1173–1181.

Une grande variété d'analogues de cette dernière a été synthétisée pour diverses applications dont l’étude de mécanismes enzymatiques en raison de l’abondance biochimique des flavoprotéines,65 mais

aussi pour leurs propriétés d’oxydo-réduction en tant que biocatalyseurs d’oxydation; 66 certains de ces

composés ont montré des activités antibactériennes intéressantes (Schéma 12).

Schéma 12 : Modifications chimiques apportées à la Riboflavine dans la littérature

En réalisant un parallèle avec la roséoflavine, l’équipe de Matusi s’est d’abord intéressée à différentes alkylations du groupement amine en position 8 de 43 (N-éthyl, N-méthyléthyle et N-diéthyle) et a montré que ces composés provoquaient une inhibition de la croissance de plusieurs bactéries Gram positif.67 Une autre publication de cette même équipe mentionne aussi une activité anti-riboflavine de

ces mêmes dérivés, mais cette fois, 8-O-alkylés chez ces mêmes bactéries Gram positif.68

Plus récemment dans deux brevets, une équipe de BioRelix, Inc a modulé 3 positions sur le noyau isoalloxazine, décrit dans le Schéma 12, par des fonctionnalisations en C7 et/ou C8 de type alcane, une

modulation de la chaîne portée par l’azote centrale N10 qui comporte soit une chaîne alcane ramifiée

avec un aromatique au bout de cette dernière ou une chaîne latérale acyclique comportant un pont éther et enfin, une modulation du noyau pyrimidine par la présence ou non de l’azote N1 de ces dérivés.

Les tests d’inhibition de ces composés ont montrés une MIC inférieure ou égale à 2 µg.mL-1 et un ratio

MIC:CC50 de 1:20 minimum pour tous ces derniers.69

65 a) Light, D. R.; Walsh, C. Flavin Analogs as Mechanistic Probes of Adrenodoxin Reductase-Dependent Electron

Transfer to the Cholesterol Side Chain Cleavage Cytochrome P-450 of the Adrenal Cortex. J Biol Chem 1980, 255, 4264–4277. b) Zanetti, G.; Massey, V.; Curti, B. FAD Analogues as Mechanistic and “binding-Domain” Probes of Spinach Ferredoxin-NADP+ Reductase. Eur J Biochem 1983, 132, 201–205. c) Ghisla, S.; Massey, V. New Flavins for Old: Artificial Flavins as Active Site Probes of Flavoproteins. Biochem J 1986, 239, 1–12. d) Murthy, Y. V. S. N.; Massey, V. [41] Syntheses and Applications of Flavin Analogs as Active Site Probes for Flavoproteins. In Methods Enzymol;

Vitamins and Coenzymes Part J; Academic Press, 1997, 280, 436–460.

66 a) Hasford, J. J.; Rizzo, C. J. Linear Free Energy Substituent Effect on Flavin Redox Chemistry. J Am Chem Soc 1998,

120, 2251–2255. b) Cibulka, R. Artificial Flavin Systems for Chemoselective and Stereoselective Oxidations. Eur J Org Chem 2015, 915–932. c) Kormányos, A.; Hossain, M. S.; Ghadimkhani, G.; Johnson, J. J.; Janáky, C.; de Tacconi, N. R.; Foss, F. W.; Paz, Y.; Rajeshwar, K. Flavin Derivatives with Tailored Redox Properties: Synthesis, Characterization, and Electrochemical Behavior. Chem Eur J 2016, 22, 9209–9217.

67 Kasai, S.; Kubo, Y.; Yamanaka, S.; Hirota, T.; Sato, H.; Tsuzukida, Y.; Matusi, K., S. Anti-riboflavin activity of 8N-alkyl

analogues of roseoflavin in some Gram-positive bacteria. J Nutr Sci Vitaminol (Tokyo) 1978, 24, 339-350.

68 Kasai, S.; Yamanaka, S.; Wang, S.C.; Matsui, K. Anti-riboflavin activity of 8-O-alkyl derivatives of riboflavin in some

Gram-positive bacteria. J Nutr Sci Vitaminol (Tokyo) 1979, 25, 289-298.

69 a) Coish, P.; Dixon, B.; Osterman, D.; Aristoff, P.; Navia, M.; Sciavolino, F.; Avola, S.; Baboulas, N.; Belliotti, T.; Bello,

A.; et al. Flavin Derivatives. WO2011126567 (A1), October 13, 2011. b) Coish, P. D. g; Aristoff, P. A.; Dixon, B. R. Flavin Derivatives. WO2012109458 (A1), August 16, 2012.