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Le Tableau 1.1 ci-dessous résume les observations expérimentales présentées aux sec- tions précédentes, et attribuées par leurs auteurs au mouillage total ou au mouillage pseudo-partiel.

Mouillage total Mouillage pseudo-partiel film moléculaire ligne de contact avance ligne de contact à l’arrêt

film d’épaisseur uniforme h h(r)

h ind. de N ?

D dépend de N ?

D dépend de l’humidité relative ?

D dépend de la fonctionnalisation de la surface ?

film épais arrêt de la ligne de contact ligne de contact à l’arrêt

film épaulé ?

h ∼N démouillage : h ∼N

Table 1.1 – Résumé des observations expérimentales faites aux sections précédentes sur le mouillage total et le mouillage pseudo-partiel.

Plusieurs remarques peuvent être faites :

des polymères en mouillage total sur une surface, lorsque la ligne de contact est à l’arrêt et que le liquide est en mouillage pseudo-partiel la présence d’un tel film moléculaire n’a que peu été observée.

— Par ailleurs, pour des polymères communément admis comme étant en mouillage total, la ligne de contact de la goutte semble s’arrêter lorsque qu’un film épais et épaulé pousse. La distinction mouillage total/mouillage pseudo-partiel apparaît alors plus complexe qu’un simple effet des interactions de van der Waals avec la surface.

Fort de ces observations, nous avons choisi de nous intéresser à la morphologie, la structure et la dynamique de films précurseurs de fondus de polymères plus polarisables que la silice, que nous étudions sur des wafers de silicium oxydés. Afin de clarifier les appel- lations utilisées dans la littérature, nous appellerons films primaires les films d’épaisseurs moléculaire ou submoléculaire, et films secondaires les films plus épais. Ceci est illustré Figure 1.22. film primaire film secondaire h r d rg

Fig. 1.22 Schéma d’un film précurseur constitué d’un film primaire (h < d) et d’un film secondaire (h > d), d étant l’épaisseur d’une molécule.

Nous montrerons que nos systèmes nous permettent à la fois d’étudier le film primaire et le film secondaire, et ce de manière quantitative. En effet, les récents développements d’instrumentation ont permis d’améliorer grandement les résolutions spatiale et temporelle des ellipsomètres, ce qui nous permet de mesurer avec précision les profils spatio-temporels des films précurseurs – Chapitre 2. Nous verrons que l’étude de la dynamique des films primaires permet de caractériser finement les interactions entre les chaînes de polymère et le substrat – Chapitre 3. Nous aborderons ensuite les films secondaires, et montrerons que leur morphologie et leur dynamique est également riche en informations sur les interactions polymère/substrat – Chapitre 4. Finalement, nous conclurons cette étude en mettant en regard nos observations sur les films précurseurs avec celles de la littérature. Nous mettrons en évidence des points clés, qui impliquent de redéfinir un cadre théorique plus complet que celui existant actuellement pour l’étude des films précurseurs.

Observation des films précurseurs

Dans ce chapitre seront détaillés les systèmes utilisés (substrats solides, fondus de polymère), ainsi que les développements expérimentaux menés afin de démontrer notre capacité à cartographier les films précurseurs nanométriques et submoléculaires au cours de leur étalement. Nous avons pour cela combiné deux techniques complémentaires, la microscopie ellipsométrique et la microscopie à force atomique, et montré que les épais- seurs mesurées optiquement peuvent être converties en densité surfacique de chaînes de polymère.

2.1

Système d’étude

2.1.1 Surfaces

Les films précurseurs étudiés s’étalent autour de gouttes de fondu de polymère déposées sur des portions de wafers de silicum d’environ 3 cm2, découpées à la pointe diamant. Les wafers proviennent de chez Siltronix Silicon Technologies, sont dopés au P-Bore, d’épais- seur 275 ± 25 µm et d’orientation (100) ou (111). Ils sont recouverts d’une couche d’oxyde natif de quelques nanomètres d’épaisseur. Pour obtenir une couche d’oxyde de plus grande épaisseur (> 4 nm), un traitement thermique sous dioxygène (oxydation sèche) est appli- qué par le fournisseur. Dans ce cas les wafers nous ont été fournis par le CEA-Leti. L’état de surface des wafers est contrôlé par AFM et leur rugosité est inférieure à 0.5 nm, comme le montre la Figure 2.1.

La propreté des surfaces étant un paramètre clef dans les expériences de mouillage, un grand soin est apporté au nettoyage des wafers. Après avoir été coupés en petites portions, les wafers sont passés dans une solution piranha (H2SO4 : H2O2 (33%), 2 : 1 v : v) à 150◦C pendant trente minutes afin d’éliminer les polluants organiques. Ils sont ensuite rincés abondamment à l’eau milliQ et finalement placés dans un bain d’eau dans une cuve à ultrasons afin de décrocher d’éventuelles poussières minérales adsorbées. Le séchage se fait avec un flux d’azote sous une hotte à flux laminaire, puis les portions de wafers sont stockées sous vide. Avant chaque expérience, leur surface est régénérée et

Fig. 2.1 Rugosité de surface d’un wafer de silicium oxydé après nettoyage, vue par AFM.

nettoyée grâce à un passage de trente minutes sous une lampe UV créant de l’ozone et des radicaux qui nettoient les éventuelles traces organiques restantes. L’angle de contact d’une goutte d’eau sur les surfaces ainsi nettoyées est nul.

2.1.2 Dispositif expérimental

La surface est ensuite placée dans une cellule hermétique dans laquelle circule un flux d’azote à humidité contrôlée, afin de maitriser la quantité d’eau adsorbée sur le wafer et limiter son oxydation. Typiquement, le taux de croissance de la couche d’oxyde à l’air est de 0.5 nm/mois alors que la vitesse de croissance de la couche d’eau est d’environ 0.5 nm/jour sous 11% d’humidité relative. Le contrôle de l’humidité se fait en amont de la cellule : un flux d’azote sec vient buller dans une solution de sel saturée et se charge ainsi en eau. Il est possible de faire varier l’humidité relative en changeant le sel utilisé ou en modifiant la température de la surface dans la cellule – voir Annexe A. Celle-ci est contrôlée par une circulation d’eau sous la cellule, dont la température Tc est imposée par un bain thermostaté et varie typiquement entre 10 et 95◦C. Elle doit être suffisamment grande devant la température de transition vitreuse Tg du polymère afin que celui-ci s’écoule à l’échelle de temps de nos expériences. La Figure 2.2 présente le dispositif expérimental. Pour alléger les notations, Tcsera simplement notée T par la suite.

Les gouttes de polymère déposées sont de volume typiquement inférieur au dixième de nanolitre, soit de rayon de l’ordre de la centaine de micromètre. Lorsque la température T de la surface est très supérieure à la Tgdu polymère, ce dernier est sous forme de fondu. Le

dépôt de la goutte sur la surface se fait grâce à un filament d’acier de 200 µm de diamètre taillé en pointe et imbibé de polymère en son bout [125]. Ce filament, contrôlé par un ensemble de vis micrométriques, pénètre la cellule par un trou situé sur le dessus et vient ensuite s’approcher du wafer pour y transférer du polymère. Lorsque T < Tg, le polymère est vitreux. Afin de transférer du polymère sur le filament, celui-ci est trempé dans un

N2

Tv et RHv Tc et RHc

cellule @

pointe de dépôt

Fig. 2.2 Le montage expérimental comprend une cellule à la température Tcdans

laquelle se trouve un wafer de silicum oxydé. Une goutte de polymère peut être déposée sur la surface par le dessus. Une solution saturée en sel à la température Tv impose une humidité relative RHc dans la cellule.

réservoir chauffé au dessus de Tg. Le polymère se re-solidifie au contact de l’air ambiant

puis à l’approche de la surface chaude repasse sous forme de fondu et s’y dépose.

2.1.3 Polymères

La structure chimique des polymères utilisés dans le cadre de cette étude est présentée Figure 2.3 : le polybutadiène (PBd), le polyisoprène (PI) et le polystyrène (PS). L’étale- ment de chaines polybutadienes et polyisoprènes fonctionnalisées à une extrémité par un groupement hydroxyle (notées PBd-OH et PI-OH respectivement) a également été étu- dié. Les polymères ont été synthétisés par polymérisation anionique et viennent soit de Polymer Source, de Sigma Aldrich ou d’une collaboration avec le Max Planck Institut for Polymer Research [85].

Fig. 2.3 Les différents polymères utilisés. (a) Conformations du polybutadiène. (b) Polyisoprène. (c) Polystyrène.

Les polymères ont été caractérisés par chromatographie pour obtenir la longueur moyenne Mndes chaînes et l’indice de polydispersité, par résonance magnétique nucléaire pour connaître le taux de conformations 1-4 cis, 1-4 trans et 1-2, par rhéologie pour la viscosité bulk η, et enfin par tensiométrie pour obtenir la tension interfaciale polymère/air γ. Les détails sont présentés Annexe B. Le tableau 2.1 ci-dessous reprend quelques unes de leurs caractéristiques.

Le polybutadiène avec des chaînes de conformation majoritairement 1,4 (supérieure à 70%) sera appelé dans la suite PBd 1,4, par opposition au PBd 1,2, de conformation

Polymère provenance Me [g/mol] Mk [g/mol] b [nm] γ [mN/m] n PBd P.S., M.P.I. 1900 105 0.96 28 ± 5 1.5 PI M.P.I. 7100 113 0.82 31.3 ± 2 1.52 PS P.S., S.A. 17000 720 1.8 1.59 PDMS P.S. 12000 381 1.3 20.5 ± 2 1.40 silice 1.46 silicium 3.94±0.02i

Table 2.1 – Masse molaire d’enchevêtrement Me, masse molaire d’un segment de Kuhn

Mk, longueur d’un segment de Kuhn b [48,113], tension interfaciale polymère/air γ [106]

et indice de réfraction n dans le visible des différents polymères utilisés [10, 57, 121]. Pour la gamme de masses molaires utilisées, γ est indépendante de la masse molaire. La provenance des fondus est indiquée : P.S. pour Polymer Source, M.P.I. pour le Max Planck Institut et S.A. pour Sigma Aldrich

dominante 1,2 (supérieure à 90%).

Afin d’observer les films précurseurs s’étalant autour de gouttes de fondus de polymères et de caractériser leur profil d’épaisseur et leur dynamique, la microscopie éllipsométrique est utilisée. Comme mentionné au Chapitre 1, cette technique est bien connue pour être très sensible aux épaisseurs submoléculaires.