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2. Chapitre II : État de l’art

2.1. Croissance épitaxiale

2.1.1. Nucléation et premiers stades de croissance

La nucléation est l’étape initiale lors de la formation d’une nouvelle phase sur un substrat ou sur une surface donnée. Elle constitue l’étape la plus critique de la croissance épitaxiale, car elle définit la morphologie, les modes de croissance et les propriétés des films résultants [38]. Dépendamment du système de matériaux, il existe deux (2) types de nucléation : homogène et hétérogène. La nucléation homogène correspond à une condensation directe à partir de la phase gazeuse en super-saturation, à l’absence de substrat. Il est donc rarement observé en pratique. En revanche, la nucléation hétérogène apparait lorsqu’il y a la présence d’une surface et elle est donc la plus intéressante dans le cas de l’hétéroépitaxie. Elle est généralement décrite par un modèle macroscopique basé sur les propriétés macroscopiques telles que les énergies libres de surface de la couche (𝛾𝑒) et du substrat (𝛾𝑠), et l’énergie libre d’interface couche épitaxiale-

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substrat (𝛾𝑖), et un modèle atomistique dans le cas où le germe est formé que de quelques atomes [34]. Le modèle macroscopique de la nucléation hétérogène et les trois types de situations impliquées sont illustrés par la figure 2-3. De cette figure, on constate que si 𝛄𝐢 >(𝛄𝐬+ 𝛄𝐞), la couche épitaxiale ne va pas mouiller le substrat, car ceci occasionnerait une augmentation de l’énergie libre totale du système. Ce type de nucléation apparait lorsque l’énergie de surface du substrat est très faible comme dans le cas des matériaux 2D conduisant à une croissance en ilots. En revanche, lorsque 𝛄𝐬> ( 𝛄𝐢+ 𝛄𝐞) on assiste à un mouillage total conduisant à une couche complète qui maximise l’interface (figure 2-3). Ceci est souvent observé dans le cas de la croissance épitaxiale des matériaux III-V sur des substrats III-V. Dans toutes les autres situations, on aura un mouillage partiel dépendamment de l’angle de contact (𝛉) entre la couche

et le substrat (situation intermédiaire de la figure 2-3).

Figure 2-3 : Mouillage d’un substrat par un germe. 𝛾𝑒, 𝛾𝑠, 𝛾𝑖 représentent, respectivement, les énergies libres de surface de la couche épitaxiale, du substrat et de l’interface [34].

Dans certains cas, lorsque les germes sont formés que de quelques atomes, la description de la nucléation hétérogène requière un modèle atomistique [34], [39]. Ce modèle ainsi que les processus de base se produisant sur le substrat lors de la nucléation sont illustrés par la figure 2- 4. De cette figure on constate que les différents processus impliqués dans la phase de nucléation sont : l’adsorption, la désorption, la diffusion des adatomes et la formation du germe. En plus, la figure 2-4 indique que le processus de nucléation est contrôlé par le taux d’arrivée des atomes (R) et la température du substrat (Ts).

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Figure 2-4 : Schéma illustrant les processus de base sur le substrat lors de la nucléation [40].

a. Adsorption et désorption

Après l’arrivée des atomes incidents sur la surface du substrat, les réactions de surface comme l’adsorption sont la première étape de la nucléation. Les atomes arrivent sur le substrat à partir de la phase gazeuse de la source et s’adsorbent avec une concentration surfacique n1(t), (atomes/cm2). Le taux d’arrivée ( le flux) des atomes est défini par l’équation (2-1) [40].

𝐑 = 𝐂 × 𝐩

√(𝟐𝛑𝐌𝒌𝑩.𝑻𝑸)

(Torr/ cm2. s), (2-1)

Avec p la pression de vapeur, M la masse molaire, C le facteur de géométrie, kB la constante de Boltzmann et TQ est la température de la source (précurseur).

L’atome incident adhère au substrat à la suite d’une collision avec la surface de celui-ci et se met dans un état instable, c’est-à-dire énergétiquement pas favorable à une incorporation. Lors de cette collision, l’atome perd une partie de son énergie l’empêchant de rebondir et revenir dans la phase gazeuse. Ensuite, à la suite des différentes interactions entre l’atome et le réseau du substrat, l’atome passe à un niveau d’énergie plus stable et finit par s’adsorber sur la surface comme illustrée dans la figure 2-4.

L’adsorption se subdivise en deux types : une adsorption chimique (chimisorption) et une adsorption physique (physisorption). Ils se différencient par les forces mises en œuvre lors du processus d’adsorption. Dans la chimisorption, on assiste à la formation de liaisons chimiques entre l’absorbât et les atomes de surface à la suite d’un transfert d’électrons entre eux (comme

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dans l’épitaxie conventionnelle). Alors que la physisorption met en œuvre des liaisons faibles de type Van der Waals. L’épitaxie Van der Waals, compte tenu de la nature de la surface du matériau 2D (sans liaisons pendantes), met uniquement en œuvre l’adsorption physique (la physisorption).

Après un temps résidentiel moyen, 𝜏𝐴, les adatomes se désorbent de la surface et s’évaporent dans le vide. C’est le processus de désorption. Le temps 𝜏𝐴, est défini par l’équation (2-2).

𝝉𝑨 = 𝟏

𝝂𝒂× 𝐞𝐱𝐩 ( 𝑬𝒂

𝒌𝑩×𝑻𝒔), (2-2)

Avec 𝜈𝑎, la fréquence de vibration des adatomes et Ea l’énergie d’adsorption.

La concentration d’adatomes à la surface peut être calculée à partir de l’équilibre entre l’adsorption et la désorption. Elle est définie en fonction de R (taux d’arrivée des atomes), 𝜏𝐴 et du temps t par l’équation (2-3).

𝐧𝐚= 𝐑. 𝛕𝐀 [𝟏 − 𝐞𝐱𝐩 (− 𝐭

𝛕𝐀)], (2-3)

Et finalement, le taux de désorption est donné par l’équation (2-4). 𝐑𝐝𝐞𝐬 = 𝐧𝟏. 𝛎𝐚. 𝐞𝐱𝐩 ( 𝐄𝐚

𝐤𝐁×𝐓𝐬) = 𝐧𝟏

𝛕𝐀 , (2-4)

b. Diffusion des adatomes

Après le processus d’adsorption, les atomes peuvent diffuser sur la surface du substrat jusqu’à ce qu’ils subissent l’un des processus de la figure 2-4. Ces processus inclus, la ré- évaporation, la nucléation de clusters 2D ou 3D, la capture par des clusters existants, la dissolution dans le substrat, et/ou capture à des sites préférentiels tels que les marches (figure 2- 4). Le processus de diffusion dépend de la barrière de diffusion de la surface. Les adatomes diffusant sur la surface se déplacent d’une distance < 𝑥2 >, qui est la distance correspondante au temps de diffusion t. Cette distance est définie par l’équation (2-5) [40].

< 𝐱𝟐 > = 𝟐𝐃. 𝐭, (2-5) Où la constante de diffusion D est définie par :

𝑫 = 𝐃𝟎. 𝐞𝐱𝐩 ( −𝐄𝐝

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Où D0 = 𝑎02. 𝜈𝑑, 𝜈𝑑 est la fréquence de vibration des adatomes, Ed est l’énergie de diffusion, a0 correspond à la distance d’un saut de l’adatome et Ts est la température du substrat.

La diffusion s’effectue continuellement avant et après le processus de germination proprement dite. Ainsi, la diffusion apparait à plusieurs étapes lors de la nucléation et la croissance des couches minces : le déplacement des simples atomes lors de la formation des clusters, la mobilité de ces mêmes clusters d’une position à une autre et le réarrangement des ilots après la coalescence [39].

La figure 2-4 indique que le processus de nucléation est contrôlé par le taux d’arrivée des atomes (R) et la température du substrat (Ts). Cependant, la connaissance des paramètres comme Ea, Ed et Ei (énergie de liaison d’un ilot ayant une taille au-delà de la taille critique) sont nécessaires pour décrire le vrai comportement des étapes préliminaires de la nucléation et de la croissance, même pour une surface parfaite (sans défauts) [39]. En pratique, une surface réelle est loin d’être parfaite. Elle peut contenir des rebords, des dislocations, des défauts ponctuels et des terrasses. Toutes ces imperfections, étant des sites de nucléation, peuvent influencer les énergies de liaison d’un atome ou d’un cluster au substrat. Ce changement des énergies de liaison influence fortement les processus d’adsorption, de diffusion et de nucléation. Ceci montre que la nature et la qualité de la surface du substrat jouent un rôle crucial lors du processus de nucléation et de croissance. Par exemple la présence de liaisons pendantes modifie ces processus [38].

c. Formation du germe

La formation du germe se fait sous un régime de super-saturation, c’est-à-dire la concentration (atomes/cm2) de l’élément à déposer reste constante sur la surface du substrat lors du processus de nucléation. Un germe est énergétiquement stable lorsque sa taille est au-delà de la taille critique de nucléation. Il est possible de définir avec la théorie classique de la nucléation (CNT) une taille critique de germe au-delà de laquelle celui-ci a une forte probabilité de survivre et de croitre [41], [42]. Les germes en dessous de cette taille critique sont instables et donc se désintègrent et s’évaporent, car leur dissolution diminue l’énergie libre totale du système (plus stable). Le germe se forme essentiellement par capture d’adatomes. Un adatome dans un site énergétiquement favorable pour la nucléation capture les adatomes passants à côté de lui et grossi progressivement. Les agrégats existant (2D ou 3D) sur la surface du substrat peuvent

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également capturer des adatomes pour former des germes plus stables. Le processus de capture des adatomes influence fortement le taux de nucléation. La CNT définit le taux de capture 𝜔, comme étant la fréquence de saut des adatomes se trouvant à une distance de capture donnée d’un ilot. Ce taux est défini comme suit [40]:

𝝎 = 𝒏𝟏′. 𝝂𝒅𝐞𝐱𝐩 ( −𝐄𝐝

𝐤𝐁×𝐓𝐬), (2-7)

Avec 𝑛1 le nombre d’adatomes capable d’atteindre le germe critique en un seul saut de diffusion et 𝜈𝑑exp ( −Ed

kB×Ts) est la fréquence de sauts.

Finalement les germes critiques, se réarrangent par différents processus de diffusions. En effet, les germes initialement formés sur un défaut sur une marche ou une terrasse ne sont pas nécessairement dans l’état le plus stable et peuvent donc se réarranger par différentes manières.