• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1. LE CÈDRE BLANC DANS LE CONTEXTE COLONIAL DU XIX e

1.8 Vers une nouvelle interrogation

Au terme de ce survol des connaissances, nous pouvons encore nous interroger sur l’exploitation et l’usage du cèdre blanc à Montréal et dans son arrière-pays au XIXe siècle. Si l’exploitation du cèdre blanc dans les régions rurales des vallées de l’Outaouais et du haut Saint-Laurent est attestée par la présence de bâtiments en pièce- sur-pièce de cèdre, l’étude détaillée de ces bâtiments permet d’aborder l’établissement colonial du XIXe siècle d’une façon inédite.

Jusqu’à maintenant, les historiens se sont généralement concentrés sur le développement général des seigneuries et des cantons. Suivant une approche assez classique, ils retracent l’histoire des principaux acteurs coloniaux, relatent les évènements du développement des noyaux villageois et traitent de l’essor de l’industrie locale (Blanchard 1954; McCallum 1980; Reid 1990; Gaffield 1994; Filion 2000). Lorsqu’ils discutent de l’établissement des colons sur leurs terres, le discours est très général, orienté sur les principales étapes de l’établissement et sur les types de constructions rencontrés en milieu rural (Gauthier-Larouche 1974; Bealer 1979; Martin 1999). Force est de constater l’absence de recherche consacrée à l’étude des pionniers ayant exploité les terres agricoles en bordure des noyaux villageois et à l’évolution des paysages domestiques ruraux.

La présente étude s’intéresse au développement propre à différents lots concédés dans six localités en amont de Montréal. L’objectif est de retracer l’évolution d’un lot de sa concession initiale jusqu’à aujourd’hui et, ainsi, faire revivre un pan de l’histoire rurale oublié jusqu’à ce jour. Pour ce faire, nous cherchons à documenter la concession

initiale du lot, les premiers défrichements, l’année de construction des divers bâtiments, les époques où ces bâtiments furent modifiés et à déterminer les propriétaires responsables des constructions. Selon nous, seule la dendrochronologie, par l’étude des pièces de bois composant les bâtiments anciens d’un site, permet d’atteindre une compréhension globale des stratégies d’exploitation du cèdre blanc en milieu rural. Cette méthode d’analyse permet également de documenter l’établissement colonial et l’évolution du paysage culturel domestique sur une terre agricole.

L’état des connaissances sur le cèdre blanc nous amène par ailleurs à nous questionner sur les réseaux d’échanges régionaux de cette espèce forestière. S’il est attesté que le cèdre blanc acheminé à Montréal provenait des régions en amont de la ville, la provenance exacte des pièces retrouvées en contexte architectural et archéologique reste inconnue (Poudret-Barré 2007). Le second objectif de cette étude cherche à déterminer de façon plus précise la provenance géographique des pièces de cèdre retrouvées dans les constructions montréalaise du XIXe siècle. Ce faisant, nous visons une meilleure compréhension géographique de la pression commerciale exercée par Montréal sur son arrière-pays rural à travers l’industrie forestière et les réseaux d’échanges du cèdre blanc au XIXe siècle.

Ce second axe de la problématique est ambitieux, dans le sens où il fait appel à une méthodologie originale. Pour y répondre, il faudra d’abord vérifier s’il est possible d’appliquer les principes de la dendroprovenance à un territoire relativement restreint, soit d’environ 200 km sur 150 km. S’il est possible de différencier les provenances à l’échelle de la province du Québec (Poudret-Barré 2007), aucune étude à plus petite échelle n’a encore été réalisée. En ce sens, il n’est pas certain que nous pourrons identifier la provenance des cèdres retrouvés en contexte archéologique et architectural à Montréal. Ainsi, ce mémoire contient aussi un aspect plus méthodologique associé aux applications mêmes de la dendrochronologie.

1.9 Corpus

Afin de mener à bien cette recherche et de répondre à notre double problématique, nous avons sélectionné nos sites selon un certain nombre de critères plutôt stricts. D’abord, il devait s’agir de bâtiments en pièce-sur-pièce présents dans le triangle Ottawa-Montréal-Prescott. Ces bâtiments devaient avoir été construits pendant la colonisation de ces territoires au XIXe siècle. Afin de contrôler les données appliquées à la dendroprovenance, ces bâtiments devaient se situer à au moins une trentaine de kilomètres les uns des autres et être constitués d’arbres locaux. Enfin, les pièces de ces bâtiments, ou du moins les solives de soutien, devaient être en cèdre blanc et nous devions avoir l’autorisation des propriétaires pour échantillonner. Tous ces critères ont sensiblement réduit le nombre de bâtiments pouvant faire partie de cette étude. À terme, six sites ont été intégrés à nos recherches (fig. 1.7).

Le site le plus près de Montréal est la maison Ménard (Les Cèdres, Québec). Située au centre de la presqu’île de Vaudreuil-Soulanges, cette maison fait office de point de jonction entre la vallée de l’Outaouais et celle du haut Saint-Laurent. Trois sites représentent la vallée de l’Outaouais. Il s’agit de la ferme Borris, située sur la rive sud de la rivière des Outaouais dans la municipalité de Vankleek Hill (Hawkesbury, Ontario) ; de la maison Joanisse (Saint-André-Avellin, Québec), située sur la rive nord de la rivière, à la limite sud du Bouclier canadien ; et de la ferme Turcotte, sise sur la rive nord de la rivière dans la municipalité de Masson-Angers (Gatineau, Québec).

Deux sites représentent la vallée du haut Saint-Laurent. La ferme Wood est érigée à Williamstown (Cornwall, Ontario), tandis que la ferme Wynands se situe à North Augusta (Ontario). Le tableau suivant présente la distance à vol d’oiseau entre chacun des sites (tableau 1.2).

Documents relatifs