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NOUVELLES DONNÉES GÉOCHRONOLOGIQUES SUR LA FUSION CRUSTALE DANS LE MASSIF CENTRAL FRANÇAIS

Eléments Témoins Raie Cristal THT (kV) T (comptage) U UO2Mα PET 20 100 s

4 NOUVELLES DONNÉES GÉOCHRONOLOGIQUES SUR LA FUSION CRUSTALE DANS LE MASSIF CENTRAL FRANÇAIS

4.1 Introduction

Les données géochronologiques déjà disponibles sur les zones cibles (Fig.4-1) ont été obtenues soit par mesure sur "roche totale" ou encore par des méthodes conventionnelle par dilution isotopique (ID.TIMS). Mais ces méthodes peuvent cacher des perturbations multiples produites par la succession ou la superposition de processus thermiques ultérieurs. Les systèmes isotopiques K-Ar et Ar-Ar peuvent s’ouvrir à plus basse température, les résultats dans ce cas ne correspondent pas à l’évènement magmatique, mais plutôt au dernier évènement thermique. Dans ce contexte, il était impératif d’envisager d’autres méthodes de datation des processus de fusion. C’est dans cet objectif que cette étude s’emploie à démontrer le potentiel et la contribution de la méthode de datation ponctuelle et in situ de la monazite à la sonde électronique dans la compréhension de l’évolution crustale dans le Massif Central français. Une corrélation entre les différents domaines du Massif Central sera établie et un modèle géodynamique proposé.

La figure 4-1 montre la localisation des quatre sites principaux d’étude où des échantillons de migmatites et de granitoïdes ont été collectés. Pour chaque site, la procédure analytique et le contexte géologique seront examinés séparément. Dans le Limousin des échantillons de migmatites, distribués sur une plus grande surface ont également été prélevés.

Fig.4-1. Carte géologique simplifiée du Massif Central français avec la localisation des trois principales zones cibles d’étude (Limousin, Cévennes-Velay et la Montagne Noire) des migmatites et granitoïdes d’âge Carbonifère et l’étude locale (échantillons locaux) des migmatites d’âge Dévonien.

50 Km 44 N 4 E 2 E 0 E 46 N Lot Chevauchements principaux Failles normales ductiles Namuro-Westphaliennes Failles normales Stéphaniens 1

2

Sioule

Morvan

Unités supérieures épizonales (Thiviers-Payzac, Figeac, Rouergue) Nappes et plis couchés paléozoïques méridionaux

Avant pays méridional

(Viséen-Namurian) Montagne Noire

Cévennes Albigeois

Unité de Thiviers-Payzac Plateau d'Aigurande

Plateau des Millevaches

Velay Guéret Margeride Granites (360-350 Ma) 1 Granodiorites 2 Leucogranites (325-300 Ma)

Unité supérieure des gneiss Unité inférieure des gneiss Unité para-autochtone Migmatites (325 Ma) Dôme granito-migmatitique du Velay (300 Ma) Rouergue Figeac 1 2

Séries des "Tufs anthracifères" (Viséen supérieur, 330-335 Ma)

1: Unité Ophiolitique de la Brévenne 2: Séries d'arc du Morvan

46 N 4 E 2 E Cévennes Cévennes-Velay Echantillons locaux

4.2 Les Cévennes

4.2.1 Cadre lithologique

Les migmatites des Cévennes appartiennent à un complexe formé de paragneiss et d’orthogneiss (parfois appelé unité de Masméjean) chevauché par le Para-autochtone d’âge Paleozoïque inférieur (Faure et al., 2001). Ce dernier est composé essentiellement des micaschistes des Cévennes lesquels comportent une épaisse série gréso-pélitique contenant des quartzites, des grés arkosiques des microconglomérats, des schistes noirs presque constitués uniquement de métapélites graphiteuses ; des gneiss œillés et des gneiss albitiques à grain fin. Dans cette série d’origine terrigène se concentrent également des intrusions centimétriques à décamétriques de filons souvent boudinés de granite, des panneaux de roches basiques (vaugnérite) (Weisbrod, 1968). On observe aussi des filons de lamprophyre, des micro-plutons dioritiques et de vastes plutons de monzogranites porphyriques de

Fig.4-3. Exemple des textures observables dans la migmatite des Cévennes (St-Laurent). Les plages de néosome présentent une texture magmatique grenue contrairement aux paléosomes métamorphiques.

Guiral-Liron au Sud, du Pont-de-Montvert-Borne au Nord, daté à 315 ± 5 Ma par Rb-Sr sur roche totale (Mialhe, 1980), et des leucogranites illustrés par les plutons des Signaux-Bougès dans le massif du Mont-Lozère et du granite de Rocles au Nord-Est du massif de la Borne. Les échantillons analysés proviennent de l’unité des gneiss migmatitiques. Bien qu’il soit toujours possible d’observer des vestiges des stades précoces de migmatisation caractérisés par des "îlots" difformes de matériel leucocrate, les textures perceptibles et les quantités importantes de leucosomes des migmatites vraies évoquent un taux de fusion important. Il s’agit essentiellement de diatexites (Fig.4-3). Leur assemblage minéralogique principal exprime des conditions de fusion hydratée des gneiss. Cette paragenèse est définie par du quartz, du feldspath potassique, de la biotite moins abondante dans les leucosomes et du plagioclase de dimensions variant entre 0,1 à 0,5 mm. Localement, les minéraux néoformés peuvent atteindre 1 mm. Les limites des grains sont rectilignes avec un développement de points triples qui indiquent des traces de cristallisation statique du liquide de fusion dans les leucosomes grenus (Fig.4-3). Ces derniers passent latéralement aux mélanosomes granoblastiques très riches en biotite et muscovite héritées.

Les leucosomes et les mélanosomes forment des couches de géométrie très variée, la foliation originelle est généralement disloquée, voire détruite. On relève aussi de petits cristaux de mica blanc interstitiel, du zircon, de l’apatite, de la monazite, des sulfures multiples, des oxydes de fer et de la chlorite qui résulte de l’altération de la biotite. Les migmatites des Cévennes se distinguent essentiellement des migmatites contiguës du dôme du Velay au Nord par leur paragenèse. Les migmatites du Velay se développent en conditions anhydres (migmatite M3 de Montel et al., 1992). La fusion dans ces conditions de sous saturation en fluides a impliqué la déstabilisation des micas à des températures plus importantes comprises entre 760 et 850 °C avec une pression estimé entre 4.4 et 6.0 kbar (migmatisation M4, Montel et al., 1992 ). Le calage géochronologique de la mise en place de migmatites des Cévennes n’est pas encore bien déterminé. Elles sont toutefois associées aux processus orogéniques antérieurs à la mise en place des plutons de monzogranite porphyrique type Margeride. Il apparaît donc essentiel que la datation de ces migmatites apportera des informations complémentaires pour comprendre l’évolution structurale des Cévennes.

Outre les trois faciès du granite de Rocles, trois échantillons de dykes de leucogranites boudinés, localisés le long des accidents qui séparent les micaschistes des Cévennes et les gneiss migmatitiques, ont été analysés. A l’instar des massifs de leucogranites et monzogranites westphaliens (Margeride, Signeaux, Pont-de-Monvert et la Borne) plus connus, les granites étudiés dans ce travail sont des indicateurs de l’activité plutonique des Cévennes. Il apparaît par conséquent important de déterminer les relations chronologiques de ces objets à l’échelle de la région.

Trois groupes de dykes ont été recensés. Ils se distinguent par leur couleur, leur forme et leur texture macroscopique. L’échantillon de Puylaurent correspond à un granite orienté, homogène à biotite millimétrique dominante. Les analyses des lames minces révèlent une texture généralement granoblastique avec des lits de quartz engrenés, le feldspath potassique se présente en phénocristaux fracturés et allongés suivant la direction des lits de quartz. Les deux filons granitiques (a) et (b) (Fig.4-4) de St-Laurent comportent une paragenèse identique composée de quartz, de feldspath potassique plus abondant que le plagioclase, de micas, de zircon, d’oxydes divers et de pyrite automorphe. D’autres minéraux accessoires comme la monazite et le xénotime sont observés. La paragenèse principale est complétée par des assemblages de minéraux secondaires en position interstitielle et en colmatage dans les microfractures. Les minéraux sont organisés en texture grenue hétérogranulaire, la déformation est très faiblement exprimée.

4.2.2 Résultats

4.2.2.1 Les migmatites

Les images par électrons retrodiffusés des monazites issues des échantillons de Puylaurent et de St-Laurent Fig.4-4. Carte de localisation des échantillons du domaine cévenol. La carte détaillée du granite de

(Fig.4-5) montrent les différentes zonations observées dans les minéraux. Les zonations (Fig.4-5) sont fonction de la distribution des éléments lourds tels que U et Th. Ces domaines de compositions chimiques différentes ne sont pas systématiquement différents en âge. Les zonations découlent des variations chimiques dans l’environnement de cristallisation des minéraux. Pour des teneurs à peu près similaires en Th, la migmatite de Puylaurent comporte des grains avec des cœurs hérités beaucoup moins riches en U et en autres éléments de substitution comme le Ca (Fig.4-6). Les deux domaines comportent généralement des limites bien définies montrant ainsi l’absence des processus de diffusion chimique au cours de la surimposition d’une nouvelle génération. Une telle configuration permet de discriminer avec précision l’âge de la néoformation ou encore de la migmatisation (323 ± 3 Ma) de celui de l’héritage à 550 ± 86 Ma, comme dans l’exemple de la migmatite de Puylaurent (Cocherie et al., 2005 ; annexe 1).

Fig.4-5. Zonation visible en électrons retrodiffusés de deux grains de monazite. (a) monazite xénomorphe de la migmatite de Puylaurent, (b) monazite sub-automorphe de la migmatite de St-Laurent. Les deux images illustrent la zonation irrégulière et amiboïde la plus fréquemment observée dans les monazites des migmatites et des gneiss migmatitiques. Les zones claires sont plus riches en U et Th que les zones sombres.

multiples (Cocherie et al., 2005 ; annexe 1) par le microscope électronique à balayage ou par la microsonde électronique permet de séparer en amont des populations d’analyses. L’exemple présenté ci-après (Figs.4-6, 7) témoigne de la nécessité de la procédure.

Le nombre de points d’analyses réalisé est variable selon la taille et la complexité du grain. La figure 4-7 illustre la procédure d’acquisition des données sur un grain : le grain complexe de la migmatite de Puylaurent. Le calcul d’un âge isochrone sur la périphérie de ce grain donne 324 ± 6 Ma à partir de 38 analyses (Fig.4-8), un résultat identique à celui déterminé sur la population totale des huit autres grains qui sont eux tous homogènes avec 99

Fig.4-6. Exemple de cartographie élémentaire (microsonde électronique SX 50, BRGM) d’une monazite extraite de la migmatite de Puylaurent. La zonation chimique semi quantitative met en évidence les deux principaux composants résultant à priori de deux épisodes de croissance cristalline. Notez les bandes de croissance concentriques révélées par l’Y et le Ca au cœur du grain.

points d’analyses conduisent à un âge 323 ± 3 Ma (Cocherie et al., 2005 ; Fig. 7, annexe 1). L’échantillon de migmatite de St-Laurent produit de rares grains de monazite (4 grains extraits de 5 kg de roche), présentant les mêmes caractéristiques micro texturales que ceux de l’échantillon de Puylaurent. La zonation "amiboïde" (Fig.4-5) est la plus fréquente et le phénomène d’héritage est également mis en évidence. Les âges isochrones se rapportant à l’héritage et à la néoformation des migmatites des deux localités sont concordants dans la limite des erreurs (2σ).

Fig.4-7. Exemple de résultat élémentaire du grain 12 de la monazite de l’échantillon de la migmatite de Pyulaurent. (a) image MEB de la monazite sub-automorphe avec un cœur hérité. (b) Localisation des points d’analyse et des âges ponctuels correspondants. Notez la différence d’âge entre les deux domaines. (c) Variation chimique (U, Th et Pb) le long de la coupe [AB]. L’héritage se caractérise par des teneurs particulièrement basses en U.

Fig.4-8. Résultat du traitement statistique des analyses du grain présenté dans la figure 4-7.

Fig.4-9. Diagramme Th/Pb vs U/Pb de la migmatite prélevée à St-Laurent. On note la cohérence de la droite de régression avec l’isochrone théorique.

Fig.4-10. Diagramme Th/Pb vs U/Pb de la migmatite prélevée à St -Laurent (grain 5).

Fig.4-11. Diagramme Th/Pb vs U/Pb de la migmatite prélevée à St-Laurent (cœur grain 5).

Comme il a été mentionné plus haut, l’extraction des grains de monazite favorise des grains de grandes dimensions au détriment des petits et comporte l’inconvénient de la perte des indications sur les relations texturales de la monazite avec le reste des espèces minérales. En effet, l’analyse des relations texturales peut fournir des indices essentiels dans la caractérisation des générations de monazite. Elle simplifie l’interprétation des résultats et facilite l’identification des processus géologiques générateurs des monazites. Un échantillon de leucosome de migmatite a été prélevé au pont de Bayzan. Les conditions particulières de l’échantillonnage sont détaillées par Be Mezeme et al., 2005 annexe 2. L’étude microscopique des lames minces dévoile des sections de monazite de plus petites dimensions ~5 à 50 µm avec des grains exceptionnels de 100 µm. Ces monazites sont regroupées en deux populations caractérisées par des distributions de terre rares distinctes (Fig.4-12). La première est en inclusion dans les feldspaths plus ou moins altérés et comporte des proportions plus élevées en terres rares lourdes. La seconde population de monazites est localisée en position interstitielle. Elle présente des grains xénomorphes de grande taille avec des limites irrégulières (Fig.4-13).

Fig.4-12. Distribution normalisée aux chondrites des terres rares des deux populations de monazites mises en évidence pour la migmatite du pont de Bayzan (Be Mezeme et al., 2005 ; annexe 2).

Les analyses des deux populations conduisent au calcul d’un âge de 331 ± 4 Ma pour les monazites en inclusion et de 320 ± 5 Ma pour les monazites interstitielles (Fig.4-14).

Fig.4-13. Les deux populations de monazites observées en lames polies des échantillons de migmatites prélevés au pont de Bayzan. Contrairement aux monazites en inclusion, les monazites xénomorphes interstitielles comportent des limites plus irrégulières avec des marques d’altération.

Fig.4-14. Ages is ochrones des de ux populations de m on azit es de s éc ha ntillons de m igm atit es p levé s au