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Lien entre la motivation, le temps et la maladie de Huntington

Lors de la tâche de bissection que nous avons utilisée, les rats témoins et les rats transgéniques ont progressivement appris à ne pas appuyer sur la pédale pour les durées intermédiaires non renforcées (article 2, Brown et al., 2011). Durant l’entraînement initial, les deux groupes avaient des performances similaires pour la tâche temporelle, bien que les rats tgHD montraient une sensibilité temporelle moindre ainsi qu’une grande variabilité individuelle en comparaison avec les rats témoins. Cependant, les rats transgéniques ont appris plus vite que les rats témoins à ne pas appuyer sur la pédale pour les durées intermédiaires. Il y a donc d’autres facteurs mis à part la sensibilité temporelle entrant en jeu,

88  qui voudraient que moins bonne est la sensibilité temporelle, plus tard les rats seraient censés arrêter d’appuyer sur la pédale pour les durées intermédiaires. Les rats tgHD pourraient avoir de meilleures capacités d’apprentissage, même si leur apprentissage initial de la discrimination simple entre 2 et 8 secondes était similaire à celle des animaux témoins. Cela pourrait peut-être être dû à un phénomène de compensation lors du processus de dégénérescence au fur et à mesure de l’avancement de la maladie. Une plus grande sensibilité au renforcement est un autre facteur possible, car les réponses aux durées intermédiaires ne sont jamais renforcées.

Lors d’une autre étude (article 3, Faure et al., 2011), nous avons observé que les rats tgHD étaient plus réactifs que les rats témoins aux changements de la valeur de la récompense. Les rats tgHD ont montré une hyper réactivité à l’absence partielle ou aux changements de la valeur émotionnelle du renforcement dans différentes tâches à 11 et 14 mois. Dans la tâche d’approche Pavlovienne, la plus grande réactivité au transfert négatif de la valeur hédonique du renforcement de sucrose chez les tgHD aurait pu refléter leur perception hédonique différentielle, mais nous avons suggéré que le plus grand impact du transfert négatif hédonique chez les rats tgHD pourrait être relié à une augmentation de la frustration due à l’accroissement de leur réponse émotionnelle à des stimuli aversifs à 15 mois. De manière similaire, l’arrêt d’appuis sur la pédale pour les durées intermédiaires de nos animaux tgHD pourrait refléter une plus grande frustration due au non renforcement des durées intermédiaires dans cette tâche.

Nos résultats suggèrent deux types d’altérations émotionnelles arrivant tôt chez les rats symptomatiques tgHD, une détérioration de la perception hédonique et une hyper sensibilité progressive à des événements émotionnels aversifs démontré par une meilleure acquisition des réponses de peur à des stimuli aversifs et une plus grande frustration à des situations négatives. Il est donc probable que la motivation soit un facteur critique dans la vitesse de discrimination entre les durées extrêmes (renforcées) et les durées intermédiaires (non renforcées).

La modification de la perception émotionnelle oro-faciale chez les rats tgHD pourrait être due au dysfonctionnement des circuits incluant le striatum ventral qui joue grandement un rôle dans les réactions affectives émotionnelles avec le sucrose (article 3, Faure et al., 2011 ; Pecina & Berridge, 2005 ; Reynolds & Berridge, 2002) ainsi que l’amygdale, deux structures

89  où les agrégats ont été plus observés qu’ailleurs chez ce modèle animal (Petrasch-Perwaz et al., 2007). Alexis Faure (article 3, Faure et al., 2011) a observé chez les rats transgéniques pour la maladie de Huntington à 11 mois un meilleur apprentissage et une meilleure réacquisition lors d’un conditionnement aversif dû à un niveau plus élevé de peur conditionnée au stimulus aversif. Chez ces mêmes animaux, un rétrécissement du noyau central de l’amygdale a été observé, ce qui pourrait expliquer les différences motivationnelles observées chez les rats transgéniques. De manière similaire, on sait que les anomalies fronto-striatales influencent le cours de la pathologie émotionnelle et des réactions comportementales aux changements de la valeur du renforcement (Morgan et al., 1993 ; Quirk & Beer, 2006).

Des facteurs sensoriels et non sensoriels motivationnels pourraient être en compétition lors de la tâche de bissection temporelle. Une plus grande sensibilité au non renforcement pourrait compenser une sensibilité temporelle moins bonne, produisant une plus rapide expression de la discrimination temporelle et donnant l’impression que les animaux transgéniques apprennent plus vite la tâche que les animaux témoins, alors qu’ils ont une sensibilité temporelle moins bonne. Les changements dans la performance temporelle pourraient donc être liés à des facteurs temporels sensoriels ainsi qu’à des facteurs non temporels. Les facteurs motivationnels jouent un rôle dans différentes tâches temporelles (Ward et al., 2009) mais ils nous faudrait des mesures plus sophistiquées pour isoler totalement le contrôle temporel des autres facteurs.

Avec la répétition, le PSE diminue et la sensibilité augmente. L’amélioration de la sensibilité temporelle pourrait être liée au changement des propriétés de la tâche de discrimination, d’une tâche simple avec deux alternatives à une tâche de discrimination plus difficile avec trois alternatives. Dans ce sens, des études réalisées sur des humains ont montré que la sensibilité temporelle augmentait lorsque l’on passait d’une tâche avec deux alternatives à une tâche avec trois alternatives de réponse possibles (Droit-Volet & Izaute, 2009), ou lorsque des plus petits intervalles entre les durées extrêmes courtes et longues étaient utilisés (Ferrara et al., 1997). Une alternative serait que la sensibilité temporelle pourrait augmenter due à l’exposition répétée aux stimuli en l’absence d’un changement dans la structure de la tâche (Honey, 1990).

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