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De nouvelles modalités de mise en œuvre des

Dans le document Sexe, genre et santé (Page 89-93)

politiques publiques

23  Déclaration constitutive de l’Organisation mondiale de la santé, 7 avril 1948..

Dans ce cadre, la communauté doit parvenir à être reconnue comme interlocuteur par les décideurs, afin d’être amenée à redéfinir les enjeux de santé (237). Au vu des résultats de santé présentés et de l’importance que peuvent avoir le sexe et le genre dans ces résultats, il est nécessaire de mieux identifier des ensembles constitués en prenant en compte ces facteurs, lorsque l’on détermine les populations visées, mais aussi pour choisir des interlocuteurs au sein de la société civile capables de mobiliser ces populations.

Une telle méthode d’approche fondée sur les populations ne figure dans aucun texte normatif français. Elle est, en revanche, intégrée comme telle en tant qu’outil de santé publique et de promotion de la santé.

Cette démarche ne dispose pas de niveaux de preuve fortement appuyés, d’autant plus qu’initiée par des associations, elle n’a pas fait l’objet de publications au titre de l’efficacité ou de l’efficience, même si l’on trouve des documents remarquables décrivant les processus d’intervention (238).

Le cas des personnes intersexes constitue un bon exemple des effets bénéfiques d’une action concertée. Les associations représentatives peuvent être indiquées par les professionnels de santé comme un appui psychologique et administratif pour les parents d’un enfant présentant une variation du développement sexuel, et pour l’enfant lui-même afin de rompre avec la solitude souvent ressentie face à cette situation. Cette action coordonnée permet également un suivi plus aisé et une parole plus libre des personnes intersexes, facilitant du même coup le dialogue avec le corps médical et un appui des personnes à la recherche (239).

Ce constat se retrouve également pour les personnes trans, où la mobilisation des premières intéressées elles-mêmes auprès des personnels soignants permet une sensibilisation de ces derniers. L’expérience, ainsi que les inégalités de santé vécues par les personnes trans, invitent à un travail plus coopératif, et à rompre avec un certain paternalisme à l’égard de cette population aux besoins particuliers (240).

C’est dans l’atteinte des populations cibles que la démarche est la plus efficace puisque les actions sont conçues par et avec les populations concernées. En France, elle a notamment mon-tré son utilité pour l’accompagnement des femmes en situation de vulnérabilité psychologique et sociale, où la collaboration entre les associations instigatrices et les professionnels de santé s’est avérée particulièrement efficace (241). Alors, l’approche communautaire offre un cadre correspondant à la flexibilité nécessaire à l’efficacité de ce type d’intervention : participation des citoyens au développement des projets, renouvellement de ces derniers selon les besoins, évaluation des actions menées avec un niveau de détail très fin (242).

Si la société civile, via le monde associatif notamment, peut être mobilisée dans la mise en œuvre des politiques publiques de santé, il ne faut pas négliger l’importance d’une mobilisation sur d’autres sujets, notamment celui des essais cliniques et de la collecte de données.

La communauté trans, par exemple, a beaucoup œuvré pour que les résultats issus des essais cliniques soient applicables aux personnes trans.

On peut s’étonner du peu d’intérêt des mouvements en faveur des femmes sur le sujet de leur représentation dans les essais cliniques, et sur celui de l’incertitude plus importante qui entoure les résultats concernant les femmes que concernant les hommes.

Le co-fondateur de l’Organisation internationale des intersexes (OII), lors d’une table ronde en mai 2016, a souhaité « que soient mises en place des études sur le vécu des personnes intersexes, notamment à propos du taux de suicide, des prises de risque, des addictions, de l’exclusion des personnes concernées, de leur espérance de vie » (177). Pour cela, l’implication des personnes intersexes dans la collecte et l’analyse de données de santé est indispensable et doit aider à dégager des pistes d’amélioration. Et cela doit être réfléchi avec cette communauté, de façon à concilier l’intérêt recherché et la protection des droits des personnes vis-à-vis de la discrimination et de la vie privée.

SYNTHÈSE2 – POLITIQUES PUBLIQUES1 – CONSTATS DE SAN3 – DÉCLINAISON OPÉRATIONNELLEANNEXES Les modèles d’évaluation de l’action communautaire sont en construction, plutôt à partir de développements nord-américains récents. La stabilisation d’un ou plusieurs modèles devrait permettre des comparaisons qui, pour l’instant, font défaut. Dès lors, sans doute faudra-t-il que la stratégie d’action publique française s’inspire des résultats que laissent présager les exemples cités, pour développer une action communautaire plus ambitieuse qui vienne notamment toucher les personnes à la fois vulnérables par l’identité de sexe ou de genre et par un autre facteur de précarité (femmes migrantes ou prostituées, par exemple) (243).

Aller vers les populations concernées : l’Out-Reach

En agissant avec les groupes issus de la société civile pour garantir sa bonne adaptation aux personnes concernées, l’action en santé publique doit aussi se mettre en capacité d’atteindre des populations éloignées, souvent constituées des plus vulnérables. L’out-reach, littéralement

« aller vers », est une démarche qui consiste à penser et mener l’action au contact des populations concernées, initialement des personnes exclues du système de santé, dans les lieux où elles se trouvent ou résident. Elle prend appui sur des professionnels de santé et des leaders issus de la communauté des usagers selon le domaine.

Plusieurs exemples en illustrent l’intérêt dans la mise en œuvre des politiques publiques de santé, fussent-elles par ailleurs conçues sur un principe d’universalité.

Une des expériences fondatrices a été menée à Chicago, de 1968 à 1974. Avec le soutien de responsables municipaux et associatifs, elle a pu obtenir des résultats appréciables dans la réduction des consommations de produits psychoactifs. Le succès de l’expérience de Chicago repose, notamment, sur le recrutement pour l’action d’un leader respecté parmi les usagers de produits psychoactifs. Cet exemple n’est pas anodin en ce qui concerne le genre, les Nations Unies ayant fléché, dans un rapport, le souci de la stigmatisation des femmes usagères face au système de santé, d’où une difficulté dans le suivi (244).

En France, cette démarche n’est pas sans résonnance avec la lutte contre la tuberculose où les professionnels de l’assistance sociale frappaient aux portes des familles défavorisées. La lutte contre le VIH/sida a réactualisé, sous cette appellation d’out-reach, des méthodes anciennes, parfois complétées par des démarches de mobilisation des personnes concernées. Ainsi, des actions envers les populations éloignées du système de soins en raison de facteurs de vulnéra-bilité divers, et parfois multiples, ont été déployées en France. On peut notamment citer l’action des centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) pour les femmes et les hommes vulnérables pour des raisons parfois différentes, invitant à des adaptations, des médiateurs de santé et des équipes mobiles d’intervention mobilisées pour les maladies infec-tieuses ou la santé mentale, par exemple.

Une campagne de vaccination menée par Médecins du monde en 2011, en partenariat avec les autorités sanitaires contre l’épidémie de rougeole sévissant en Europe, a montré l’intérêt d’une approche d’out-reach vers des populations Roms regroupées dans des camps d’hébergement à Marseille. Le retour sur cette campagne présente, entre autres, l’importance de s’adapter, lorsque l’on va vers les populations, à des besoins et exigences de soin différents entre femmes et hommes (245).

Enfin, des interventions ciblées (selon l’âge, par exemple) ou universelles à l’égard des publics en difficulté ont été jugées prometteuses, voire validées par Santé publique France dans certains domaines comme la prévention des IST ou des grossesses non prévues. Ces interventions font l’objet d’une attention particulière dans les évaluations en Amérique du Nord, d’où elles sont originaires (246).

Puisque les publics en difficulté au regard de l’emploi présentent un état de santé24 et un recours aux services de santé bien moindres que la population générale, la politique de santé doit répondre en dirigeant des actions vers ces publics (247). Il apparaît, par ailleurs, que femmes et hommes peuvent faire face à des précarités différentes, ce qui implique de prévoir des adaptations selon la population à prioriser. En considérant que la politique de santé peut s’enrichir de conceptions mêlant facteurs biologiques et sociaux de vulnérabilité, sa mise en œuvre via une stratégie d’out-reach devient alors incontournable.

De manière plus générale, les évaluations d’efficience relèvent qu’une stratégie d’out-reach présente bien souvent des coûts plus élevés à la mise en place, que des moyens d’actions absolument universels, plus proches de ce que le modèle français connaît. Toutefois, les éva-luations démontrent aussi une économie de long terme grâce à l’out-reach, dont l’efficacité pourrait permettre d’éviter des dépenses de santé substantielles dans certaines situations (245).

Pour formaliser de telles stratégies, la voie contractuelle avec le monde associatif permet à la fois de mieux atteindre les personnes représentées, mais aussi de nouer un engagement plus profond, autorisant un travail de concert pour la prévention et le soin.

La stratégie d’out-reach est ainsi un bon moyen de s’assurer d’une mise en œuvre des politiques publiques au plus près des besoins. Dans une perspective de prise en compte du sexe et du genre, il semble essentiel que la mise en place de l’action publique puisse viser les personnes identifiées comme étant les plus vulnérables, sans s’y limiter, et plus généralement les différents groupes devraient bénéficier de ces efforts pour s’assurer d’une amélioration de la santé de tous. Une telle action permettrait de contrebalancer des politiques universelles aussi inclusives que possible pour n’omettre aucune situation avec une application ciblée et accentuée sur les populations les plus en difficulté. À ce titre, la mobilisation et la sensibilisation des professionnels de santé sont absolument indispensables. Cela implique aussi qu’une telle stratégie soit pensée en amont.

24  Inférieur de moitié par rapport à la population générale de la même classe d’âge.

SYNTHÈSE2 – POLITIQUES PUBLIQUES1 – CONSTATS DE SAN3 – DÉCLINAISON OPÉRATIONNELLEANNEXES

L’évaluation est supposée établir si la politique est efficace, et dévoiler des failles que l’action publique se devrait de corriger. En conséquence, les critères définis pour l’encadrer sont fon-damentaux. Chaque critère traduit une vision de ce qu’est une politique de santé efficace, et l’absence de certains critères pose ainsi question. Au vu de ce qui a été développé précédem-ment, il est nécessaire d’interroger l’intérêt d’intégrer, non seulement le sexe et le genre dans la stratégie d’action publique, mais aussi la possibilité d’évaluer avant et après coup l’intérêt d’une différenciation de la politique selon ces facteurs.

La conception des politiques de santé s’envisage de plus en plus aux côtés de leur évaluation, a priori comme a posteriori. Les projets de loi prévoient de plus en plus d’études d’impacts pour préparer l’entrée en vigueur d’une mesure de santé publique, ainsi que la vérification de son efficience après coup.

Évaluer l’efficacité des politiques sur les

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