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Chapitre 1. Contexte théorique

1.6 Objectifs et hypothèses

L’objectif de cette thèse est d’explorer si l’hypothèse spécifique à la complexité proposée pour expliquer certaines particularités du traitement de l’information visuelle dans l’autisme pourrait aussi caractériser le traitement de l’information auditive dans cette population.

Afin de valider cette proposition, il est d’abord nécessaire d’examiner la capacité de traitement de l’information auditive dans l’autisme. Une revue exhaustive de la littérature servira à vérifier si un parallèle peut être tracé entre la dissociation de performance observée en vision et certaines particularités du traitement de l’information auditive dans l’autisme. Possiblement, une relation inverse entre complexité et performance pourrait être mise en lumière en audition. Une telle dissociation constituerait une première évidence permettant de proposer une généralisation de l’hypothèse spécifique à la complexité à la modalité auditive.

Ensuite, l’analogie entre les modalités visuelle et auditive doit passer par une définition commune de la complexité. En vision, les stimuli de premier et deuxième ordre sont définis comme étant simples et complexes en regard de l’étendue du réseau d’aires corticales fonctionnelles requises pour les traiter. Donc, pour tenter de faire le pont vers la modalité auditive, il est nécessaire de trouver des stimuli pouvant aussi être dissociés selon l’étendue de leur traitement cortical. Une méta-analyse quantitative des études de neuroimagerie utilisant des stimuli auditifs chez le sujet non autiste permettra d’investiguer comment la complexité acoustique est représentée au niveau cortical. Ainsi, les stimuli auditifs dont le traitement est limité au niveau des aires auditives primaires seront considérés comme simples (analogues aux stimuli visuels de premier ordre) et ceux dont le traitement requiert l’implication d’aires corticales supplémentaires, comme complexes (analogues aux stimuli visuels de deuxième ordre).

Enfin, en analysant la réponse aux stimuli auditifs ayant été définis comme simples et complexes au niveau cortical, il sera possible de vérifier si les prédictions de l’hypothèse spécifique à la complexité pourraient aussi s’appliquer en audition chez les autistes. L’activité cérébrale associée au traitement de sons simples et complexes sera mesurée dans un groupe d’autistes et un groupe d’individus non autistes. En se basant sur l’hypothèse

suggérant une intégration atypique de l’information entre les différentes régions cérébrales dans l’autisme, une baisse de l’activité des aires auditives non primaires à l’écoute de sons complexes devrait être observée chez les autistes en comparaison au groupe non autiste. De plus, les autistes pourraient parallèlement démontrer une augmentation de l’activité des aires primaires reflétant ainsi un biais vers les processus en amont lors de tâches perceptives, tel que prédit par le modèle EPF.

1.6.1 Méthode d’investigation

Dans cette thèse, la technique d’Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle (IRMf) sera utilisée afin de mesurer la réponse corticale aux stimuli auditifs ayant été identifiés comme simples et complexes en regard du nombre de régions fonctionnelles impliquées dans leur traitement. La section suivante se veut un bref exposé des principes de bases de la technique ainsi que des considérations spécifiques de l’utilisation de cette méthode lors de l’étude du traitement de l’information auditive.

La technique de résonance magnétique nucléaire (RMN) utilise les propriétés de la matière et plus précisément les moments magnétiques, spins, des noyaux atomiques. Dans une expérience classique de RMN, un patient est introduit dans l’entrefer de l’aimant qui génère un champ magnétique environ 60 000 fois supérieur au champ magnétique terrestre, alors, les spins nucléaires des atomes d’hydrogènes de l’organisme s’orientent dans ce champ. Ensuite, le changement d’orientation des noyaux est forcé par une onde excitatrice vibrant à leur fréquence de résonance (fréquence de Larmor); ceci a pour effet de maximiser leur niveau énergétique et certains spins basculent à la réception de cette énergie. À l’arrêt de l’excitation, les spins ont tendance à retourner à leur état initial; on appelle ce phénomène relaxation. La RMN est une mesure des temps de relaxation. En effet, la libération d’énergie liée au changement d’état génère un voltage (signal RMN) qu’il est possible de mesurer à l’aide d’une antenne.

L’IRMf est une des méthodes d’imagerie basée sur les principes de RMN et elle repose sur la théorie proposant que chacune des régions anatomiques cérébrales puisse être associée à une ou plusieurs tâches fonctionnelles spécifiques. Pour réussir à acquérir des images sensibles aux fonctions cérébrales en IRMf, il était nécessaire d’identifier un phénomène biophysique associé au traitement cortical de l’information qui allait pouvoir

être mesuré en RMN. Idéalement, il faut pouvoir capter des images sensibles à l’activité neuronale étant donné que le traitement de l’information au niveau cortical repose sur l’activité d’ensembles de neurones. Cependant, en IRMf, on ne capte pas directement des images reflétant l’activité neuronale, on acquiert plutôt des images de l’activité physiologique corrélée à l’activité neuronale.

Pour traiter l’information qui parvient au cerveau, l’activité au sein de certaines régions corticales augmente ce qui implique que les demandes énergétiques des neurones de ces régions augmentent. Pour atteindre les neurones, les sources d’énergie (oxygène et glucose) sont véhiculées via le système vasculaire. Le cerveau ne stocke que très peu de ressources énergétiques et une hausse de l’activité neuronale doit s’accompagner d’une augmentation du débit sanguin permettant un échange. L’apport sanguin permet à l’oxygène, lié aux molécules d’hémoglobine, de rejoindre les neurones. L’augmentation locale et transitoire du débit sanguin cérébral régional semble donc être une réflexion de l’activité neuronale de cette zone (Fox & Raichle, 1986; Sokoloff et al., 1977).

En IRMf, l’acquisition d’images repose sur l’effet BOLD (« Blood Oxygen Level Dependant »), principe physiologique qui lie les variations de débit sanguin régional et l’activité neuronale sous-jacente. Pour détecter cet effet, l’IRMf utilise la susceptibilité magnétique de l’hémoglobine. En effet, une fois liée à l’oxygène (oxyhémoglobine) elle est diamagnétique (faible perturbation du champ magnétique) tandis qu’elle est paramagnétique (forte perturbation du champ magnétique) sous la forme desoxyhémoglobine, c’est-à-dire lorsqu’elle a cédé ses ions oxygène (Pauling & Coryell, 1936). Le signal BOLD reflète les différences de susceptibilités magnétiques entre les compartiments intra et extra-vasculaires qui induisent la présence d’un champ perturbateur autour des vaisseaux lequel peut être détecté. Puisque le sang artériel est saturé, très peu de désoxyhémoglobine s’y trouvant, la susceptibilité magnétique en amont des zones d’échanges avoisine celle des tissus environnants et varie très peu en fonction de l’activité cérébrale. Au contraire, le sang veineux est moins saturé en oxygène au repos et cette saturation augmente légèrement pendant l’activité cérébrale. En effet, lorsqu’il y a une hausse locale de l’activité neuronale, le débit sanguin régional augmente considérablement, de l’ordre de 50 %, tandis que la consommation neuronale d’oxygène augmente proportionnellement plus faiblement, de l’ordre de 5 % (Fox & Raichle, 1986). Cette

augmentation de la saturation en oxygène entraîne une baisse du taux de désoxyhémoglobine dans les territoires veineux en aval des régions activées. On trouve donc une diminution de la différence de susceptibilité entre les territoires intra et extra- vasculaires. L’amplitude de la perturbation du champ magnétique est réduite, ce qui entraîne une augmentation de l’intensité du signal, donc une réponse IRM positive. Les images acquises en IRMf ne représentent donc pas une mesure directe de l’activité neuronale liée aux différentes conditions expérimentales, mais reflètent plutôt, via l’effet BOLD, des variations régionales de débit sanguin cérébral qui, elles, sont corrélées à l’activité neuronale sous-jacente. Les images fonctionnelles sont ensuite superposées sur une image cérébrale anatomique. Ainsi, l’IRMf permet de visualiser des différences de localisation, de l’étendue ou de l’intensité des changements au niveau du débit sanguin régional corrélées à la réalisation de différentes tâches cognitives.

La haute résolution spatiale (de l’ordre du millimètre) de cette technique permet de localiser avec précision les régions montrant des variations d’activité. Considérant l’importance dans le présent projet de définir la complexité selon l’étendue du réseau de régions cérébrales fonctionnelles impliquées, l’IRMf représente une méthode adéquate pour mettre en lumière des différences associées à l’analyse de stimuli dont le traitement n’implique qu’une versus plusieurs régions cérébrales fonctionnelles. La méthode d’IRMf a donc été préférée aux techniques électrophysiologiques, comme l’électroencéphalographie ou la magnétoencéphalographie, qui offrent plutôt un avantage lorsque le décours temporel de la réponse corticale représente la variable d’intérêt considérant la haute résolution temporelle de ces techniques.

Cependant, en neurosciences de l’audition, la technique d’IRMf a longtemps été considérée comme inadéquate à cause du bruit intense généré par le scanner lors de l’acquisition d’image. L’utilisation de l’IRMf pour étudier le fonctionnement du système auditif nécessite donc des considérations méthodologiques particulières afin de s’assurer que le bruit généré par l’appareil n’interagisse pas avec les mesures de l’activité du cortex auditif associée à la tâche. En effet, on peut imaginer qu’un stimulus auditif présenté pendant l’acquisition d’images fonctionnelles soit partiellement ou complètement masqué par le bruit du scanner. Aussi, le bruit de l’appareil entraîne inévitablement une activation du cortex auditif et possiblement des phénomènes de saturation ou d’habituation de la

réponse auditive (Bandettini, Jesmanowicz, Van Kylen, Birn, & Hyde, 1998; Robson, Dorosz, & Gore, 1998). De plus, la présentation de stimuli en présence du bruit de l’appareil implique nécessairement une activité cognitive supplémentaire permettant aux participant de distinguer les différentes sources sonores et maintenir leur attention sur les stimuli (« auditory streaming », Bregman, 1990). Ceci aurait des répercussions sur le profil d’activité corticale et possiblement sur les performances des participants.

Les études ayant tenté de développer des techniques d’imagerie visant à réduire ces effets ont montré que l’interaction entre les stimuli et le bruit de l’appareil pouvait être minimisée lorsque des moments de silence étaient inclus entre les acquisitions d’images cérébrales, en comparaison aux protocoles standards où l’acquisition est continue (Eden, Joseph, Brown, Brown, & Zeffiro, 1999; Edmister, Talavage, Ledden, & Weisskoff, 1999; Hall et al., 1999). Considérant que la réponse corticale (réponse hémodynamique) suivant la présentation d’un stimulus auditif est maximale après 3-4 secondes et retourne à la ligne de base après environ 6 secondes (Belin, Zatorre, Hoge, Evans, & Pike, 1999), il est possible d’espacer les acquisitions de manière à capter les images après la présentation des stimuli, au moment où l’activité auditive liée à la tâche est le plus intense. Cette technique d’acquisition, nommée « sparse sampling », permet d’optimiser la détection de l’activation cérébrale associée à la tâche étant donné que les images sont acquises au moment où les changements d’activité cérébrale associés au bruit de l’appareil sont minimum et ceux liés à l’écoute des stimuli sont maximum (voir Figure 2, Chapitre 4, page 127). De cette manière, la réponse corticale associée aux stimuli auditifs n’est pas masquée par la réponse associée au bruit de l’appareil et les stimuli peuvent être présentés sur un fond silencieux ce qui permet d’éviter l’addition d’une contrainte attentionnelle. Cette technique d’acquisition sera donc privilégiée dans le présent travail.

Chapitre 2. Can spectro-temporal complexity explain the

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