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Un modèle de la mission comme « concept de stratégies » 99 !

PARTIE II. – MODELISATION DE LA MISSION : UN NOUVEAU TYPE

Chapitre 3 Un modèle de la mission comme « concept de stratégies » 99 !

stratégies »

T

ABLE DES MATIERES

1.

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Explorer la notion de purpose : trois cas d’entreprises avec finalités ... 101

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1.1.! Logique de l’exploration : matériau et méthode ... 101! 1.2.! Présentation succincte des cas d’entreprise à mission ... 103!

2.

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Des propriétés différentes du purpose théorisé en management stratégique ... 106

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2.1.! Le « Common Purpose », dispositif de coopération mais pas d’engagement ... 107! 2.2.! Le « projet » ou la « vision » stratégique : des approches trop précises du purpose ? ... 109! 2.3.

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Les mission statements : un artifice de communication ... 113

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2.4.! Du « purpose » à la « mission » : la nécessité de modéliser les nouvelles propriétés ... 113!

3.

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La mission comme un « concept de stratégies » ... 116

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3.1.! Le besoin d’un engagement sur la conception de l’action collective ... 116! 3.2.! Un détour par les théories de la conception : comment parler de l’inconnu ? ... 121! 3.3.! La mission : un encadrement des stratégies inconnues par les propriétés désirables ... 125!

4.

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La mission comme extension du purpose : un engagement sur une « direction d’expansion » et des « promesses de solidarité » ... 127

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4.1.! La formulation explicite des propriétés de l’action collective désirable permet l’engagement des parties ... 127

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4.2.! Le « contenu » de la mission : un vecteur expansion - solidarité ... 129! 4.3.! La mission expansive, une mise en danger des potentiels paradoxale qui exige des dispositifs de gouvernance ... 134!

Le purpose, objet de recherche que nous avons isolé en première partie de la thèse, échappe pour l’instant aux cadres théoriques que nous avons mobilisés : il ne correspond ni à la notion de finalité de l’entreprise mobilisée par les théories de gouvernance, ni à la responsabilité sociale étudiée par le courant de la RSE. La généalogie de la Flexible Purpose Corporation réalisée au chapitre 2 montre que l’introduction de cet objet dans les statuts des sociétés, élément central dans l’ensemble des nouvelles propositions juridiques, rediscute ainsi les termes du débat sur la gouvernance.

Le purpose reste cependant une énigme théorique et soulève de nombreuses questions à la fois quant à sa nature, ses conséquences managériales, et son caractère de nouveauté. Dans ce chapitre, nous proposons donc d’en construire une modélisation qui permette de traiter ces questions. Pour ce faire, nous suivons une méthode de theory building (présentée en 1.1.) à partir de cas empiriques d’entreprises s’étant définies des finalités, afin de quitter l’abstraction du droit et de disposer de données sur les contenus de ces engagements (1.2.).

Le purpose n’est pourtant pas un objet de recherche nouveau pour les sciences de gestion : de nombreux auteurs ont abordé la question des motivations collectives pour la coopération dans les organisations, à commencer par Barnard théorisant le « Common Purpose » dès 1938 (2.1.). Comprendre ce qui différencie l’apport des nouvelles formes de ces modèles existants exigera donc de parcourir cette fois les « portions d’encyclopédie » en management stratégique, et de comparer notamment le purpose aux modèles du « projet », de la « vision » ou de l’« idéologie » (2.2.), et aux pratiques de management existantes comme les mission statements (2.3.). Une telle revue nous permet d’isoler les propriétés étonnantes portés par les cas observés, et de concevoir une notion propre qui se différencie du purpose de la littérature : la mission (2.4.).

Nous élaborons donc un modèle de la mission à partir de ces propriétés en enrichissant un modèle du collectif, le modèle (φ,$ P,$ G) élaboré par A. Hatchuel et B. Segrestin (3.1.). Ce modèle nous permettra de montrer les caractéristiques particulières de la mission qui ne pouvaient être saisies dans les cadres théoriques classiques de l’organisation, nous obligeant à faire un détour par les théories de la conception (3.2.). Nous complétons ainsi notre modèle de la mission en montrant qu’une de ses caractéristiques essentielles est sa capacité à générer un engagement sur une action collective future encore inconnue (3.3.).

Dans une dernière partie, nous enrichissons notre modèle afin de représenter à la fois la nature conceptuelle d’engagement (4.1.) et les contenus innovants et sociaux (4.2.) de la mission, ce qui nous permet d’en construire une typologie rendant compte des mécanismes contrastés qui empêchaient de saisir dans une même unité les différents types de mission que nous avons évoqué jusqu’ici. Nous détaillons enfin les questions managériales que notre modèle soulève et que nous traiterons dans la troisième partie de la thèse (4.3.).

1. EXPLORER LA NOTION DE PURPOSE : TROIS CAS DENTREPRISES AVEC FINALITES

La première partie du manuscrit était consacrée à une première analyse des nouvelles formes de société, en particulier de la Flexible Purpose Corporation, et des nouvelles formes de gouvernance dont ces formes sont à l’origine. Nous avons montré qu’une propriété fondamentale distinguait ces nouvelles formes des modèles classiques de société, et des théories de la gouvernance dont on dispose aujourd’hui : le purpose. Isoler un tel objet, dont les propriétés semblent surprenantes, appelle donc à déplacer le « microscope », et à l’étudier plus spécifiquement. Or surmonter les limites des cadres théoriques et parvenir à une modélisation du purpose nécessite en premier lieu de recueillir des données pertinentes sur cet objet. Dans cette première partie, nous justifions la méthode que nous avons employée pour construire notre modélisation, ainsi que les cas que nous avons choisi pour ce faire (1.1.), puis nous détaillons les cas mobilisés qui nous serviront à construire le modèle (1.2.).

1.1. Logique de l’exploration : matériau et méthode

1.1.1. Pourquoi et comment « modéliser » ?

L’ambition de construire un cadre théorique adapté au purpose commence par poser un problème de méthodologie : si le purpose est un élément nouveau apporté par ces nouvelles formes, peut-on l’étudier en dehors de ces formes-là ? Et comment l’étudier alors qu’il s’agit précisément d’un élément nouveau ? Quelle « protocole expérimental » concevoir pour construire une théorie adaptée ?

Nous pouvons rationaliser notre approche comme une méthode de theory building (Eisenhardt 1989, Eisenhardt & Graebner 2007). Dans une première étape, nous avons identifié un fait ou un phénomène, la mission, qui met à mal les cadres théoriques classiques : il peut s’agir d’un contre-exemple ou d’un symptôme des limites de ces cadres théoriques (Siggelkow 2007). La méthode de theory building, quelque soit ses variations (grounded theory (Glaser & Strauss 1967), case study research (Yin 2009), collaborative management research (David & Hatchuel 2007) etc.) suppose pour faire face à une lacune théorique de ce type de faire des « allers retours » entre les données empiriques, et une ébauche de modèle théorique qui vise à atteindre un niveau de généralité supérieur à celui du cas isolé (Weil 1999, Eisenhardt & Graebner 2007, David 2012 [2000]-b). Pour Siggelkow (2007), un seul cas, lorsqu’il est choisi avec soin et analysé avec le plus de précision possible, peut constituer une base solide à la constitution d’un « free-standing model », c’est-à-dire d’un modèle théorique qui paraît plausible en lui- même et pour lequel le cas sert à identifier les principaux paramètres. Pour (Eisenhardt & Graebner 2007), une collection de cas permet de s’affranchir de la nécessité de « persuasion » du modèle seul, en démontrant une première forme de réplicabilité des résultats, et en outre d’atteindre un modèle plus épuré car débarrassé de contingences spécifiques à chacun des cas. Dans les deux cas, il convient de remarquer que la construction d’un tel modèle relève d’une approche abductive : les cas ne sont pas choisis pour leur représentativité car il ne s’agit pas de « tester le modèle », mais choisis parce qu’ils remettent en question le domaine de validité des théories existantes (Eisenhardt & Graebner 2007).

Dans notre cas, deux précautions supplémentaires s’imposent. Premièrement, le fait empirique qui justifie notre approche de construction théorique n’est pas un cas « réel » d’organisation : le « purpose » est davantage défini par la négative par rapport aux autres options de gouvernance et son instanciation n’est pas encore claire. C’est comme si, en ayant écarté l’hypothèse que la lumière nécessitait un « milieu physique » pour se propager tel l’éther, nous nous étions mis par défaut à la recherche d’une particule : mais où regarder, et comment regarder ? Il nous faut donc justifier avec précaution les choix des « particules » et des « microscopes » avec lesquels nous étudions. Deuxièmement, l’étude des cadres théoriques menées en partie 1 s’était focalisée sur la gouvernance des entreprises, et non sur les pistes d’explications possibles pour le « purpose » en soi. Nous proposons donc en toute rigueur une étude des champs de recherche susceptibles d’avoir traité de la question de la mission d’une entreprise, et en particulier des travaux de management stratégique autour du « common purpose », et autour de la

construction de la stratégie pour le collectif. Ces éléments complèteront la palette d’outils à disposition pour la modélisation.

En ce qui concerne la première précaution, nous avons déjà aperçu plusieurs formes de « purpose » outre celui de la FPC, tels que les « missions sociales » des entreprises sociales. Nous démontrerons dans ce chapitre que le « purpose » n’est ainsi pas un objet nouveau en soi : ce sont les formes surprenantes qu’il prend (notamment celle d’un engagement à valeur juridique) qui met aujourd’hui en lumière le déficit de théorie quant à ces objets. Le protocole peut ainsi être le suivant : en se basant sur cette hypothèse, nous construisons un modèle à partir d’un nombre réduit de cas (non forcément représentatifs) ; grâce au modèle, nous disposons d’un nouveau « microscope » permettant d’identifier des entreprises semblables et de les classifier ; et c’est grâce à cette variété de cas identifiés que d’une part nous montrerons que le modèle possède effectivement une force de généralité, et que d’autre part nous pourrons en affiner les propriétés et étudier les implications managériales qu’il entraîne.

Nous utiliserons dans ce chapitre trois cas d’entreprises avec purpose : deux cas de FPC, ces formes juridiques étant un vivier naturel pour isoler des cas d’étude empirique sur le purpose, et un cas étonnant d’entreprise française s’étant définie un « mandat » depuis sa création, Nutriset.

1.1.2. Nutriset : la construction progressive d’un cas de recherche-intervention

Les travaux du CGS engagés dans le cadre de la chaire Théorie et Méthodes de la Conception Innovante ont amenés en 2011 Marine Agogué et Elsa Berthet à étudier une entreprise surprenante, nommée Nutriset, pour les difficultés de conception à laquelle celle-ci était confrontée. Surprenante en effet, parce qu’il s’agit d’une entreprise ayant adopté une forme classique, celle d’une Société par Actions Simplifiée à but lucratif, qui a pourtant eu un impact humanitaire considérable : elle a en effet participé à la conception d’un produit révolutionnaire de lutte contre la malnutrition, dont les performances dans les pays du Sud sont sans commune mesure avec les traitements précédents. En l’espèce, il s’agit donc d’une entreprise à but lucratif ayant atteint un objectif profondément sociétal, que l’on aurait pu considérer comme propre à des acteurs caritatifs ou associatifs, et ayant d’ailleurs nécessité de travailler avec de tels acteurs (comme Action contre la Faim, ou Médecins Sans Frontières).

Fin 2011, peu après le démarrage de cette thèse, la direction de Nutriset a sollicité le laboratoire pour une question parallèle, quoique très liée à la première. Conscients de la spécificité de leur société – que son fondateur, Michel Lescanne, avait dotée d’un « mandat » dès sa création en 1986, celui de « nourrir les enfants » – les dirigeants de Nutriset ont commencé à s’inquiéter de l’inadéquation des modèles classiques de l’entreprise par rapport à plusieurs objectifs : promouvoir un objectif qui ne se limite pas à la rentabilité financière sans pour autant abandonner la logique entrepreneuriale, préserver une capacité de collaboration avec des organismes à but non lucratif devenant suspicieux face à une société en forte croissance, et sécuriser le « mandat » même en cas d’ouverture du capital de cette PME familiale à d’autres investisseurs extérieurs.

Il s’agit pour cette recherche d’un cas particulièrement adapté : une entreprise à but lucratif souhaitant conserver une forme juridique de société commerciale, se définissant une ambition non limitée à la rentabilité financière, et souhaitant formaliser son engagement dans cette ambition. Nous avons donc commencé une collaboration de longue durée avec Nutriset, sous forme de recherche intervention (Hatchuel & Molet 1986, David 2012 [2000]-a), afin d’explorer les formes possibles de ce type d’engagement, tout en conservant les capacités d’innovation de l’entreprise. Pour le présent chapitre, nous ne détaillerons qu’assez peu l’organisation de Nutriset, en accord avec notre ambition de se focaliser sur la mission en soi. Nous reviendrons toutefois sur les conditions de cette recherche intervention, ainsi que sur les résultats de cette recherche au chapitre 5.

1.1.3. Choix des cas

La richesse du cas Nutriset, à travers la recherche longitudinale que nous avons pu mener à plusieurs chercheurs depuis 2011, fournit à elle seule une grande quantité de données sur l’évolution historique du « mandat » de l’entreprise, sa mise en œuvre au niveau organisationnel et son influence sur la gouvernance de la société. L’équipe de recherche au laboratoire totalise ainsi plusieurs dizaines d’heures d’entretiens menés avec la direction générale, les responsables des principaux départements de l’entreprise, et plusieurs ingénieurs impliqués dans les processus de conception. Nous disposons également des contenus des échanges réalisés lors d’ateliers (par exemple de créativité) menés en collaboration entre Nutriset et le CGS. Nous revenons plus en détail sur ces éléments méthodologiques au chapitre 5.

Dans la logique d’Eisenhardt et Graebner (2007), ce cas s’ajoute ainsi à deux exemples de FPC californiennes incorporées depuis 2012. Lors du séjour en Californie évoqué au chapitre précédent, nous avons en effet pu rencontrer l’entrepreneur à l’origine du projet nommé Keplers’ 2020, ce qui a été l’occasion d’échanger lors d’un entretien sur la mission de cette FPC. Cette mission, que l’on peut résumer en « sauver les librairies », concerne initialement le cas d’une librairie particulière située à Menlo Park, et contraste ainsi avec la mission de Nutriset par le caractère local de l’engagement. Enfin, une recherche systématique parmi les FPC incorporées (sur laquelle nous reviendrons en chapitre 6) nous a permis de découvrir un autre exemple intriguant, celui de Vicarious, une entreprise existant depuis 2010, mais ayant choisi la forme de FPC en 2013, et proposant une mission fortement orientée vers l’innovation : créer la prochaine génération d’intelligence artificielle. Le caractère social ou environnemental d’une telle mission paraît discutable, mais il n’a pas empêché l’incorporation sous forme de FPC, c’est pourquoi il est intéressant de la retenir pour appuyer notre modélisation.

1.2. Présentation succincte des cas d’entreprise à mission

1.2.1. Nutriset

Nutriset est une PME française basée dans la région de Rouen, fondée en 1986 par Michel Lescanne. Dès sa création, le fondateur lui attribue, selon ses termes, un « mandat », celui de « nourrir les enfants », et en particulier ceux qui, dans le monde, sont en situation de malnutrition. Pour comprendre les termes de ce « mandat », quelques éléments de contexte sur la malnutrition se révèlent nécessaires. Une description plus détaillée sera proposée dans le chapitre 5, traitant plus en détail de l’organisation de l’entreprise.

Quelques éléments de contexte sur la malnutrition et les débuts de l’entreprise

Jusque dans les années 1970, la malnutrition est perçue comme une « sous-alimentation » à laquelle on pouvait répondre par l’envoi de surplus alimentaires des pays industrialisés. Des travaux menés par des nutritionnistes au cours des années 1980 commencent à modifier profondément la représentation du problème de la malnutrition : ils montrent que le problème n’est pas uniquement quantitatif, mais également qualitatif. Des aliments commencent alors à être conçus à partir de céréales spécifiquement choisies (comme le « Corn-Soy Blend ») pour approcher au mieux les besoins nutritionnels des populations touchées, mais un tel changement apparaît rapidement insuffisant. Auparavant qualifiée de mauvais état physique dû à une situation économique défavorable, la malnutrition est progressivement considérée comme une pathologie à part entière, entraînant un certain nombre de complications et que l’on peut diagnostiquer à partir de critères de plus en plus précis, et surtout nécessitant un traitement thérapeutique adapté.

De la fin des années 1980 au début des années 1990, l’accroissement des connaissances est considérable sur cette pathologie : on commence à en décrire des formes différentes, et à concevoir les traitements nécessaires. Ceux-ci se basent cependant sur des mélanges complexes pour atteindre les formulations nutritionnelles adaptées, à réaliser sur place dans les zones de crise, et nécessitant

généralement l’ajout d’eau locale, souvent de mauvaise qualité. Nutriset réalise successivement, avec l’aide de nutritionnistes et d’organisations non gouvernementales, la conception de deux produits qui conduiront à révolutionner le traitement de la malnutrition. Le premier consiste en un mélange à base de poudre de lait pré-dosé dans un sachet hermétique et répondant exactement aux besoins nutritionnels identifiés par les médecins et nutritionnistes : il permet un gain de temps et une précision de traitement inédite. Le deuxième consiste en un aliment à base de pâte grasse, également pré-dosé en sachet, et que l’on peut manger directement sans avoir besoin d’eau, ni de recourir à un médecin pour le préparer. Il peut ainsi directement être distribué aux familles dont un enfant est en situation de malnutrition sévère, ce qui transforme radicalement l’ensemble des processus de traitement et accroit significativement le nombre d’enfants malades traités.

De « nourrir les enfants » à l’« autonomie nutritionnelle » : évolution du mandat de l’entreprise

La finalité de Nutriset, contrairement au special purpose d’une FPC, n’a jamais été formalisée dans un document à valeur juridique. Nous ne pouvons ainsi suivre son évolution au cours du temps qu’à travers les documents de communication que nous nous sommes procurés, et les entretiens que nous avons menés, ainsi que ceux menés par Marine Agogué et Elsa Berthet, avec les personnes ayant participé à divers moments de l’histoire de l’entreprise. Le mandat de « nourrir les enfants » ne représente ainsi qu’une fraction de la mission véhiculée par la direction : il s’agissait en réalité plus précisément de « combattre la malnutrition des enfants dans les pays du Sud » (les tentatives lancées pour les populations touchées en France ayant été rapidement abandonnées) et pour cela de répondre aux besoins identifiés par les partenaires tels que les nutritionnistes ou les personnels d’ONG (par exemple le besoin de développer un traitement qui puisse s’effectuer hors du centre de santé, cette condition étant extrêmement bloquante pour l’efficacité et le nombre d’enfants traités).

Dans les années 2000, une dimension supplémentaire majeure est ajoutée à ce purpose. La direction réalise en effet que le schéma économique de l’aide contre la malnutrition est peu vertueux économiquement. Il comprend une production mondiale des matières premières nécessitant une importation parfois coûteuse vers les pays industrialisés, puis une transformation des aliments thérapeutiques dans ces pays, qui conservent la valeur ajoutée, et enfin une seconde exportation coûteuse des produits transformés pour la distribution dans des pays comparativement pauvres. Autrement dit, le schéma de cette aide implique une dépendance aux pays du Nord, une production de valeur économique dans les pays du Nord, et des coûts liés à l’importation et exportation relativement importants. Nutriset modifie alors son mandat, et exprime sa mission comme de parvenir à « l’autonomie nutritionnelle » des pays du Sud, c’est-à-dire en quelques mots, permettre à ces pays de développer la capacité de faire face aux besoins nutritionnels de leurs propres populations.

Nutriset bloque alors la fabrication des produits thérapeutiques conçus, dans les pays du Nord, grâce à un brevet précédemment déposé, et ouvre au contraire ce brevet aux pays du Sud, tout en commençant à constituer un réseau de partenaires producteurs, sous forme de franchises, pour « relocaliser » la production de ces aliments thérapeutiques dans les pays où ils sont consommés. C’est ainsi à l’ensemble de la chaîne de valeur que s’adresse cette nouvelle formulation de la mission, conservant l’enjeu de traitement de la malnutrition précédemment formulé.

Les dimensions récentes du purpose de Nutriset

Une autre dimension de la mission est ensuite ajoutée au tournant des années 2010. Depuis plusieurs années, l’entreprise tente de remonter la chaîne de causalité de la pathologie, en proposant d’étendre l’action non pas seulement au traitement de la malnutrition une fois l’état maladif déclaré, mais également aux actions de prévention, visant à empêcher l’état maladif de se produire. Mais les travaux

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