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Au travers de l’étude de la perception temporelle chez un modèle animal de la maladie de Huntington, nous avons essayé de caractériser le lien qui unit le striatum et ses afférences préfrontales à la perception et mémorisation temporelle, sachant que les circuits préfronto-striataux sont censés jouer un rôle critique dans le traitement de l’estimation temporelle (Buhusi & Meck, 2005). La maladie de Huntington se caractérise principalement par la neurodégénérescence du striatum. Nous avons donc réalisé des enregistrements électrophysiologiques dans le striatum dorsal, une structure qui est censée jouer un rôle prépondérant dans la perception temporelle des durées allant de la seconde à la minute, et nous avons également réalisé une étude longitudinale comportementale de la perception temporelle chez les rats transgéniques pour la maladie de Huntington.

Pour étudier le fonctionnement neurophysiologique des circuits préfronto-striataux, nous avons caractérisé la réponse enregistrée dans le striatum dorsomédian après stimulation du cortex préfrontal prélimbique in vivo, chose qui n’avait encore jamais été fait et qui nous

était nécessaire pour savoir comment fonctionnait cette voie chez des animaux sains. Nous nous sommes placés au niveau du striatum dorsomédian car c’est topographiquement là que le cortex préfrontal projette (Gabbot et al., 2005). Nous avons ensuite testé cette voie chez des

rats transgéniques présymptomatiques pour la maladie de Huntington afin d’observer si une altération de la transmission synaptique pouvait devancer les premiers symptômes de la maladie et expliquer de possibles troubles précoces de la perception temporelle au travers de changements de la plasticité à court et à long terme.

Nous avons choisi une tâche de discrimination temporelle et de bissection temporelle avec des durées de 2 et 8 secondes afin de comprendre quel rôle joue le striatum et le cortex préfrontal dans la perception temporelle des durées allant de la seconde à la minute. Nous avons choisi la tâche de bissection car elle ne comporte pas de composantes motrices dans la mesure de la perception temporelle, et étant donné que la maladie de Huntington entraîne des troubles moteurs, il était important que notre tâche ne soit pas influencée par ces troubles moteurs dans sa mesure de l’estimation temporelle.

L’article 1 (Höhn et al., 2011) s’intéresse à l’étude présymptomatique comportementale et électrophysiologique de la voie préfronto-striatale des rats transgéniques pour la maladie de Huntington. La tâche comportementale consistait en un tâche de bissection pour des durées de 2 et 8 secondes pour laquelle le réseau préfronto-striatal est censé joué un rôle. Lors de deux expériences indépendantes, les analyses comportementales ont révélé une moins bonne sensibilité temporelle à 4 mois, bien avant la détection de troubles moteurs. A un âge plus tardif symptomatique (12 mois), les animaux montraient des problèmes de discrimination temporelle comparés aux animaux témoins. Nous nous attendions à ce que la perception temporelle des durées extrêmes de la tâche de bissection soit plus mauvaise chez les rats transgéniques, ce qui n’était pas le cas, sauf pour trois de nos animaux transgéniques. Les enregistrements in vivo des potentiels de champs du striatum dorsomédian évoqués par la stimulation du cortex prélimbique ont été réalisés sur des rats de 4-5 mois. La plasticité était altérée, avec une plus grande facilitation par « paired-pulse », une plus grande dépression à court terme et une plus grande potentialisation à long terme après une stimulation à haute fréquence chez les rats transgéniques homozygotes. Les animaux hétérozygotes se situaient entre les animaux transgéniques homozygotes et les rats témoins. Il semble donc que la plasticité dans le circuit préfronto-striatal soit nécessaire au comportement temporel. De plus, cette étude fournit la première preuve comportementale et électrophysiologique d’une altération présymptomatique du circuit préfronto-striatal chez un animal atteint de la maladie de Huntington suggérant que l’ « interval timing » pourrait être l’altération cognitive la plus précoce lors de cette maladie.

L’article 2 (Brown et al., 2011) s’intéresse aux changements de la sensibilité temporelle chez des rats transgéniques pour la maladie de Huntington lors d’une tâche de bissection temporelle. Les tests de bissection étaient répétés longitudinalement de 4 à 8 mois. Les résultats montraient que les latences des réponses évoluaient d’une fonction monotonique descendante à une fonction en forme de U inversé au fur et à mesure de la répétition des essais. Nous avons donc supposé que la sensibilité temporelle combinée à la motivation transformait la tâche de bissection d’une tâche à deux choix à une tâche à trois choix (la durée extrême courte, la durée extrême longue et les durées intermédiaires). Les changements dans la structure de la tâche et/ou la continuation des tests étaient accompagnés par une amélioration de la sensibilité temporelle. Des facteurs temporels et non temporels influenceraient donc la tâche de bissection temporelle.

L’article 3 (Faure et al., 2011) s’intéresse au côté émotionnel et motivationnel altéré chez le rat transgénique pour la maladie de Huntington. Jusqu’à présent, seules des études d’anxiété avaient été réalisées afin de tester le côté émotionnel des rats transgéniques pour la maladie de Huntington. Dans cette étude, nous avons testé les aptitudes motrices, émotionnelles et motivationnelles des rats transgéniques. De 11 à 15 mois, les rats ont subi des tests de la perception émotionnelle de sucrose en utilisant un test de réactivité, d’acquisition, d’extinction et de réacquisition de peur conditionnée discriminante Pavlovienne ainsi que la réactivité aux changements de valeur du renforcement lors d’une approche Pavlovienne dans une allée droite. Dans cette étude, j’ai personnellement réalisé les tests moteurs et dès 11 mois, des troubles moteurs étaient détectables chez les rats transgéniques. Les animaux transgéniques montraient une perception hédonique plus accentuée que les animaux témoins pour les concentrations intermédiaires de sucrose. Cependant, il existait des altérations émotionnelles avec un meilleur apprentissage et une meilleure réacquisition de conditionnement de peur conditionnée dû à un plus haut niveau de peur conditionnée à des stimuli aversifs et une hyper-réactivité à un transfert hédonique négatif pour la valeur du renforcement interprété en terme de plus grande frustration. L’évaluation neuropathologique de ces animaux a montré un rétrécissement sélectif du noyau central de l’amygdale. Certains des symptômes observés pourraient donc également être dus à un mauvais fonctionnement de l’amygdale.

Pour résumer, l’étude longitudinale temporelle (via une tâche de bissection) des rats transgéniques pour la maladie de Huntington (4-15 mois) nous a permis de suivre l’évolution de la perception temporelle alors que le striatum s’altérait peu à peu au fur et à mesure de

l’avancement de la maladie. Nous avons également réalisé des enregistrements électrophysiologiques in vivo du striatum dorsomédian chez des animaux transgéniques homozygotes, hétérozygotes et témoins, de manière présymptomatique (4-6 mois) afin de voir si des modifications de la transmission synaptique pouvaient être corrélées à une altération de l’estimation temporelle. Mais nous nous sommes également rendus compte que les facteurs émotionnels et motivationnels entraient en compte dans le comportement temporel des rats transgéniques pour la maladie de Huntington.

                     

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