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Nouvelles formes cliniques : enjeux diagnostiques et thérapeutiques

La prévalence de la dysphorie de genre est en nette augmentation ces dernières années, probablement en raison d’une plus grande visibilité de la transidentité et de la dysphorie de genre dans les médias et d’un développement des centres et consultations spécialisés pour leur prise en charge : de 1/3 800 nés garçons et 1/5 200 nées filles aux Pays-Bas (51) à 1/14 700 nés garçons et 1/38 500 nées filles après métanalyse d’études internationales (50).

La dernière décennie a en effet été marquée par une augmentation de la visibilité, dans les médias et sur les réseaux sociaux, de la transidentité, de la dysphorie de genre et de contenus diffusés par des personnes transgenres sur leur sentiment d’incongruence de genre, leur transition sociale et médicale. De plus, les centres et consultations spécialisés de prise en charge de ces enfants et adolescents se sont multipliés.

Ceci est à double tranchant : d’un côté, cette plus grande visibilité et connaissance de la dysphorie de genre a donné une voix aux individus qui auraient été sous-diagnostiqués et sous-traités dans le passé ; d’un autre côté, il est possible que ce phénomène et certains contenus en ligne puissent inciter des personnes ayant une vulnérabilité psychoaffective à croire que des symptômes non spécifiques et des sentiments négatifs envers leur corps devraient être interprétés comme une dysphorie de genre. Ainsi, l’augmentation de la prévalence en lien avec une plus large diffusion médiatique questionne les cliniciens qui rencontrent ces enfants et adolescents sur l’existence d’un phénomène de contagion sociale des identifications transgenres.

Sur le plan clinique, il existe différentes entités de dysphorie de genre qu’il est important de différencier. La littérature décrit à ce jour 4 entités cliniques distinctes : la dysphorie de genre à début précoce (qui débute dans l’enfance), celle à début tardif (durant l’adolescence ou à l’âge adulte, dans laquelle on ne retrouve pas de symptômes dans l’enfance), qui possède comme sous-entités cliniques celle débutant durant l’adolescence et celle à début rapide.

La dysphorie de genre à début rapide apparaît pendant ou après la puberté, sans symptôme durant l’enfance, principalement chez les nées filles (FtM), est caractérisée par une soudaineté de l’apparition dans un contexte d’exposition majorée à internet et aux réseaux sociaux et/ou d’appartenance à un groupe de pairs dans lequel au moins un membre a annoncé sa dysphorie de genre

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durant la même période. La description de nombreux cas correspondants à cette définition soulève l’hypothèse d’une contagion sociale.

Il y a une dizaine d’années, on rencontrait essentiellement dans la pratique clinique des adolescents qui présentaient une dysphorie de genre à début précoce, apparue durant leur enfance et ayant persisté, souvent s’étant aggravée, avec la puberté. Le profil épidémiologique de la dysphorie de genre a changé, et l’on rencontre de plus en plus d’enfants exprimant précocement leur dysphorie de genre et de plus en plus d’adolescents présentant une forme à début tardif, parfois rapide.

La dysphorie de genre à début précoce, retrouvée chez l’enfant ou dans l’anamnèse de l’adolescent et de ses parents, possède des recommandations thérapeutiques consensuelles au niveau international, qui consistent en l’accompagnement psychologique de l’enfant et de ses parents dans ses difficultés psychoaffectives globales, incluant mais ne se résumant pas à son identité de genre. On sait en effet que seuls 30% des enfants suivis connaîtront une persistance de leur dysphorie de genre à l’adolescence (« persisters »), 70% d’entre eux se désistant progressivement entre 8 et 12 ans en lien avec leur développement psychoaffectif, cognitif, social et pubertaire (« desisters »).

En revanche, la littérature médicale fait état d’un taux de désistement nul chez ces adolescents persistant après le début de leur puberté.

Concernant les formes à début tardif +/- rapide, nous disposons de peu de données. Littman (32) montre que 8.2% d’adolescents désistent ou doutent de leur incongruence de genre après une période d’identification transgenre de 24 mois en moyenne (5.5% ayant désisté, dont 1.2% après transition ; 2.7% doutent). Elle observe également que ceux qui s’identifient comme transgenre au moment de l’étude ont ce vécu d’incongruence de genre depuis 14 mois en moyenne, ce qui suggère qu’une période d’observation plus longue pourrait révéler des taux plus élevés de désistement.

Autre élément fondamental dans la clinique de la dysphorie de genre chez l’adolescent : la comorbidité (ou co-occurrence) psychiatrique et/ou les difficultés psychoaffectives plus globales de l’adolescent. Une riche littérature internationale fait état d’une forte comorbidité psychiatrique, principalement anxiodépressive, dans cette population et précise qu’elle ne constitue pas une contre- indication en soi au traitement hormonal. En revanche, il est fondamental d’évaluer si la dysphorie de genre est le trouble principal de l’adolescent et non le symptôme de difficultés psychoaffectives plus globales qu’il traverse, « effet du symbolique dans le réel, fantasme fondamental duquel le sujet se soutient » (96).

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Ainsi, si dans certains cas l’accompagnement pédopsychiatrique et/ou psychologique vers la transition sociale et hormonale apparaît comme la conduite à tenir la plus adaptée d’un point de vue médical, comme cela est aujourd’hui pratiqué dans les centres ou consultations spécialisés à l’international, il semble que ce n’est pas le cas de tous les adolescents formulant cette demande et qu’il est préférable de ne pas se précipiter systématiquement sur les protocoles existants mais plutôt d’observer et d’évaluer au cas par cas l’indication de ces traitements pour un accompagnement au plus près de la clinique chez ces patients pris dans la dynamique adolescente et sa temporalité particulière (113).