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Une nouvelle théorie du contrat de société basée sur la mission 137 !

PARTIE II. – MODELISATION DE LA MISSION : UN NOUVEAU TYPE

Chapitre 4 Une nouvelle théorie du contrat de société basée sur la mission 137 !

basée sur la mission

T

ABLE DES MATIERES

1.

!

Analyse historique : la mission dans l’histoire des corporations ... 139

!

1.1.! De la naissance des corporations à la première « business corporation » ... 139! 1.2.! L’essor des corporations et leur libéralisation ... 146! 1.3.! L’enjeu aujourd’hui : restaurer les conditions d’une mission collective expansive ... 153!

2.

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Un nouveau modèle du contrat de société : d’un engagement sur les ressources à un engagement sur l’action ... 155

!

2.1.! L’incertitude : une question centrale des théories de gouvernance ... 156! 2.2.! De la Resource-Based View à la Discovery-Based View, résoudre l’incertitude par un engagement sur les ressources ... 159!

La modélisation de la mission du chapitre précédent permet de généraliser la notion de mission au- delà du cas particulier du purpose de la FPC. Elle conduit à faire coïncider deux dimensions de la finalité de l’entreprise : un enjeu sociétal déjà repéré, et un enjeu, nouveau, d’expansion. Cette dernière dimension semble simultanément dépasser les ambitions exprimées par les concepteurs de la FPC, et par les missions des entreprises sociales, et correspondre à la dimension d’innovation que nombre d’entrepreneurs sociaux défendent. S’agit-il d’un objet réellement nouveau ? Ou bien notre modèle rend- il seulement visible une phénoménologie déjà existante bien au-delà des FPC ? Et si cet objet n’est pas nouveau, cette dimension expansive répond-elle à un enjeu actuel de la gouvernance ?

Dans ce chapitre, nous explorons la portée interprétative du modèle de mission. Dans un premier temps, nous montrons que celui-ci permet de relire l’histoire des corporations en droit anglo-saxon, et de montrer qu’un objet proche du modèle de mission existe en droit depuis la naissance des business corporations à la renaissance (1.1.). Les corporations créées jusqu’au 19ème siècle comprenaient ainsi une

certaine forme de mission à la fois sociétale et expansive. Cependant les évolutions du droit des sociétés au 19ème ont conduit à une libéralisation de la société qui a diffusé la forme mais fait disparaître la

mission et préfiguré l’orientation actuelle de la gouvernance (1.2.). L’apparition de nouvelles formes est alors explicable par les transformations des enjeux de la gouvernance aujourd’hui, et notamment l’émergence d’un enjeu de restaurer les conditions d’un engagement dans l’action collective innovante (1.3.).

Cette exploration montrera l’enjeu de repenser les représentations contemporaines du contrat de société, qui ont perdu la dimension d’engagement sur l’action. Si l’incertitude a toujours été une question centrale des modèles économiques de l’entreprise (2.1.), plusieurs travaux récents montrent que ces modèles atteignent des limites, et essayent d’adapter les modèles de gouvernance aux situations d’expansion (2.2.). Mais si notre modélisation de la mission est cohérente avec ces développements, nous montrerons qu’elle conduit en réalité à un changement fondamental des hypothèses sur lesquelles ces modèles de gouvernance sont construits : il s’agit de se sortir des modèle issus de la théorie de la décision pour construire des contrats adapté à une fonction conceptrice du management (2.3.).

1. ANALYSE HISTORIQUE : LA MISSION DANS LHISTOIRE DES CORPORATIONS

La mission est une innovation centrale dans les propositions des formes juridiques récemment adoptées, et elle contribue à rediscuter les théories classiques de l’entreprise et de sa gouvernance. Nous en avons esquissé un modèle dans le chapitre précédent, qui met en lumière une propriété spécifique : la possibilité d’engager le collectif envers des stratégies innovantes encore partiellement inconnues.

Mais la mission, définie comme telle, est-elle un objet nouveau ? Parmi les exemples que nous avons donnés au chapitre précédent, Nutriset et les deux FPC sont indépendantes, et la première entreprise existe depuis 1986. Des formes particulières, les missions sociales, sont également rapportées par la littérature depuis au moins plusieurs dizaines d’années. Les concepteurs de la FPC ou d’autres formes adoptées précédemment dans la même vague, s’ils sont à l’origine d’une innovation juridique majeure en l’introduisant dans le droit des sociétés récent, n’ont pas inventé le concept de mission en tant que tel. Sont-ils même seulement les premiers à avoir proposé de l’inclure dans le droit ?

Dans cette partie, nous souhaitons commencer à instruire une histoire de la mission de l’entreprise49

elle-même, de façon à situer cette innovation dans une perspective de plus long terme. Pour ce faire, nous avons en quelque sorte prolongé la généalogie de la FPC proposée au chapitre 2 beaucoup plus loin dans le temps, en reconstituant une histoire partielle de la forme juridique même de corporation en droit anglo-saxon. Ce travail montre, s’il en était besoin, qu’au long de l’Histoire, et depuis la création des corporations au moyen-âge, la question de la mission d’une telle forme de collectif a été une question cruciale fréquemment débattue.

Nous ne sommes évidemment pas les premiers à proposer une relecture historique de l’entreprise. Certains auteurs explorent aujourd’hui, sur la base de ce type d’analyses, les conséquences d’un abandon de la une forme historique de l’entreprise régie par charte gouvernementale, et assujettie à l’intérêt général par un contrôle de type civique voire étatique (e.g. Brown 2010). Ces auteurs rappellent généralement les limites précédemment imposées aux prérogatives de ces êtres abstraits, auxquels on hésitait à donner la personnalité juridique et dont on se méfiait de l’autorité, et qui semblent aujourd’hui en large partie envolées (McLean 2004). Mais nous souhaitons montrer deux choses dans ce chapitre. Premièrement, qu’une lecture opposant une vision « étatique » à une vision « privée » de l’entreprise masque une profondeur de débat qu’une discussion de la mission de l’entreprise, qui s’est progressivement estompée au cours de l’Histoire, permet de restaurer. Deuxièmement, que cet estompement a contribué à masquer une autre dimension, rarement discutée, des chartes définissant ces corporations, et que notre modèle permet de faire réapparaître. L’objet de la corporation en tant qu’« aventure » dans l’incertain, a souvent comporté depuis la renaissance une dimension irréductible d’exploration de l’inconnu, de recherche de la nouveauté : en un mot, une dimension « expansive ».

Afin de préserver la cohérence des rapprochements sur l’ensemble de la thèse, nous proposons une analyse historique, pour la plupart de seconde main, de l’histoire des corporations anglo-saxonnes, analyse que nous complèterons avec des éléments d’histoire et de droit français lorsque la comparaison est fructueuse et utile à la compréhension des enjeux d’aujourd’hui.

1.1. De la naissance des corporations à la première « business corporation »

L’histoire des corporations, françaises comme anglaises, a déjà fait l’objet de nombreux ouvrages. Il s’agit ici simplement d’en donner une lecture particulière au travers du prisme de la « mission ». En ce sens, nous proposons une version volontairement abrégée de cette Histoire, essentiellement tournée vers le droit.

49 Evitons ici un contre-sens : la notion d’entreprise étant relativement récente (on peut situer l’émergence du sens

moderne du mot vers la fin du 19ème siècle), il s’agira ici de s’intéresser à la mission d’une des formes juridiques anglo-

1.1.1. Les premières corporations étaient des organisations « hybrides »

Selon (Epstein 1991, p. 50), les premiers documents permettant de retracer l’existence des ancêtres des corporations datent du 12ème siècle. Le terme initial pour désigner ces organisations, « guilde », sera

progressivement entièrement remplacé par celui de corporation en Angleterre, les deux termes « guildated » et « incorporated » étant devenus interchangeables du temps d’Henri IV d’Angleterre (Williston 1888, p. 108). Les guildes étaient des collectifs créés par des personnes se reconnaissant une proximité, celle-ci pouvant être une proximité géographique ou d’activité, et qui décident d’entrer en coopération et disposent de droits spécifiques accordés par l’Etat. Quoique fondées sur un même principe, ces deux types de proximité donneront des formes très distinctes : les premières deviendront les corporations municipales, définissant un ensemble de règles sur un territoire donné, et les secondes les corporations d’artisans, s’intéressant plutôt aux règles de métier et de commerce associés. En Angleterre, la première charte spécifiant par écrit la reconnaissance de l’existence d’une guilde et des droits et devoirs qui lui sont accordés, date de 115550 : il s’agit de celle des tisserands de Londres qui sécurisent

ainsi toutes les libertés et les droits qu’Henri Ier leur avait accordées (Williston 1888, Epstein 1991, p. 58).

Peu après c’est la ville de Londres (City of London) elle-même qui pose les bases d’une future forme de corporation en obtenant le droit en 1189 de se faire représenter par son propre maire.

Des droits et des privilèges spécifiques

Il faut attendre le 14ème siècle pour que la forme de corporation prenne l’ensemble des marques

juridiques qui lui resteront propres jusqu’à aujourd’hui, lorsque le roi Edward III délivre des chartes à de nouvelles « compagnies » de marchands tels que les orfèvres (goldsmiths) en 1327 ou les merciers (mercers) en 1373 (Williston 1888, p. 108, Fishman 1985). Le terme de « regulated company » est parfois utilisé pour différencier les associations de marchands (« merchant associations ») des autres corporations (municipales et caritatives notamment, voir ci-dessous), ainsi que pour marquer l’importance de la régulation étatique et juridique à laquelle elles sont soumises. Mais l’organisation de ces companies ne correspond pourtant pas à l’importation depuis le continent de la compagnia romaine, dont les propriétés restent différentes (Kohn 2003).

La création d’une corporation51, conditionnée à l’obtention (et au renouvellement lorsque nécessaire)

d’une charte royale pour officialiser l’« incorporation », événement extrêmement rare, a plusieurs intérêts. En premier lieu, elle permet de réunir plusieurs individus dans une même organisation qui dispose d’une existence légale séparée de ses membres, et peut ainsi survivre à la mort de l’un d’entre eux. La première corporation anglaise n’y fait pas exception : ses membres ne sont pas désignés dans la charte, et elle dispose d’un droit légal de décider qui fait partie de ses membres ou non. La continuité d’existence de la corporation et sa définition par un nom et un lieu plutôt que par une liste de ses membres est la raison première de son utilisation pour un grand nombre de collectifs très variés. Le roi d’Angleterre est par exemple lui-même une corporation : cela permet d’assurer la continuité de la fonction même lorsqu’une transmission est à organiser (McLean 2004).

En second lieu, la corporation dispose de droits spécifiques qui permettent d’organiser une réglementation propre au niveau local, et de profiter de privilèges majeurs. Ainsi toutes les corporations artisanales de Londres, devenues les « vénérables compagnies » qui existent encore aujourd’hui, disposent en premier lieu d’un monopole sur leur artisanat. Par exemple, seuls les membres de la corporation des tisserands disposent du droit de commerce sur le tissage. L’établissement d’une réglementation passe par le droit de « self-government », c’est-à-dire le droit, et en réalité même le devoir, de gérer toutes les affaires ayant trait à l’artisanat en question, en particulier le droit d’adhésion à la guilde, la formation des compagnons, les règles de qualité, de prix, de lieux de vente etc. En échange la corporation verse une forme d’impôt annuel à la couronne (Epstein 1991). Les corporations ont ainsi

50 http://www.weavers.org.uk/history

51 Nous garderons le terme en italique pour désigner le nom anglais et non la forme française de corporation dont les

un système de gouvernance relativement développé dès le 15ème siècle (Kohn 2003) et représentent une

forme de gouvernement local relativement indépendant de la couronne pour la gestion du commerce (Williston 1888).

Un vaste ensemble de corporations aux objectifs publics et privés

Ces droits de monopole accordés aux « craft guilds », ancêtres des business corporations n’étaient pas spécifiques à celles-ci. Contrairement aux corporations de métiers françaises, la forme légale de corporation a été utilisée en Angleterre pour tous les collectifs pouvant bénéficier d’une continuité d’existence. Elles sont ainsi historiquement classées en de nombreuses catégories. D’abord, elles peuvent être ecclésiastiques ou laïques, les premières désignant bien entendu toutes les corporations d’ordre religieux, comme les monastères par exemple. Les corporations laïques (« lay ») peuvent ensuite être « civiles » ou « caritatives » (« eleemosynary » en anglais). Ces dernières incluent toutes les formes devenant explicitement nonprofit plus tard, dont les universités (et leurs colleges), les hôpitaux etc. Les corporations civiles enfin peuvent être « municipales » et concerner ainsi les villes, quartiers, gouvernements etc., ou artisanales comme celle des tisserands.

Ainsi que le formule Williston en 1888, « the most striking peculiarity found on first examination of the history of the law of business corporations is the fact that different kinds of corporations are treated without distinction, and, with few exceptions, as if the same rules were applicable to all alike. » De fait, il n’y a pas de distinction faite à ce stade, notamment en droit, entre des corporations à but lucratif, et à but non lucratif. Toutes les corporations, en raison du contrôle dont elles font l’objet par l’Etat, et du besoin d’une charte royale pour leur création, sont en fait considérées comme des organismes publics : elles incluent ainsi nécessairement un objectif (« purpose ») d’intérêt public pour obtenir leur autorisation (Handlin & Handlin 1945). Si cela paraît évident pour les eleemosynary corporations dont l’objet est par essence d’intérêt public car caritatif, ou pour les municipales ayant à leur charge la gestion publique de villes ou de régions, c’était également le cas pour les guildes de métiers : c’est en effet la gestion de la confection et du commerce de biens de consommation quotidienne qui leur est confiée, ainsi que celle de biens ayant de la valeur pour le commerce extérieur, représentant ainsi les compétences d’une nation et assurant ses richesses. Les corporations sont ainsi des organismes servant à la fois un objectif d’intérêt général, défini par la charte royale et contrôlé par l’Etat ; des objectifs privés, car l’appartenance à une corporation permettait de commercer à son propre compte au sein du monopole garanti par la charte ; et des objectifs « collectifs » enfin, car cette appartenance signifiait également l’accès à de nombreux « services solidaires », telle qu’une assistance mutuelle entre les membres, notamment en cas de difficultés personnelles, ou l’accès à une formation organisée, et obligeait au respect des règles collectives définies pour toute la corporation.

Une forme fortement régulée par l’Etat

Les corporations sont donc des organisations peu nombreuses et fortement régulées par l’Etat. Les droits génériques associés à toute corporation en tant que personne légale, résumés par Stewart Kyd en 1793 comme étant (1) la continuité d’existence malgré la mort ou le départ de ses membres, (2) la capacité de posséder des droits de propriété et de les céder, et (3) la capacité de poursuite juridique (Kyd 2006 [1793]) sont ainsi contrebalancés par un contrôle étatique strict, incluant un examen minutieux des chartes accordées par la couronne, une surveillance étroite de l’accumulation de la propriété, ainsi qu’un « droit de visite » (« right of visitation ») consistant à faire vérifier, investiguer et corriger toutes les « irrégularités » qui apparaîtraient dans ces corporations par les personnes « appropriées » (mandatées par l’Etat) (Blackstone & Field 1827 [1765]). La charte était d’ailleurs accordée pour un temps limité, et pouvait ne pas être renouvelée, voir pouvait être révoquée par la couronne (comme cela a été le cas pour la charte accordée aux tisserands au début du 13ème siècle)

(Epstein 1991). Du fait de ces limites, une grande partie de l’activité économique, soit lorsqu’elle était non régulée, soit parce qu’elle ne tombait pas sous le coup des monopoles accordés par ailleurs, prenait la forme d’associations non incorporées ou de partnerships ne disposant pas de droits spécifiques car

non dotés de la personnalité juridique (et notamment étant dissous à la mort d’un des membres) (McLean 2004).

1.1.2. La création des « business corporations » : les Joint Stock companies

La création d’un outil de financement : le Joint Stock

En 1407, la première charte accordée à une association de marchand pour un monopole de commerce de nature géographique (plutôt que de métiers) est donnée à la Company of Merchant Adventurers de Londres par Henri IV d’Angleterre, notamment pour privilégier le commerce avec les provinces néerlandaises. Mais c’est au 16ème siècle, avec l’intensification des découvertes de nouvelles

routes commerciales et de nouvelles terres que naissent les premières « business corporations ». En effet, les expéditions, ou « aventures » maritimes, organisées pour découvrir de telles nouvelles routes sont coûteuses, risquées, et requièrent souvent la participation de nombreux individus pour leur financement. La technique trouvée pour organiser un tel financement est alors celle du « Joint Stock », c’est-à-dire de la constitution d’un fonds auquel de nombreuses personnes privées peuvent participer, qu’elles soient des marchands ou non. C’est en 1553 qu’est créée la première Joint Stock company anglaise, formée pour une « aventure » particulière : la Muscovy Company. Celle-ci avait pour ambition de trouver une nouvelle route pour le commerce vers les « Indes » afin de contrebalancer le duopole naissant entre les Pays-Bas et l’Espagne (suite à la suprématie portugaise (Keay 1991, p. 24)), les premiers empruntant une route au Sud-Est, par le cap de Bonne Espérance, et la seconde une route vers le Sud-Ouest, par le Cap Horn (Keay 1991, p. 8). Une exploration fut donc lancée vers le Nord-Ouest pour faire le tour de la Russie, financée par 200 londoniens, pour la plupart marchands (Kohn 2003). Si une telle route vers les Indes n’a évidemment pas été trouvée, c’est en revanche une nouvelle route pour un commerce vers la Russie qui s’ouvre, et pour laquelle la compagnie obtiendra un monopole en 1555 à travers la charte qui lui est accordée.

Mais la compagnie emblématique d’un véritable changement d’organisation précurseur de la business corporation moderne est l’East India Company, qui obtient sa charte de la reine Elizabeth en 1600, suite aux suggestions pressantes et récurrentes de nombreux marchands (notamment de la Company of Merchant Adventurers) qui jugent urgent pour la prospérité et le pouvoir économique de l’Angleterre de rattraper le commerce florissant des autres puissances européennes avec les Indes (Keay 1991). La « radicalité » de l’innovation, ou la « hauteur » du saut conceptuel réalisé avec la création de l’East India Company en matière de financement, de gouvernance ou de forme d’organisation et de commerce est encore aujourd’hui affaire de débat parmi les historiens. Les travaux les plus récents ont tendance à exhiber de plus en plus d’éléments de généalogie qui atténuent cette soudaineté. Cependant, le changement réalisé sur ces différentes dimensions entre 1550 et 1650 est au cœur de notre discussion sur les origines de la mission et de la gouvernance des entreprises modernes. Nous chercherons donc à en étudier les différents aspects successivement.

La charte, véhicule d’une « mission » publique et expansive imposée à l’aventure

Le premier élément que nous souhaitons souligner est le contenu de la charte qui incorpore ces nouvelles formes d’organisation. Bien entendu, comme toutes les autres corporations avant elles, l’East India Company et les futures Joint Stock Companies (dont près d’une dizaine sont créées au début du 17ème siècle) ont été créées par une charte royale qui définit les conditions d’exercice de leur activité

ainsi que les missions dont elles sont investies, et qui sont toujours d’ordre public. Contrairement à une idée reçue, la charte accordée à la Compagnie des Indes n’est pas un blanc-seing autorisant toutes formes de prérogatives et en particulier d’exactions militaires et politiques sous couvert de promouvoir les intérêts de la couronne par la colonisation et l’extension de l’empire (Lawson 2014, p. 20). Celle-ci stipule au contraire de façon très précise l’objet d’une telle corporation, en précisant que ses membres doivent :

« at their own adventures, costs, and charges, as well for the honour of this our realm of

England, as for the increase of our navigation, and advancement of trade of merchandize,

within our said realms and the dominions of the same, might adventure and set forth one or

more voyages, with convenient number of ships and pinnaces, by way of traffic and merchandize to the East Indies, in the countries and parts of Asia and Africa and to as many

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