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Rappelons tout d'abord que la recherche porte sur un type__d'espace, la "rue couverte" dont il s'agit d'explorer globaleeent les potentiali­ tés architecturales, urbanistiques, thereiques et sociales.

Nous entendons plus particulièrement ici par "rue couverte" un espace de distribution de logements, dont la couverture est transparente ou translucide. Le statut de cet espace peut Être public,et dans ce cas recevoir des locaux et des activités autres que les logements, ou privé-collectif.

Les dimensions de cet espace peuvent varier dans des limites au-delà desquelles sa nature architecturale changerait radicalement. On peut dire qu'il doit être au moins deux fois plus large et plus haut qu un couloir (ou une coursive) traditionnel et que, s'il peut comporter des élargissements ("places"), il ne saurait dépasser les dimensions usuelles d'une rue.^

La "rue couverte" nous parait être un dispositif thermique efficace, susceptible d'apporter des économies d'énergies importantes, comme l'a prouvé l'observation empirique de la réalisation d'un ensemble de logements HLM à SAULX-LES-CHARTREUX (Paul CHEMETOV, 1975). La couverture de la rue se comporte en effet comme un grand capteur solaire, intégré à l'architecture du bâtiment, dont le coût de construc­ tion est pratiquement faible dans la mesure où il est compensé par des économies importantes sur l'étanchéité du sol et des parois de la rue et dont le coût de fonctionnement et d'entretien est également insignifiant.

Il convenait thermique de optimum.

L'espace collectif de distribution du logement social est défini ici d'une façon nouvelle et riche en potentialités spatiales et socia­ les. On sait que depuis la fin du 19ème siècle, l'espace collectif du logement social est chargé de valeurs négatives malgré plusieurs tentatives de réhabilitation (avant-garde soviétique des années 1920, Cité Radieuse de Le Corbusier...). Dès 1850, l'idéologie dominante tend à privilégier le modèle de l'habitation individuellle et à considé­ rer l'espace collectif comme un mal nécessaire réduit à son minimum fonctionnel (couloir, palier minimum, ascenseur, escalier de secours...) ou nié comme espace autonome (la coursive extérieure est sensée être une prolongation de l'espace public de la rue, soumise à la même surveillance sociale, aussi peu susceptible d'appropriation collective). Cette désaffection de l'espace collectif du logement social s'est accompagnée d'une disparition de ces anciennes pratiques collectives. Les relations sociales qui trouvaient place dans la cage d'escalier ou sur le palier ont été réduites au sentiment de promiscuité et au désir d'échapper aux nuisances du voisinage (cf. par exemple : Renovation Urbaine et Changement Social, H. COING, Editions Ouvrières). Cet abandon des pratiques collectives correspond d'ailleurs à la fois à une évolution du mode de vie et à une volonté plus ou moins explicite, mais toujours présente, des constructeurs de logements sociaux d'en nier l'existence possible.

Au 19ème siècle, il s'agissait d'éviter que les ouvriers se rassemblent et menacent l'ordre social (cf. Les origines du logement social en France, R.H. GUERRANO, Ed. Ouvrières). Aujourd'hui, il s'agit plutôt de privilégier le caractère- privé de la "cellule" monofamiliale, et ses relations avec l'ensemble du corps social, hors d'un lieu déterminé (Relations de travail et mobilité des travailleurs, développe­ ment des média à émission nationale et à réception privée comme la télévision, etc...)

Les conséquences de ce qui précède se lisent dans l'état de dégradation des espaces collectifs de la plupart des logements sociaux. D'une certaine façon, la pratique se venge car la casse est la dernière pratique possible de ces lieux, qui transgresse leur usage strictement programmé (passer le plus vite possible). Il y a, croyons-nous, un besoin mal défini, un désir frustré pour un espace collectif du loge­ ment.

donc d'elaborer les modèles de calcul du comportement la rue et de définir les conditions de son fonctionnement

Il n'entrait pas dans nos intentions de développer une utopie phalansté- rienne en projetant des lieux qui ne seraient comblés que des fantasmes sociologiques de l'architecture, tout au plus pouvons-nous ouvrir quelques portes, donner quelques possibilités nouvelles en nous appuyant sur des pratiques ou des embryons de pratiques existantes.

En effet, la disparition de l'espace collectif n'est ni fatale, ni universelle. Au 19ème siècle, la bourgeoisie triomphante qui cherchait à interdire la "rencontre des ouvriers" se plaisait à habiter des immeubles collectifs (ce que nous appelons les "immeubles haussraan- niens") comportant des porches, des halls, des escaliers, parfois des cours ou des jardins d'usage collectif, traités de façon luxueuse, voire monumentale qui correspondaient au cérémonial de la réception et surtout exprimaient le niveau social des habitants (voir par exemple les nombreuses descriptions d'immeubles parisiens dans les romans d'Honoré de Balzac). Aujourd'hui, ce luxe spatial reste à l'état de trace ou de "prestation" comme on dit, un peu de marbre dans l'esca­ lier distingue l'immeuble de standing du HLM.

La rue couverte dont on a vu plus haut le caractère économique offre la possibilité de donner au logement social un espace collectif de grande dimension, très lumineux, abrité du vent et de la pluie et plus chaud que la température extérieure en hiver. L'espace supplémen­ taire qu'elle offre peut donner lieu éventuellement à certaines activi­ tés, à des opérations de parquage, à des plantations, à des délimita­ tions, etc...

Cet espace peut avoir des caractéristiques monumentales, donner une autre image du logement collectif social et permettra le développement de formes urbaines intégrant certaines activités publiques : commerces, bureaux, etc... comme les passages du 19ème siècle nous en montrent l'exemple.