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2. OBJECTIFS, APPROCHES ET PLAN DE LA THESE

2.1. Objectifs

Les isotopes sont des atomes d’un même élément possédant une masse atomique caractéristique due à un nombre distinct de neutrons dans le noyau. Dans cette thèse, nous évaluons la robustesse des isotopes du soufre à tracer le recyclage précoce de croûte océanique et de sédiments, transférés dans le manteau profond ou stockés dans le manteau lithosphérique depuis la mise en place de la subduction. Le soufre possède quatre isotopes stables (32S, 33S, 34S et 36S). Les compositions multi-isotopiques du soufre permettent de détecter des anomalies dans les abondances en 33S et 36S qui identifient de manière non ambiguë la présence de soufre d'origine sédimentaire Archéenne, i.e. plus ancienne que 2,5 milliards d’années (Farquhar et al., 2000; Pavlov & Kasting, 2002). Plusieurs études récentes utilisent les isotopes du soufre pour montrer la contribution de sédiments Archéens dans la source de certaines laves des îles océaniques. Cependant, les anomalies en soufre détectées dans ces laves sont principalement des mesures in situ dans les minéraux de sulfures (Cabral

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océaniques (Labidi et al., 2015) ne présentent pas ces anomalies, posant la question de la cohérence entre les deux méthodes.

Dans cette thèse, nous testons : (1) l’hypothèse du recyclage de matériel supracrustal Archéen dans le manteau lithosphérique et la source des kimberlites par les isotopes du soufre; (2) la robustesse des mesures isotopiques en soufre par méthode in situ dans les minéraux de sulfure par rapport aux analyses par méthodes chimique sur roche totale et spectrométrie de masse à source gazeuse.

2.2. La kimberlite d’Udachnaya-Est et ses xénolithes

La kimberlite d’Udachnaya-Est en Sibérie, offre la possibilité d’utiliser les isotopes du soufre pour tracer le recyclage précoce de croûte océanique et de sédiments, car : (1) elle est extrêmement bien préservée et riche en Na, K, Cl et S (Kamenetsky et al., 2014); et (2) parmi ses nombreux xénolithes, certaines éclogites interprétées comme de la croûte océanique recyclée sont datées à plus de 2,5 milliards d’années (Jacob & Foley, 1999; Pearson et al.,

1995).

Pour étudier le magma des kimberlites, nous avons analysé des échantillons de kimberlites salées (anhydres, riches en sels et carbonates alcalins ; n=6), de kimberlites non-salées (H2O > 1 pds %, dépourvues de sels et carbonates alcalins ; n=6), de brèches kimberlitiques (n=3), de nodules de chlorure (n=2) et nodules de chlorure-carbonate (n=3) provenant de la kimberlite d’Udachnaya-Est. Pour vérifier l’absence de contamination de surface lors de l’emplacement des kimberlites, nous avons analysé des échantillons de la couverture sédimentaire (n=3, un échantillon de sédiment cambrien, des sels précipités dans la mine à partir de saumures et une saumure cambrienne de la région) ainsi que des sulfures et sulfates précipités dans des veines hydrothermales (n=6) recoupant la kimberlite. Pour tracer le recyclage de sédiments Archéens dans la source des kimberlites de Sibérie et le manteau lithosphérique, nous avons étudié des xénolithes d’éclogite biminéralogique (n=11) et différents types de péridotite (n=13).

2.3. Approches analytiques

Utilisation de systèmes isotopiques complémentaires

En plus des analyses traditionnelles que sont les éléments majeurs, traces, et les isotopes des systèmes Rb-Sr et Sm-Nd sur roche totale, cette thèse se penche spécifiquement sur la spéciation du soufre et à l’étude in situ des sulfures présents dans différentes lithologies. En effet, ces minéraux permettent l’utilisation de systèmes isotopiques complémentaires que sont le soufre et le plomb. Les isotopes du soufre (32S, 33S, 34S, et 36S) et leurs fractionnements indépendants de la masse sont des traceurs des processus de la biosphère et de l’atmosphère archéenne, tandis que les isotopes du plomb sont des traceurs des processus de différenciation terrestre et permettent de dater la source du plomb incorporé aux sulfures.

Combinaison de techniques in-situ et extraction chimique sur roche totale

Pour faire la distinction entre différentes générations de sulfures, les isotopes du soufre et du plomb ont été mesurés in-situ par sonde ionique (CRPG, Nancy) dans les sulfures de taille suffisamment importante (≥20µm). Pour tester la cohérence des analyses par sonde ionique sur les sulfures et pour l’analyse des sulfates, nous avons complété l’approche in situ avec des mesures par fluorination et spectrométrie de masse à source gazeuse (IPG, Paris) après extraction chimique des sulfures et/ou sulfates sur roche totale. Les mesures par spectrométrie de masse à source gazeuse apportent une meilleure précision analytique, tandis que les mesures en in situ permettent d’étudier des hétérogénéités spatiales fines qui pourraient être homogénéisés lors des mesures sur roche totale.

2.4. Organisation de la thèse

Le chapitre I est une synthèse de la littérature sur l’utilisation des isotopes du soufre pour identifier l’incorporation de matériel d’origine sédimentaire dans la source des laves que l’on retrouve aujourd’hui à la surface de la Terre.

Le chapitre II détaille la systématique des isotopes du soufre et les techniques analytiques utilisées, soit : (1) l’extraction par chimie de sulfures et sulfates sur roche totale suivie de l’analyse par spectrométrie de masse à source gazeuse, et (2) l’analyse isotopique in situ par microsonde ionique directement dans les sulfures d’échantillons polis.

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surface, pendant ou après l’éruption. Le chapitre III est une étude de la spéciation (sulfure ou sulfate) et de l’isotopie du soufre dans les kimberlites d’Udachnaya-Est, montrant la présence de sulfates d’origine mantellique, suggérant la présence de domaines oxydés et riches en sulfates dans la source de ces kimberlites. Cette étude teste l’hypothèse d’une contamination de la kimberlite par du soufre de la couverture sédimentaire lors de l’éruption, et examine les effets d’une altération post-magmatique en présence de saumures qui initierait la serpentinization et la réduction de sulfates primaires en sulfures secondaires.

Le chapitre IV est une étude de la spéciation et de l’isotopie du soufre dans des nodules de sels inclus dans la kimberlite salée, complétée par l’utilisation des couples isotopiques Rb-Sr et Sm-Nd visant à préciser l'âge et l’origine de possibles contaminants intégrés dans la source des kimberlites. Les nodules composés de chlorure-carbonate ont la même origine que les sulfates mantelliques de la kimberlite salée, tandis que les nodules composés de chlorure uniquement enregistrent des signatures géochimiques d’origine lithosphérique ou du socle cristallin Archéen-Protérozoïque.

Dans un deuxième temps, nous nous sommes intéressés spécifiquement au recyclage de matériel supracrustal ancien dans la source des kimberlites d’Udachnaya-Est et le manteau lithosphérique qu’elle échantillonne. Le chapitre V est une étude détaillée des effets de processus à l’équilibre isotopique ou de fractionnement cinétique sur les fractionnements indépendants de la masse. Nous examinons à petite échelle, les effets de processus de mélange et de distillation de Rayleigh sur les relations entre les isotopes mineurs du soufre. Nous montrons la cohérence des mesures isotopiques du soufre (δ34S, Δ33S) obtenues par méthode d’extraction des sulfures sur roche totale avec les différentes populations de sulfures observées in situ. Par une analyse fine du fractionnement isotopique, nous identifions une faible contribution de soufre sédimentaire Archéen (Δ33S, Δ36S) dans les sulfures des kimberlites, dont les compositions isotopiques sont fractionnées indépendamment de la masse par rapport au manteau terrestre.

Le chapitre VI concerne les xénolithes de péridotites et d’éclogites échantillonnées par la kimberlite d’Udachnaya-Est, et étudie les compositions multi-isotopiques du soufre (δ34S, ∆33

S et ∆36S) et du plomb (204Pb, 206Pb, 207Pb, 208Pb) mesurées in situ dans les sulfures. Les xénolithes de péridotites les plus déformées contiennent une deuxième population de sulfures appauvris en 34S qui préservent des anomalies en 33S et 36S, malgré un ré-équilibrage isotopique du chronomètre U-Pb lors de l’emplacement de la kimberlite. Ces résultats permettent donc de distinguer une contribution de soufre Archéen recyclé dans les péridotites

Chapitre I

Chapitre I

Les isotopes du soufre,

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